Le rapport du réseau méditerranéen Anima Investment Network intitulé “La Méditerranée entre croissance et révolution : investissements directs étrangers et partenariats vers les pays méditerranéens en 2010”, publié voici quelques semaines, est, pour l'Algérie, d'un intérêt particulier pour au moins deux raisons. La première est qu'il intervient à la suite de la mise en place dans notre pays d'un nouveau régime juridique pour les investissements étrangers dont il permet donc de mesurer les effets. La seconde est qu'il permet d'effectuer quelques comparaisons intéressantes avec les pays voisins. En dépit des dénégations des autorités algériennes qui continuent de contester l'impact négatif des nouvelles mesures d'encadrement de l'investissement étranger, le dernier rapport du réseau Anima confirme clairement l'image peu attractive de l'Algérie en tant que terre d'accueil des IDE. Le réseau Anima évalue, en effet, les annonces d'investissement étranger enregistrées en 2010 à seulement 805 millions d'euros contre près de 3 milliards d'euros en 2009. À noter que la plus grande partie des investissements recensés se concentre dans le secteur des hydrocarbures.Ces résultats sont attribués par les rédacteurs du rapport aux “nouvelles mesures prises par l'Algérie en matière d'entrée des capitaux étrangers. l'Algérie a durci ces dernières années les conditions d'accueil des IDE, en donnant la préférence aux entreprises nationales dans les appels d'offres internationaux ou encore en obligeant les investisseurs étrangers à s'associer à des partenaires locaux à hauteur de 51% du capital”. Cette préférence nationale aurait fini par décourager les porteurs de projets étrangers. Le panorama de l'investissement étranger qui se dessine à travers ces évaluations est donc celui du renforcement de la spécialisation internationale de notre pays avec néanmoins une diminution en 2010 des projets d'investissement annoncés en direction du secteur de l'énergie. Cette évolution s'accompagne d'une régression sensible des projets d'investissement hors hydrocarbures. Les données publiées par le réseau Anima portant, en outre, sur des projets annoncés — il ne prend en compte que les projets d'investissement confirmés, avec des perspectives de début de réalisation dans les dix-huit mois —, ces tendances générales ont donc de fortes chances de camper le décor de l'investissement étranger en Algérie au cours des prochaines années. Seuls les importants projets d'investissement annoncés dans le domaine de l'immobilier au début de l'année 2011 paraissent à l'heure actuelle de nature à redonner des couleurs à ces projections pour les quelques années à venir. Des résultats décevants au Maghreb Pour l'ensemble du Maghreb, le rapport révèle que 251 projets d'investissement ont été annoncés l'an passé contre 219 seulement une année auparavant dans les quatre pays maghrébins étudiés (Algérie, Libye, Maroc et Tunisie). Ces quatre pays n'ont cependant attiré qu'un peu plus de 6 milliards d'euros d'investissements directs étrangers (IDE) en 2010, soit une baisse de 38,4% par rapport à 2009. Le Maghreb est ainsi allé à contre-courant de la tendance générale observée dans l'ensemble des onze pays de la rive sud de la Méditerranée, où le montant total des IDE annoncés a progressé de 17% (33 milliards d'euros en 2010 contre 28 milliards en 2009). L'observatoire Anima-Mipo note que tous les pays du Maghreb ne sont pas logés à la même enseigne. “Les performances du Maghreb sont globalement décevantes, sauf pour la Tunisie, quasiment au niveau de ses voisins trois fois plus peuplés”, indiquent les auteurs du rapport publié le 10 mars. Avec des flux nets d'IDE de 2,3 milliards d'euros en 2010 contre un peu plus de 1 milliard en 2009, la Tunisie avait retrouvé en 2010 son niveau d'avant la crise économique. La hausse des IDE dans le plus petit pays de la région est toutefois, presque exclusivement imputable aux secteurs des télécommunications et de l'immobilier qui représentent plus de 70% des investissements annoncés. Bien qu'il demeure “brillant pour les partenariats et apprécié par les PME”, le Maroc est resté en situation stable par rapport à 2009 (2,30 milliards d'euros). Les plus gros projets annoncés au royaume chérifien en 2010 concernent essentiellement les secteurs de l'énergie (projet d'une centrale à charbon propre remporté par GDF Suez/International Power en Joint venture avec Nareva, filiale d'ONA, pour 1,13 milliard d'euros) et des télécoms (rachat de 40% du capital de Méditel par Orange pour 640 millions d'euros). Les révolutions brouillent les pistes Les données communiquées par Anima au titre de l'année 2010 ont, bien sûr, la particularité d'avoir été collectées avant les évènements qu'a connus la région depuis le début de l'année 2011. Concernant l'impact économique des révolutions qui secouent le Maghreb, les auteurs du rapport restent prudents : “La plupart des investisseurs ont mis en stand-by leurs projets non engagés dans les pays touchés par des révoltes contre les régimes. Ils attendent de voir à quoi l'avenir ressemblera. Pour le moment, les mouvements populaires que l'on observe sont neutres sur la question du nationalisme économique et les entreprises étrangères ne semblent pas visées”, notent-ils. Même s'ils redoutent les nationalisations de certaines entreprises nées de partenariats impliquant des membres des anciens clans au pouvoir (cas d'Orange-Tunisie), les responsables de l'Observatoire Anima-Mipo restent cependant confiants quant à l'avenir économique de la région. “Il y a une tendance de fonds qui dit que les investisseurs misent sur le sud de la Méditerranée, même si cela reste imprévisible sur le plan conjoncturel cette année”, soulignent les auteurs du rapport.