L'auteur du célèbre hymne à la jeunesse kabyle tombée lors du printemps noir et intitulé “pouvoir assassin” a prêté sa construction musicale pour rendre un vibrant hommage à son aînée Taous Amrouche avec laquelle il partage lui aussi la même localité. Sur l'air d'une romance plaintive presque inconsolable, douce à vous faire couler des larmes, Oulahlou déroule pour nous toute la cérémonie d'un retour d'exil imprévu au travers d'une petite fille de Taous, la soprano de la chanson kabyle au genre très terroir du pays. Entendre Taous chanter, c'était et c'est encore en même temps entendre toutes ces grandes dames de la chanson universelle faire cœur avec elle à l'image de Maria Callas. C'est ce que l'artiste, fidèlement contestataire, a su dépeindre dans un poème chanté sous forme de messe requiem pour le repos de l'âme… celle de Taous. Il aperçoit au loin, dans un virage, une voiture arpenter lentement la paisible route en lacets menant à Ighil Ali et soulevant une poussière multicolore. Dans ce carrosse d'or roulant cahin-caha se trouvait une fille, les yeux grand-ouverts venue en pèlerinage dans ce village qui a vu naître les siens. Ce village que Taous n'a jamais oublié malgré les différents et longs exils qui l'ont tenue loin de ce parfum de pays comme elle aimait à le dire. Sur la place d'Ighil Ali on voit la grande fille magique, accent français, descendre gracieusement de la diligence. Décidée, elle s'en est allée par les chemins serpentins du village revoir les images et écouter les bruits d'une enfance sur les imperceptibles pas de sa grand-mère. À mesure, la musique prend la cadence d'une marche discrète, sûre et rassurée qui se confond avec les pas feutrés de la Diva posés là des années durant. Oulahlou suit la visiteuse surprise au loin et entend sa voix se confondre avec celles des enfants agglutinés autour d'elle. Peu d'entre eux connaissent cette fille sortie pour eux comme dans une histoire. Etait-ce la Loundja que tant de contes et de cantiques ont célébrée ? Pas à pas, Oulahlou suit la silhouette imagée de son aînée qu'il appelle tantôt Taous, tantôt Marguerite et qui lui rappelait également deux autres enfants natifs de ce même village : Malek Ouari et le frère Lmouhoub Amrouche. Aucune rue, aucun chemin ne porte son nom, aucune école ne l'enseigne. Alors, surpris dans son rêve, l'artiste se rend en désespoir de cause au cimetière d'Ighil Ali et là aussi il ne trouve nulle part trace de sa tombe. À qui infliger cette ingratitude sinon à ceux dont la charge est de rapatrier les restes de nos nombreux et nombreuses artistes, hommes et femmes de lettres qui reposent hélas loin de nous sur un autre continent, une autre terre. C'est, a contrario, par ses hommes et ses femmes de valeur et de grandeur artistique et littéraire, hélas à jamais enterrés en exil que l'Algérie est universelle. A. A. [email protected]