La juge a mis l'accent sur le non-recours à l'avis d'appel d'offres, le choix du transfert du projet de la Cogiz à l'activité Aval et l'octroi de marchés à la société Safir qui fera appel à des sous-traitants. Mercredi dernier, en toute fin de journée, alors que se déroulait le procès des cadres dirigeants de Sonatrach dans l'affaire dite Sonatrach-Safir, une nouvelle réprobation s'est répandue dans la salle d'audience du pôle pénal spécialisé d'Oran, lorsque la juge annonce, contre toute attente, la mise en délibéré du verdict pour la semaine prochaine. Des peines de 6 et 4 ans d'emprisonnement assorties d'amendes avaient été requises par le procureur général à l'encontre de A. Feghouli, ex-P-DG par intérim et ex-vice-président Aval de Sonatrach, B. Touati, ex-DG de Cogiz, M. Meziane, ex-P-DG de Sonatrach, le seul à comparaître libre, H. Mekki, ex-directeur de la division études et développement d'Aval, et N. Tidjini, ex-DG de la société algéro-française Safir. Pour les familles des cinq inculpés, et plus particulièrement les quatre qui sont incarcérés depuis le 20 décembre, c'en est trop et les “Oh ! Pourquoi ?” fusent de partout. Déjà l'intitulé des peines d'emprisonnement requises avaient eu un effet de coup de massue, les avocats estimant cela comme totalement disproportionné. Il faut dire que ce procès a pris une forme inattendue lors de l'incident ayant opposé le procureur général à la défense des prévenus, ce qui permettra par la suite à Me Miloud Brahimi, le défendant de H. Mekki, de lâcher la phrase attendue de tous : “Cette affaire relève de pratiques politiciennes et non judiciaires !” Le ton, en fait, avait été donné lors de l'intervention de Me Feroui, représentant de la partie civile Sonatrach, qui avait déclaré : “Dans ce dossier, Sonatrach n'a pas déposé une plainte, elle s'est constituée pour avoir accès au dossier seulement et elle n'a subi aucun préjudice financier.” La salle avait applaudi suite à cette déclaration, et c'est peut-être aussi pour cela que le procureur, lors de son réquisitoire, lâchera que la partie civile avait une attitude immorale et a agi de manière contraire à l'éthique professionnelle. Des propos qui provoquèrent le courroux des avocats (voir notre édition du 28 avril), avec l'incident qui occasionnera une interruption de l'audience. Les avocats ont mis en avant, lors des plaidoiries, le “faux procès fait aux cadres, l'absence de préjudice, sans compter l'aberration de ces poursuites puisque la société Sonatrach ne serait pas soumise au code des marchés publics”. Pour rappel, les chefs d'inculpation de “passation de marché contraire à la réglementation et dilapidation de deniers publics” s'appuyaient, selon les enquêteurs des services de sécurité, sur les conditions douteuses d'octroi d'un marché, c'est-à-dire de gré à gré, à la société Safir pour la réalisation de 10 bacs de stockage d'azote à Arzew. Alors que la juge concentrera les débats sur plusieurs aspects, comme le non-recours à l'avis d'appel d'offres, le choix du transfert du projet de la Cogiz à l'activité Aval, puis celui de l'octroi de marchés à la société Safir, présentée comme seule entreprise spécialisée dans le domaine de la réalisation de bacs pour l'azote, mais qui fera appel à des sous-traitants, les prévenus opposèrent des arguments industriels, des impératifs de sécurité industrielle et de stratégie de développement. Mais, pour nombre d'observateurs, l'un des volets qui ne fut jamais évoqué, aussi bien par les enquêteurs des services de sécurité, y compris lors du procès, est celui du partenaire français, à savoir Marais Contracting, qui entrera dans le capital de Safir en 2004. à cette date, des employés de Safir avaient organisé des actions de protestation, affirmant que ce partenaire, qui n'a aucune compétence dans le domaine, ne pouvait rien apporter à l'entreprise. Et c'est après cette recapitalisation de la société Safir que des contrats seront octroyés, alors qu'auparavant, Safir connaissait de grandes difficultés. Sans vraiment évoquer ce volet, l'avocat de l'ex-DG de Safir dira, par rapport à l'inculpation de son client, qu'“il n'appartient pas au partenaire contractant de contrôler la régularité ou non de l'attribution”. Mercredi prochain, le verdict devrait donc tomber pour les ex-cadres dirigeants de Sonatrach.