Le spectre de la guerre sécessionniste du Biafra en 1967 plane au-dessus de la tête du Nigeria. En 1967, la sécession et la proclamation d'une République du Biafra (Sud-Est) avait déclenché une guerre civile, jusqu'en janvier 1970, qui avait fait un à deux millions de morts, selon les estimations. Des émeutes secouent depuis dimanche soir la moitié nord du pays à dominante musulmane, au lendemain de l'élection présidentielle qui a vu la victoire de Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud. Comme dans la plupart des élections sur le continent africain, le élection présidentielle s'est donc terminée chez le “géant” africain dans un bain de sang. Le nombre de personnes déplacées depuis l'annonce des résultats, à la suite des violences postélectorales, s'élevait vendredi à une centaine de milliers, selon le coordinateur des opérations d'urgence de la Croix-Rouge du Nigeria, qui confirme la mort d'au moins 200 personnes lors des émeutes. L'instauration du couvre-feu et la mise en place de patrouilles militaires ont difficilement rétabli le calme dans le nord du Nigeria, où des émeutes avaient éclaté après la proclamation de la victoire à l'élection présidentielle du président sortant Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud, sur le candidat musulman du Nord Muhammadu Buhari. La situation est tendue au point que des casernes de l'armée fédérale et de la police ont dû accueillir des déplacés fuyant les violences. La situation risque de s'aggraver. Goodluck contesté par son rival musulman a lui-même évoqué le syndrome biafrais en déclarant jeudi que les émeutes actuelles rappellent les évènements qui ont précédé la guerre du Biafra. “Ces actes de désordre sont une triste réminiscence des événements qui ont plongé notre pays durant trente mois d'une regrettable guerre civile”, a affirmé le président qui a, par ailleurs, renforcé la sécurité dans tout le pays pour empêcher de nouvelles violences et il a maintenu le processus électoral qui devrait s'achever avec les élections des gouverneurs et des assemblées des 36 Etats de la Fédération, prévues le 26 avril. “Ces troubles sont plus que de simples protestations politiques. Ils ont clairement pour objectif de perturber les élections encore à venir. Ce n'est pas acceptable”, a lancé le chef de l'Etat, annonçant le maintien de l'ordre par l'armée. Des couvre-feux partiels et des patrouilles de militaires sont en alerte, et plus de mille personnes ont été arrêtées dans la seule ville de Kaduna (Nord) où un couvre-feu systématique est en vigueur. Goodluck, soutenu par l'armée, a tout de même annoncé qu'une commission d'enquête judiciaire sur les violences allait être désignée. Les autorités n'ont pas donné de bilan des victimes de ces jours de violences, par crainte d'aggraver la situation. De nombreux corps ont été brûlés ou jetés dans des puits, rendant le bilan difficile. Les élections des gouverneurs et assemblées fédérales sont également à très haut risque. Des analystes estiment que ces élections des gouverneurs qui gèrent d'énormes budgets, grâce à la rente pétrolière, représentent l'enjeu de l'équation nigériane : le Nord est depuis longtemps économiquement marginalisé par rapport au Sud, riche en pétrole, ce qui alimente les divisions. Le Nord musulman où des Etats appliquent plus ou moins la charia n'a pas accepté la défaite de son candidat, le général Muhammadu Buhari, qui est arrivé avec 31% des voix derrière le président sortant, Goodluck Jonathan (57%). Reste que s'il y eu des trucages, ils auront été fait de hautes mains, car les Nigérians ont voté pour la première fois selon un système entièrement informatisé. Le Nord a voté pour l'ex-général tandis que le Sud a plébiscité le président sortant à 95% !