Résumé : Ghenima accompagne sa belle sœur à Tala pour puiser l'eau. En cours de route, elles devraient longer la forge où travaille Mohand, l'amoureux de la jeune fille. Fatiha, sa belle-sœur la taquine un moment avant de lui poser certaines questions sur sa relation avec le jeune homme. 11eme partie Ghenima pousse un soupir : - Tu ne m'apprends rien, Fatiha, je connais très bien nos mœurs, mais il se trouve que Mohand est en ce moment bien coincé. - Coincé ? Et pourquoi donc ? - Tu sais bien que Na Aldjia sa mère ne quitte plus sa couche depuis des années. Elle est impotente, et à la merci de sa belle-fille Nedjima, qui la maltraite et lui rend la vie dure. - Raison de plus, pour que Mohand s'empresse de t'épouser. Tu sauras mieux que quiconque prendre soin de sa mère. - Il le sait. Mais tant que son frère aîné Amar et son père sont en France, qui pourrait s'occuper des formalités requises pour venir demander ma main ? Mohand m'avait même proposé d'en toucher un mot à mon père, mais j'ai refusé. Tu sais bien que “le vieux” l'aurait pris pour un effronté. Un homme qui a encore son frère aîné et son père ne doit jamais penser à demander lui-même la main d'une fille. Fatiha hoche la tête d'un air sérieux : - Tu as raison, ma puce. Oh, je suis désolée, je voulais juste te taquiner. - Ce n'est rien. Je comprends fort bien tes intentions, Fatiha. Tu veux me voir mariée et heureuse, au lieu de rencontrer clandestinement un homme que j'aime, au risque de nous faire surprendre. Fatiha est admirative devant la profondeur des sentiments de Ghenima : - Et tu prends quotidiennement ce risque ? - Oui, Mohand est devenu pour moi cet air que je respire. Sans sa présence dans ce village, ma vie n'aurait plus aucun sens. Et c'est la même chose pour lui. Fatiha hoche la tête : - Je n'en doute pas. Ce doit être le cas, car lui aussi ne sera pas épargné au cas où on vous surprendra. Ghenima soupire : - J'espère que son père va rentrer à la fin du printemps. Cela fait deux années qu'il n'est pas venu au bled, et Mohand lui a envoyé un message avec quelques émigrés de passage. - Tu crois que Mohand n'aura pas à essuyer un refus ? - Hein, un refus ? Mais de qui ? - Je ne sais pas moi, de son père, du tien. Ghenima sentit ses jambes fléchir : - Tu me prends de court, Fatiha, je n'y ai jamais pensé, mais tout compte fait, Mohand a le droit tout de même de choisir la compagne de sa vie. - Je ne dis pas le contraire. Mais ton père accordera t-il ta main à un forgeron ? Ghenima est prise de vertige : - De quoi veux-tu parler ? murmure-t-elle d'une voix à peine audible. Fatiha se mordit la lèvre. Elle ne voulait pas inquiéter sa belle-sœur, mais elle avait surpris une conversation entre voisines, où Zouina sa belle-mère, avait sous-entendu que seule une orpheline consentira à épouser un forgeron qui manipule le feu à longueur de journée, et le feu dans les traditions ancestrales, symbolise Satan. Qui voudrait marier sa fille à un homme qui côtoie tous les jours le diable ? (À suivre) Y.H.