Il est un peu plus de 9h du matin dans la salle d'audience du pôle pénal spécialisé d'Oran, lorsque la présidente du tribunal s'installe et demande aux agents de police de ramener les quatre prévenus. Un silence pesant s'installe du côté des familles, très tendues, qui se tournent vers le box des accusés, le regard inquiet. Devant le prétoire, s'alignent A. Feghouli, ex- P-DG par intérim de Sonatrach et ex-vice-président d'Aval, H. Mekki, ex-directeur de la division études et développement d'Aval, B. Touati, ex-DG de Cogis et N. Tidjini, ex-DG de Safir. M. Meziane, l'ex-P-DG de Sonatrach, sous contrôle judiciaire dans le cadre de l'affaire d'Oran, était absent lors de la lecture de la sentence. Les cinq inculpés, dont quatre sont incarcérés depuis le 20 décembre 2010, étaient poursuivis pour “passation de marché contraire à la réglementation et dilapidation de deniers publics” dans le cadre d'un contrat passé de gré à gré entre Sonatrach Aval et l'une de ses filiales, la société mixte algéro-française, Safir. Ce contrat prévoyait la réalisation à Arzew de dix bacs de stockage d'azote pour un peu plus de dix millions de dinars. Lors du procès, le procureur avait requis des peines de six ans de prison ferme à l'encontre de trois des prévenus, les deux ex-dirigeants de Sonatrach et l'ex-directeur de Safir, et quatre ans de prison ferme pour les deux autres anciens cadres de Sonatrach, alors que les peines encourues, selon le code pénal, sont de deux à dix ans de prison ferme dans pareil cas. à cet instant, la présidente du tribunal reprend la parole d'une voix à peine audible et annonce le verdict : deux ans de prison dont une année ferme pour M. Meziane assortis d'une amende de 500 000 DA. Puis, pour chacun des quatre autres inculpés, elle prononce un an de prison dont quatre mois fermes, assortis de 200 000 DA d'amende. Dans la salle, des clameurs et des cris de protestation sont poussés par les familles qui ont confusément cru entendre un an de prison ferme. La présidente s'énerve et frappe de la main sur son pupitre, demandant le silence ; les avocats des prévenus rassurent aussitôt leurs proches : “Non, non ! taisez-vous ! C'est bon, c'est bon, ils vont sortir !” Du coup, dans un brouhaha général, la joie efface les stigmates de l'angoisse sur tous les visages. Feghouli, Mekki et Touati se retournent vers leur famille, ils se font des signes de la main et savent qu'après un retour vers la prison de M'dina J'dida, ils seront libérés. En effet, les quatre hommes, incarcérés depuis le 20 décembre 2010, ont donc déjà purgé leur peine de prison. Certains des avocats, à l'annonce du verdict, ont tenu à réagir, comme la partie civile qui s'est dite contente pour les familles des cadres de Sonatrach. L'avocat de l'ex-P-DG de Sonatrach, qui devra faire appel sous peu, et de l'ex-directeur du département études et développement à Aval, nous a déclaré : “Lorsque le politique entre dans le prétoire, la justice en sort !” De même pour le défenseur de B. Touati, ex-DG de Safir, qui, lui aussi, ne mâche pas ses mots et estime que “ce verdict va à contre-courant de ce qui se passe aujourd'hui, à savoir la dépénalisation de l'acte de gestion”. Tandis qu'un de ses confrères rappelle la lourde et significative absence du ministre de l'énergie et des Mines qui est toujours épargné dans les affaires liées à Sonatrach. Pour rappel, lors du procès, le 27 avril dernier, les avocats des cinq inculpés, et plus particulièrement Me Miloud Brahimi, avaient été, on ne peut plus clairs, dans leurs plaidoiries en évoquant une affaire politique au vu du dossier et de la manière dont l'enquête avait été conduite. La partie civile, à savoir Sonatrach, avait déjà donné le ton en expliquant que la société n'avait subi aucun préjudice dans cette affaire et qu'aucune plainte n'avait été déposée contre les cadres du groupe. D'ailleurs, cette position fut à l'origine d'un incident opposant le procureur général aux avocats. Le verdict final de cette affaire vient en fait conforter tous ceux qui, de près ou de loin, ont relevé les non-dits, un dossier vide, avec une ombre, celle de l'absence de l'ex-ministre de l'Energie.