Résumé : Aïssa avait gagné la partie. Da Kaci, indigné et honteux, était rentré chez lui l'âme en peine. Il tente d'afficher tant bien que mal cet air serein et coutumier qu'on lui connaissait. Mais le jeu ne s'avère pas facile. Comment allait-il annoncer la nouvelle à sa famille ? 10eme partie Désormais, il aura piètre figure devant son entourage, et même devant les gens de son village. À coup sûr, plus d'un villageois sera surpris demain devant la grande assemblée de la djemaâ, en apprenant que Aïssa, ce reclus, va épouser Ghenima, avec la bénédiction de son propre géniteur ! Kaci se tenait encore à l'entrée lorsqu'il entendit la voix autoritaire de sa femme Zouina : - Ghenima, Fatiha, qu'attendez-vous donc pour aller puiser de l'eau à Tala, il est bientôt l'heure du déjeuner et les hommes ne vont pas tarder à rentrer. Ghenima retire du feu la dernière galette qui finissait de cuire, puis se relève et interroge du regard sa jeune belle-sœur. - Une seconde et je t'accompagne, lui dit Fatiha, qui terminait d'étendre son linge au soleil. Ghenima s'empare alors d'une jarre qu'elle balance sur son dos, puis se met à taquiner son petit-neveu qui jouait avec le chat : - Il a les mêmes yeux que les tiens. Le petit garçon se met à rire, et Ghenima poursuit en lui chatouillant le dos : - Tu es bien beau mon bébé. Elle le soulève et le serre contre elle, puis le redépose en voyant arriver Fatiha : - Allons-y, nous somme déjà assez en retard ainsi. Nous allons trouver du monde à Tala. - Oh, je ne pense pas, lance Zouina, les plus avisées ont déjà dû s'approvisionner en eau dès les premières lueurs du jour. Les deux jeunes femmes s'apprêtaient à sortir, lorsqu'elles se heurtèrent à Kaci, qui se met de côté pour les laisser passer. Elles baissèrent pudiquement les yeux devant lui, et passèrent leur chemin. Fatiha avait le teint blanc laiteux et des yeux d'un vert éclatant, tout comme ceux de son fils. Elle riait tout le temps, et Ghenima l'aimait beaucoup et se confiait souvent à elle. Par contre, elle se méfiait de sa belle-sœur ainée Zineb, qui ne savait ni retenir sa langue, ni garder un secret. Ghenima redresse sa taille et renoue son foulard, avant de tirer sur sa robe. Fatiha sourit : - Hum, tu crains de rencontrer Mohand ? - Ghenima ébauche elle aussi un sourire : je ne crains pas de le rencontrer, dis plutôt que nous allons passer devant sa forge, puisqu'elle se trouve s non loin de Tala. - Là-dessus tu ne m'apprends, rien ma biche. Ghenima tire sa belle-sœur par le bras : - Parle doucement, quelqu'un pourrait nous entendre. - Sur le chemin de Tala ? À cette heure ci ? Je suis certaine que nous serons les dernières femmes à puiser l'eau pour cette journée. Et puis, pourquoi ne veux-tu pas me parler un peu de tes projets, que je sache ou moins où tu en es avec ton heureux élu. - Quel projets ? De quoi veux-tu parler Fatiha ? - Mais ma chère sœur, tu ne comptes pas continuer éternellement à rencontrer Mohand en secret, tout en risquant de t'exposer à la honte et au mépris de tout le village, sans compter que tes deux frères et ton père, t'égorgeront vive, s'ils viennent à apprendre que tu vois Mohand quotidiennement, et que vous passez des heures entières à discuter. (À suivre) Y. H.