La réforme du cadre de la politique monétaire intervenue au début de l'année passée et le choc sur les prix enregistré au début de cette année ont amené la Banque d'Algérie à approfondir l'étude du phénomène inflationniste en Algérie. L'institution de la Villa Jolie a présenté jeudi deux études : un modèle de prévision à court terme de l'inflation et un modèle sur les déterminants de l'inflation en Algérie qui ont suscité un débat très intéressant. L'ordonnance n° 10-04 du 26 août 2010 modifiant et complétant l'ordonnance n° 03-11 du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit a fait de la lutte contre l'inflation l'objectif premier de la politique monétaire. “La Banque d'Algérie a pour mission de veiller à la stabilité des prix en tant qu'objectif de la politique monétaire, de créer et de maintenir, dans les domaines de la monnaie, du crédit et des changes, les conditions les plus favorables à un développement soutenu de l'économie, tout en veillant à la stabilité monétaire et financière” stipule la loi relative à la monnaie et le crédit. Le gouverneur de la banque d'Algérie, Mohammed Laksaci a relevé que l'évolution macroéconomique des années 2000 a fait émerger un contexte macroéconomique caractérisé par l'excès d'épargne sur l'investissement, “l'exception de l'année 2009, qui a été une année de choc externe”, reconnaissantqu'“une situation d'excès de liquidité structurelle peut contribuer à l'inflation”. Dans le contexte d'un marché financier très peu développé et également avec les pressions inflationnistes de type endogène, continue, depuis 2000, à résorber l'excès de liquidités sur le marché monétaire. Les banques ne recourent plus, depuis fin 2001, au refinancement de la Banque d'Algérie. Elles se sont retrouvées en situation d'excès de liquidités. En 2010, relève M. Laksaci, la monnaie scripturale (dépôts à vue et à terme en dinars dans les banques) a progressé de 11,7%, alors qu'elle avait baissé de 4% en 2009. Les dépôts à terme ont enregistré une hausse de 13,3% avec une part relative dans la masse monétaire stabilisée en 2010 (30,9% en 2010 et 31,1% en 2009). Les dépôts aux CCP et au Trésor ont connu une expansion soutenue en 2010, ((28%, après la hausse de 25% en 2009). “C'est assez élevé”, estime le gouverneur de la Banque d'Algérie, précisant “que c'est un indicateur des sorties des monnaies fiduciaires”. L'agrégat de la monnaie fiduciaire s'est accru de 14,7% en 2010, contre 18,8% en 2009. Cela indique, dans une certaine mesure, le ralentissement de la vitesse de circulation de la monnaie. La liquidité des banques a augmenté de 102,3 milliards de DA, passant de 2 447,4 milliards de dinars à fin décembre 2009 à 2 549,7 milliards de DA à fin 2010. Au total, le taux d'expansion de M2 (13,8%) a dépassé l'objectif quantitatif en la matière arrêté par le Conseil de la monnaie et du crédit pour 2010 qui était de 9 %, en raison notamment du prix moyen du baril de pétrole brut qui s'est établi à 80,15 dollars, alors que les projections monétaires et financières ont été faites sur la base d'un prix du pétrole de 76,5 dollars le baril. Les forts décaissements au titre de la hausse des dépenses budgétaires courantes, les salaires et les rappels, ont également contribué à l'expansion monétaire. C'est dans un tel contexte de reprise significative de la croissance monétaire que la conduite ordonnée de la politique monétaire par la Banque d'Algérie a contribué à contenir les pressions inflationnistes en 2010. Le taux d'inflation “calculé par l'ONS” a reculé à 3,9% en 2010, alors qu'il était passé de 4,8% en 2008 à 5,7% en 2009. Le Conseil de la monnaie et du crédit (CMC) “table sur une inflation de 4% en 2011 et nous prévoyons qu'elle resterait autour de ce niveau”, indique le gouverneur. Mais l'évolution de la masse monétaire n'est que l'un des nombreux déterminants de la variation de l'indice général des prix en Algérie. L'analyse des données sur la décennie 2000-2010 montre que l'évolution de la masse monétaire, contrepartie des avoirs extérieurs nets et des avoirs intérieurs, n'explique que 62% environ de l'inflation. L'inflation importée y contribue pour environ 22% et le reste est imputable à l'évolution d'autres facteurs endogènes. Phénomène nouveau observé au quatrième trimestre 2010, la hausse des prix mondiaux des produits de base importés, contrairement aux périodes précédentes où sa transmission s'effectuait avec un retard de 3 à 6 mois, s'est non seulement répercutée sur les prix domestiques de détail mais s'est, de surcroît, amplifiée, sans doute, en raison de comportements de nature spéculative rendus possibles par l'imperfection des marchés et la faiblesse de leur régulation. Mais au-delà, du rôle “pompier” de la banque d'Algérie, de maîtrise de l'inflation, “l'objectif de stimulation de l'activité économique relève-t-il du domaine du rêve ?” s'est interrogé M. Yaïci, professeur de sciences économiques à l'université de Béjaïa.