Le secrétaire général du RND et Premier ministre est venu, ce jeudi, rencontrer la commission Bensalah non pas en simple figurant, mais en véritable postulant pour la magistrature suprême. Ahmed Ouyahia, à travers ses propositions, se projette déjà dans l'après-Bouteflika et en trace les contours. L'actuel Premier ministre a tout dit sur son agacement du mode de gouvernance imposé par le président Bouteflika. Il dénonce, en des termes diplomatiques, la concentration des pouvoirs entre les mains du seul président de la République, et suggère que ce dernier, dans la future constitution, soit “au-dessus de la mêlée”, jouant plutôt le rôle de l'arbitre que celui de l'omniprésent. Ahmed Ouyahia dénonce le blocage de l'action du gouvernement par le président de la République, notamment en raison du fait que même les décrets exécutifs doivent être avalisés par le chef de l'état. Même si les propos sont enrobés dans un discours diplomatique, ils trahissent, quand même, la gêne d'un Premier ministre envoyé au charbon sans avoir les moyens de sa politique. Le patron du RND ne voudrait pas, pour autant, ôter au chef de l'état, la moindre de ses prérogatives contenues dans l'actuelle constitution. Il préconise, toutefois, une plus grande liberté d'action pour le gouvernement qui devrait être, selon la vision du RND, au moins responsable des actions qu'il mène sur le terrain. Partisan d'un régime semi-présidentiel, le RND suggère que “le gouvernement élabore son programme et le soumette à l'accord du Parlement pour que la responsabilité du gouvernement soit engagée sans “parapluie” du président de la République élu au suffrage universel”. Le patron du RND ne s'est pas trop attardé avec la commission, comme il s'est contenté d'une très brève déclaration à la presse, en indiquant que tout était noté sur le mémorandum de 15 pages remis à la commission et disponible sur le site du parti. Que propose Ouyahia ? D'abord, le parachèvement du processus démocratique, bloqué par les circonstances qu'a connues le pays. Pour lui, le temps est venu pour mettre un terme au provisoire qui dure, y compris pour ce qui concerne la question des mandats présidentiels. En effet, Ouyahia estime que la dernière révision de la Constitution ayant permis au chef de l'état de briguer un troisième mandat, était une mesure exceptionnelle dictée par la nature de la crise qui secouait le pays et qu'il faudrait, par conséquent, revenir à la limitation des mandats présidentiels à deux. Partisan d'une révision profonde de la Constitution, le patron du RND suggère que le Premier ministre soit désigné par le parti majoritaire à l'APN, tout comme il préconise la limitation, aux situations exceptionnelles, du recours par le chef de l'état à la législation par ordonnances. En outre, le RND plaide pour le renforcement du contrôle du Parlement sur l'action du gouvernement. Mais il ne manque pas de proposer un certain nombre d'amendements à même de mettre un terme à l'absentéisme des députés, l'affairisme et le nomadisme de bon nombre d'entre eux. Le RND propose des sanctions financières, pour les absents, la perte de la qualité d'élu pour les nomades, mais surtout, la levée systématique de l'immunité parlementaire en cas de crime ou de délit. Mais, pour le RND, la révision de la Constitution devrait être soumise à la prochaine Assemblée nationale élue, afin de la mettre à l'abri des surenchères de la campagne électorale des législatives. En revanche, le parti est d'avis que la révision constitutionnelle soit soumise au référendum populaire une fois son texte voté par le Parlement. Outre la Constitution, le RND propose une foule d'amendements aux lois organiques, à commencer par celle des partis politiques. Le parti insiste sur l'interdiction devant être faite aux personnes ayant participé à des actes terroristes, de créer un parti, ou qui refusent de reconnaître leur responsabilité dans la conception et la mise en œuvre du terrorisme. Pour ce qui est de la loi électorale, le parti plaide pour le système de quotas, pour les femmes et pour les jeunes. Le RND est partisan de la révision de la loi sur l'information. à ce sujet, il propose la suppression de 15 articles de la loi actuelle relatifs à des peines de privation de liberté et d'obliger l'administration à ouvrir l'accès à l'information et le droit du journaliste de protéger ses sources. Il plaide, en outre, pour le retour du Conseil supérieur de l'information. Enfin, et surtout, le parti d'Ahmed Ouyahia se dit favorable à l'ouverture du champ audiovisuel au capital privé, de façon graduelle “en encadrant cela transitoirement avec une participation majoritaire du capital public, et de manière permanente, par un cahier des charges protégeant les composantes de notre personnalité nationale, la morale et l'ordre public”.