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Un projet qui ne veut pas voir le jour
La centrale thermoélectrique d'Azzefoun
Publié dans Liberté le 04 - 06 - 2011

Pourquoi ? C'est la question que j'ai posée au Premier ministre, voilà plusieurs mois, et à laquelle il n'a pas répondu. Je ne veux pas voir dans ce silence la seule expression du mépris régulièrement affiché – en violation de l'article 134 de la Constitution –, par certains membres du gouvernement, à l'égard des interpellations des parlementaires.
Un silence qui participe aussi, sans doute, de l'embarras d'un commis de l'Etat qui se trouve face à un dossier d'un indéniable intérêt économique mais qui est également, du fait de son caractère stratégique, éminemment politique… Un dossier qui ne relèverait donc pas de sa prérogative (?). Mais si ce dernier n'a pas, dans ce dossier, le pouvoir de décision, qui doit alors décider ?...
Pour autant, à l'occasion de la présentation, durant l'automne dernier, de sa déclaration de politique générale et dans l'empoignade qu'il a eue avec les députés du RCD, le Premier ministre a, sûr de lui, affirmé à l'Assemblée nationale que le projet de la centrale thermoélectrique d'Azzefoun était bel et bien retenu. Un argument qu'il a d'ailleurs utilisé dans son discours pour contrarier l'idée – défendue par les parlementaires et les élus locaux du Rassemblement – selon laquelle le pouvoir s'est inscrit dans la logique du contre-développement de la wilaya de Tizi Ouzou.
Les propos du Premier ministre avaient, chacun pouvait s'en douter, pour seul objectif l'œil des caméras de la télévision ; un discours aux relents d'une propagande politique servie pour la seule consommation de la population de Kabylie. Les faits sont pourtant là et ils sont têtus. Au jour d'aujourd'hui, ce projet est plus que jamais un mirage et aucun indice n'est venu donner un quelconque espoir de le voir devenir une réalité.
Un projet en souffrance depuis plus de vingt ans, pour des raisons obscures. Une situation qui donne de la consistance et de la légitimité à des conjectures insistantes quant à l'éventualité du retrait du projet.
Voici les faits.
En 1986, la Sonelgaz choisit Azzefoun, dans la wilaya de Tizi Ouzou, pour y implanter une centrale thermoélectrique. Un choix qui entre dans le cadre de la réalisation, sur tout le long du littoral algérien, de plusieurs installations de ce genre ; une politique de production qui s'inscrit dans la nécessité “de sécuriser notre pays en matière de disponibilité de l'énergie électrique”. Une instruction d'un schéma directeur national qui a pour ambition de mettre à l'abri notre pays en matière d'approvisionnement en énergie électrique. Une étude de faisabilité avait été, en ce temps, confiée à EDF (Electricité de France).
29 sites (9 à l'est, autant à l'ouest et 6 au centre) ont été retenus en fonction de critères très précis, en particulier en ce qui concerne les possibilités d'aménagement et de raccordement des projets aux différents réseaux mais aussi selon des considérations plus techniques, océanographiques et bathymétriques, notamment.
Pour le centre du pays, Azzefoun est un des sites qui a été choisi. Pour, d'une part, stabiliser le réseau d'alimentation de la région et sécuriser la disponibilité de l'énergie électrique pour l'est du pays et pour, d'autre part, résorber le chômage et promouvoir le développement économique de cette partie de la wilaya de Tizi Ouzou. Le site de Mellata, situé à l'ouest de la ville balnéaire d'Azzefoun, a ainsi été retenu.
Il a fallu attendre onze années pour qu'un comité interministériel se rende sur les lieux. C'était le 5 septembre 2007. Ce dernier émet un avis défavorable et rejette le site retenu sous prétexte que le terrain d'implantation du projet est à “haute potentialité agricole”.
Quelques mois plus tard, le 6 avril 2008, les autorités de la wilaya relancent le projet. Une commission dans laquelle sont représentées toutes les directions concernées (mines, agriculture, urbanisme, domaines, forêts, tourisme, hydraulique et environnement) se déplace dans la commune d'Azzefoun. Cette commission, qui a pris acte de l'avis défavorable du comité interministériel, propose une nouvelle assiette, un terrain appartenant au domaine privé de l'Etat et attribué aux EAC. Une proposition, il faut le souligner, qui ne souffre d'aucune réserve et qui a fait l'unanimité. Une surface de 40 hectares est donc, à ce jour, réservée pour accueillir la centrale thermoélectrique. Le premier investissement public de cette envergure à être proposé pour la wilaya de Tizi Ouzou depuis l'indépendance de notre pays… depuis la réalisation, début des années soixante-dix, des Sonitex, Sonelec et autre Enel... entreprises qui ont, aujourd'hui, disparu ou qui arrivent péniblement à survivre à la concurrence.
La fiche technique de ce projet, qui a été longuement mûrie, a été présentée, à l'occasion d'une séance de travail, par la direction des mines aux élus locaux (APW) et aux parlementaires. Il s'agit d'un investissement dont le coût est estimé à un milliard cent millions de dollars US, pour une durée de réalisation qui ne dépassera pas 45 mois. Une centrale thermoélectrique dont le combustible est le gaz naturel et qui aura une capacité de production, en cycle combiné, de 1 200 mégawatts. 2 000 postes de travail en phase de chantier et 200 emplois directs en phase d'exploitation y seront créés.
Une véritable bouffée d'oxygène pour l'emploi dans cette région de la wilaya et certainement un outil et une opportunité pour impulser une dynamique de développement de toute la côte kabyle, en particulier sur le plan touristique. Un poumon économique… Il est aisé d'imaginer, si le tourisme venait à prendre de l'essor, le nombre de personnes qui seraient recrutées par ce secteur. Un effet collatéral profitable à une population rongée par le chômage. Le taux est, ici, au moins le double de la moyenne nationale, 25 à 30%.
En novembre 2008, le dossier est réintroduit, par le wali, auprès du gouvernement. À ce jour, aucune réponse officielle, concernant les suites données à ce projet, n'est parvenue aux autorités locales. Pour ces dernières, comme pour les élus locaux et les parlementaires de la région, la centrale thermoélectrique d'Azzefoun n'est pas encore à l'ordre du jour. Elle demeure un projet et pour cause, elle ne figure pas dans les autorisations de programmes destinées, pour l'année 2011, à la wilaya de Tizi Ouzou ; comme elle n'est pas non plus inscrite dans les prévisions d'investissements du plan quinquennal 2010-2014.
La thèse de “la haute potentialité agricole” du terrain qui doit accueillir le projet est, à nouveau, officieusement, il faut le souligner, évoquée. Un argument qui n'a pas de fondement dans la mesure où la législation algérienne prévoit, pour des projets d'intérêt national, la possibilité de déclasser des terres agricoles pour les transférer vers le domaine industriel. Une procédure de distraction des terrains agricoles qui est contenue dans la circulaire du 6 décembre 2005. Une possibilité qui a d'ailleurs trouvé, plus tard, un prolongement dans la circulaire n°553 du 11 novembre 2009 qui a été adressée aux walis par le ministre de l'Agriculture et du Développement rural. Cette circulaire a, ensuite, été abrogée par l'instruction n°001 du 19 avril 2010 du Premier ministre et dans laquelle ce dernier a défini les démarches à suivre pour le transfert des terres agricoles à des fins d'équipements publics.
Parce que les commissions de wilaya, créées à cet effet, se sont vite trouvées confrontées à d'énormes difficultés, le Premier ministre a, à nouveau, réagi et a demandé aux services concernés, par le biais de la circulaire du 19 septembre 2010, de traiter au plus vite les dossiers en instance.
Faut-il rappeler qu'entre 2005 et 2008, ces mesures ont permis, pour des besoins d'investissements publics, la réaffectation de plus 800 000 hectares de terres agricoles ? 144 hectares viennent, depuis avril 2010, d'être attribués au bénéfice de 41 projets d'utilité publique. Pour autant, et malgré son intérêt stratégique, la centrale d'Azzefoun n'a pas profité de ces dispositions.
À moins que le véritable problème ne réside pas justement dans le caractère stratégique du projet. Un projet que les pouvoirs publics ne souhaitent pas, peut-être pas, ériger dans cette région du pays. Si tel est le cas, le silence du Premier ministre, à mon interpellation du 19 décembre dernier trouve tout son sens et confirme son embarras. Les questions que je lui ai posées sont pourtant simples et appellent des réponses claires.
1 - “Si c'est la volonté des pouvoirs publics de réaliser cet investissement dans la wilaya de Tizi Ouzou, pourquoi le gouvernement ne le confirme pas clairement et ne donne aucune échéance pour sa réalisation ? Pourquoi l'Etat ne procède pas, si c'est la vraie raison, à la levée de l'obstacle lié à la nature du terrain qui doit recevoir la centrale thermoélectrique ?”
2 - “Si cet investissement n'est pas retenu, pour quels desseins continue-t-on à entretenir le doute à ce sujet ?”
3 - “Vous avez, Monsieur le Premier ministre, publiquement engagé votre parole, allez vous – en tant que premier responsable du gouvernement – peser de toute votre autorité pour donner de la réalité à ce projet et pour quand le ferez-vous aboutir ?”
Des questions auxquelles je n'aurais, sans doute, pas de réponses.
Parce que la centrale thermoélectrique d'Azzefoun n'est pas un simple investissement à caractère économique et parce qu'elle revêt une importance stratégique, l'initiative du projet pourrait ne pas relever des attributions ordinaires d'un ministre, quand bien même il serait le premier d'entre eux. Cette prérogative serait alors tributaire de considérations politiques et à ce titre, la décision de la réalisation de cet investissement échapperait ( ?) au gouvernement pour dépendre exclusivement des plus hautes sphères du pouvoir. Ceci expliquerait cela et… conférerait alors une intelligibilité au mutisme du Premier ministre.
Quoiqu'il en soit, cette situation me conforte dans l'idée que cet important projet pour la wilaya de Tizi Ouzou ne verra pas le jour avant longtemps. Les obstacles à sa réalisation n'ont aucun fondement objectif. Ce qui ajoute à l'opacité du problème et accentue mon pessimisme. L'argument de la “haute potentialité agricole” du terrain retenu pour son implantation est mis en avant pour détourner l'opinion des vrais raisons qui empêchent son édification dans son site originel. Les mêmes raisons, sans doute, qui entravent depuis des dizaines d'années la réalisation de la voie ferrée qui va de Tizi Ouzou vers Azazga et qui ont fait disparaître le transport ferroviaire de la capitale du Djurdjura vers Alger.
Les mêmes raisons qui ont également, durant des années, mis à l'arrêt les projets de construction des barrages, à l'exemple de ceux de Taksebt et de Tizi n'Tleta. Le premier a vu le jour après vingt années de tergiversations, le second est encore, trente ans plus tard, au stade de projet. Pour autant, ces ouvrages profitent à toute la population du centre du pays. Un bénéfice facile à constater depuis que le barrage de Taksebt est mis en fonction. La capitale algérienne en est le principal bénéficiaire et elle en dépend.
Bien sûr, l'eau est le pétrole de la Kabylie, une autre richesse de l'Algérie. Un don de la nature à une région située au cœur du pays, où la pluviométrie est abondante et le relief favorable à l'édification de retenues de toutes dimensions.
Des avantages qui lui confèrent une position stratégique qui sera assurément renforcée par l'installation d'une centrale thermoélectrique. Un statut qui ne serait pas désiré (?)... Il est difficile de ne pas le présupposer. Il appartient aux pouvoirs publics de lever le doute et de montrer qu'une telle idée participe de la pure conjecture. Il suffit de donner du concret à ce projet.
*Psychiatre et député RCD de Tizi Ouzou


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