Deux artistes-peintres d'origines différentes exposent à l'Institut Cervantès d'Alger. La première est algérienne. La seconde est espagnole. Leur point commun : la peinture. Un art universel, sans frontières où elles excellent et surtout maîtrisent la technique. Intitulée Geoarte del otro (Géoart de l'autre), cette exposition collective, inaugurée le 25 avril passé et composée de vingt tableaux, se veut un lien de rapprochement des deux rives de la Méditerranée. À travers leurs toiles, c'est une traversée à double sens que les deux artistes effectuent. Un regard croisé qu'elles livrent dans leur peinture. Chacune a peint la culture, les vestiges du pays de l'autre. Selon son concept, sa vision. Djahida Houadef (six tableaux) se surpasse. Ses œuvres sont géantes, reproduisant les moments forts de la vie espagnole. Des œuvres dédiées à la ville de Barcelone. Ce qui surprend au premier regard, c'est la forme et le style. L'artiste-peintre, réputée pour sa touche florale, change de registre et déroute par ses peintures, d'un réalisme saisissant, sans changer de technique : acrylique sur toile. Désarticulée, cette collection se veut un regard d'une artiste guidée par ses vibrations chromatiques. Djahida Houadef, reproduit sa vision selon ses pulsions. Dans “la Guerrière de Mataró, c'est la statue d'une femme, une madone, au milieu d'un sens giratoire, régulant la circulation des voitures, le déroulement du quotidien. En arrière-plan, des femmes sur leurs balcons, devisant entre elles”. La Sargada Familia, l'autre toile représentant la célèbre basilique (un chef-d'œuvre du modernisme architectural espagnol), du même nom à Barcelone. Une représentation fantasmagorique d'un monument gorgé d'histoire, planté au milieu de nulle part, entouré d'une flore riche et bigarrée. Deux reptiles, se regardant en chiens de faïence, montent la garde. Fidèle à sa palette, la plasticienne étale ses couleurs avec générosité. Elle allie les tons chauds avec les froids, conférant un contraste cohérent et esthétique, rappelant ceux de Frida Kahlo. Magarida Riera propose quatorze tableaux retraçant ses différents déplacements en Algérie. D'Alger au Sud, en passant par la vallée du M'zab et les Aurès. Tels des instantanés fixant à jamais, sur de la toile, des personnes, des lieux, des tranches de vie. Ebauchées à la manière du croquis, ces toiles mettent en relief le détail. Dans Trabajo, ce sont des mains laborieuses, travailleuses, en action : piler. Dans Rayando et Esparando, c'est l'ode à La Casbah. La porte d'une bâtisse ainsi qu'une ruelle en escalier, et sur le seuil, un homme assis, regardant vers la mer probablement. Dans Touareg, c'est le port altier de l'Homme bleu, la grâce et l'élégance à dos de chameau. Jouant sur les ombres et les lumières, cette collection se décline comme une partition musicale changeant de rythme de tableau en tableau. Des couleurs ocre, sable, cannelle, dérivant sur plusieurs tons, accentuant sans contexte la technique – mixte – à laquelle recourt la plasticienne. Un regard étranger perçant, mettant à nu une beauté, une réalité, mythifiant parfois. C'est le cas de l'œuvre intitulée la Kahina : personnage historique algérien, devenu sensible, mettant en relief sa féminité et sa beauté pure, crue. Geoarte del otro, une exposition qui explore les sensibilités des plasticiennes, mettant à nu un réalisme certain, dévoilant deux cultures lointaines et proches en même temps. Elle vient renforcer les liens d'amitié entre algéro-espagonle, basée sur la connaissance de l'autre, mais également, l'union des deux rives à travers leurs dimensions culturelles et géographiques. Une aventure s'imprégnant des sensations et autres émotions de chacun des deux artistes-peintres, exprimant un voyage pictural initiatique, dévoilant une perception artistique originale; “Geoarte del otro”, exposition collective de Djahida Houadef et Margarida Riera, jusqu'au 23 mai 2011 à l'Institut Cervantès. Le 13 juin, elle sera visible à Tlemcen dans le cadre de Tlemcen capitale de la culture islamique.