Elle dit ne pas comprendre que le président Bouteflika assure vouloir mettre en place des institutions crédibles et démocratiquement élues en confiant un tel chantier de réformes à une “Assemblée croupion”. Passée pour être un soutien presque inconditionnel du président Bouteflika, la passionaria du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, est bien partie pour grossir les rangs des déçus du “bouteflikisme”. Si elle n'est pas allée jusqu'à entrer en guerre contre son allié d'hier, elle n'a toutefois pas caché son insatisfaction à propos de certaines de ses décisions annoncées dans son discours à la nation prononcé le 15 avril dernier. “Les mesures annoncées auraient été plus pertinentes et audacieuses si elles étaient annoncées en 2007. Aujourd'hui, nous sommes dans une autre situation avec la dynamique de contestation. La situation a besoin de mesures vraiment audacieuses et nous ne pouvons pas attendre jusqu'à 2012. Il y va de la stabilité du pays et de la moralisation de la pratique politique. Nous avons besoin d'une ouverture politique réelle et maintenant”, a martelé Mme Hanoune, lors d'une conférence de presse animée hier au siège national du son parti, à Alger. Elle dit ne pas comprendre comment le président Bouteflika, qui assure vouloir mettre en place des institutions crédibles et démocratiquement élues, puisse confier le chantier des réformes à une “Assemblée croupion” présentée comme “la pire législature” connue par le pays. L'idée de la mise en place d'une commission pour plancher sur la future constitution est aussi décriée par la première dame du PT, qui est allée jusqu'à la qualifier de “coup d'Etat contre la volonté du peuple”. Mme Hanoune semble quelque peu contrariée par le rejet présidentiel de l'option d'une Assemblée constituante qui, confie-t-elle, avait pourtant emballé le locataire d'El-Mouradia. Aurait-il donc été empêché d'aller au bout de ses convictions ? Réponse de Mme Hanoune : “Ce n'est pas une question d'empêchement par la force, mais le président Bouteflika joue à l'équilibre pour plaire à tout le monde. Il ne veut pas bousculer les équilibres fragiles au sein des hautes sphères de décision. Nous lui demandons d'apporter des réponses à la hauteur des enjeux et des développements de la situation dans la région et qui appellent des décisions politiques hardies.” “Quand on est en politique, il faut savoir trancher. Il est grand temps de sortir de cette logique”, ajoute-t-elle. Cette absence d'audace politique chez le premier magistrat du pays n'a pas, pour autant, fait perdre espoir à Mme Hanoune de le voir corriger sa copie. “Le président peut changer d'avis et les développements de la situation peuvent l'obliger à prendre des décisions majeures”, assure-t-elle, en rappelant son refus public de constitutionnaliser tamazigh sans passer par le référendum avant de le faire quelques années plus tard. Comme pour ménager l'ego du chef de l'Etat, Mme Hanoune a tenu à souligner qu'elle ne doute pas de ses “intentions”, mais elle n'est pas convaincue par “la méthode choisie”. Mieux, elle juge certaines mesures annoncées par Bouteflika (la dépénalisation du délit de presse, la séparation du politique de l'argent, l'annonce d'un plan d'investissement public,…) comme “bonnes” tout en déplorant l'absence de calendrier. “Même si ces mesures sont positives, elles n'auront aucun effet sur la situation actuelle. Et les dangers resteront en l'état”, nuance-t-elle. Elle qui, il n'y a pas très longtemps, refusait catégoriquement de mettre sur un pied d'égalité l'Algérie et la Tunisie, estime aujourd'hui que “le mouvement revendicatif en vigueur en Algérie est 500 fois plus fort que celui ayant donné cours à la révolution tunisienne”. “L'Algérie est un volcan en activité et le mouvement de protestation est ascendant. Il y a trop de pauvreté et de désespoir à l'intérieur du pays. Ceux qui veulent jouer à la politique de l'autruche doivent savoir que le développement n'a pas touché tout le territoire national. Il y a des disparités énormes et dangereuses”, assène-t-elle, avant d'ajouter : “Les impatiences explosent et il y a des grèves et des rassemblements partout. Comme la France au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'Algérie d'aujourd'hui est dans une situation révolutionnaire.”