Résumé : Zouina était malade de chagrin et d'amertume. Après tant d'années de mariage, son mari avait brandi sa canne, et l'avait menacée de la répudier. Etait-il devenu fou ? Ou bien devait-il de l'argent à Aïssa ? Pourquoi ne l'avait-il jamais entretenue sur ce sujet auparavant ? 26eme partie Elle ferme les yeux et refuse de répondre à Zineb, qui ne cessait de poser des questions. En fin de compte, elle la rabroue sans ménagement, et lui ordonne de redescendre s'occuper de ses enfants. Pendant ce temps, Fatiha tentait de consoler Ghenima : - Tu verras. Ton père finira par battre en retraite devant le refus de toute la famille. Ghenima ne répondait pas. Elle semblait ailleurs. La jeune fille pensait à Mohand. Comment fera-t-elle pour lui annoncer la nouvelle ? Il lui sera désormais interdit de quitter la maison, jusqu'au jour de son mariage. C'était la coutume dans tout le village. Lorsqu'une fille est promise, on lui évite toute sortie qui pourrait l'éloigner de la maison, afin que son futur prétendant ne la rencontre pas. Car cela pourrait attirer les mauvais génies et porter malheur. N'a-t-on pas entendu plus d'une fois parler des “génies voleurs de mariées”. Bien sûr, jusqu'à ce jour, et grâce à la vigilance des familles, il n'y a jamais eu un tel affront au village. Mais sait-on jamais. Les vieilles femmes se pinçaient les lèvres et chuchotaient des “choses” dans les oreilles de leurs filles et petites-filles. Si bien qu'on avait fini par instaurer cette règle de conduite pour toute future mariée. Pas de sortie donc, loin de la maison, jusqu'au jour du mariage. Ghenima n'était pas non plus sûre de l'opposition de ses frères quant à une décision prise par leur père, qui de surcroît, devrait en faire officiellement la déclaration le lendemain devant l'assemblée du village. Elle hoche la tête et se pince très fort. N'était-elle pas en train de rêver ? Fatiha s'approche d'elle et la prend par les épaules : - Allons Ghenima, ne fais pas cette tête, tu nous fais peur tu sais, quand tu gardes ce silence qui n'augure rien de bon. Ghenima hausse les épaules. Qui aurait dû avoir peur dans de telles circonstances ? Elle aurait pu en rire, si elle n'était pas directement concernée. Hélas ! la triste réalité était aussi limpide que l'eau de roche : son père la marie. Et avec qui ? Elle tente de rejeter encore l'image grotesque qui se dessinait devant ses yeux. Non, cela ne pouvait pas être vrai. C'est un cauchemar qu'elle est en train de vivre, et qui finira par se dissiper. Elle se laisse tomber sur le grand lit de Fatiha, et ferme un moment les yeux. Va-t-elle se mettre à attendre la mort sur ce même lit ? Ne devrait-elle pas tirer un trait sur sa jeune existence et refuser de se nourrir et de se lever, jusqu'à ce que ses forces l'abandonnent et qu'elle sombre dans l'éternel repos ? Sa belle-sœur s'assoit à son chevet : - Ressaisis-toi donc Ghenima, nous trouverons bien une solution à cette calamité. Mais enfin, réponds-moi, dis quelque chose. Que pourrais-je donc faire pour toi, petite sœur ? Ghenima se retourne vers sa belle-sœur. Que pourrait-elle faire pour elle ? Tout à coup, elle se redresse sur son lit. Mais bien sûr qu'elle pourrait faire quelque chose, bien sûr. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ! Elle regarde Fatiha. Sa belle-sœur semblait réellement triste pour elle, et prête à tout tenter pour lui rendre le sourire. - Fatiha, arrive-t-elle enfin à articuler. Cette dernière lui prend la main : - Oui, oui ma chérie, je suis là. Que veux-tu que je fasse ? - Fatiha, je ne sais pas quoi faire, mais une chose est certaine : Mohand n'est pas encore au courant de cette situation. (À suivre) Y. H.