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Reportage :
Dossier : VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER La libert� de parole pour ne pas oublier
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 04 - 2005

C'est le jour J tant attendu. On en parle depuis des semaines avec passion, appr�hension, souvent avec d�sillusion, mais toujours avec int�r�t, et dans toutes les villes du Maroc o� nous nous sommes rendus en d�cembre dernier. La presse — tous supports confondus — n'est pas en reste : la d�nonciation publique des violations des droits de l'homme au Maroc pendant les tr�s longues ann�es de plomb va commencer et les journaux — quotidiens et magazines — y consacrent des espaces importants. C'est aujourd'hui — le mardi 21 d�cembre 2004 —, premier jour de l'hiver, ces choses immondes ne se racontent pas au printemps, que commence la lib�ration de la parole contre les 40 ann�es de plomb qui ont marqu� le r�gne de feu Hassan II. Pourquoi 40 ann�es, et pas plus ?
Le Palais � Rabat en a voulu ainsi : ne pas toucher aux ann�es de Mohamed VI. Ce dernier livre aux Marocains la plus sombre p�riode et les plus horribles pratiques des r�gnes de son p�re et de son grand-p�re, de l'ind�pendance jusqu'en 1999, ann�e de la disparition de son p�re. L'op�ration est men�e par l'Instance �quit� et r�conciliation, cr��e � cet effet en janvier 2004 par le gouvernement marocain et op�rationnelle en avril de la m�me ann�e. Instance �quit� et r�conciliation, comme IER, sans "H", histoire de ne pas se tromper de jour, parler du pass� sans �voquer le pr�sent. Elle est pr�sid�e par Driss Benzekri, lui-m�me victime de ces ann�es de plomb, � qui ses anciens camarades reprochent d'avoir accept� cette mission, tr�s contestable selon eux. Les r�gles de cette "lib�ration" et de ce d�ballage public ont �t� d�finies et balis�es : elles doivent �tre accept�es et respect�es par les "acteurs" de cette op�ration qui acceptent les r�gles du jeu, les victimes elles-m�mes ou leur famille, lorsque les victimes sont d�c�d�es ou disparues � ce jour. La charte de l'honneur que signent les auteurs des t�moignages interdit de d�noncer nomm�ment les tortionnaires et autres responsables des violations des droits de l'homme. Cette Instance, qui serait une sorte d'organe extrajudiciaire, a notamment pour objectifs d'�tablir la v�rit� � propos des violations des droits de l'homme qui se sont produites au Maroc entre 1956 et 1999, identifier les institutions responsables, fournir des r�parations aux victimes et surtout �mettre des recommandations pour des r�formes afin que de telles violations ne se reproduisent pas. Abdelhay El-Moudden, coordinateur de la cellule de travail charg�e des auditions publiques, estime que "la transition d�mocratique au Maroc est tributaire du d�passement de ce caract�re tabou entachant des �v�nements essentiels de l'histoire contemporaine du Maroc tels que les �meutes du Rif en 1959, les affrontements arm�s de mars 1973, les violations des droits de l'homme commises au Sahara", et d'ajouter plus loin que "dans les exp�riences de nombreux pays, les auditions publiques ont jou� un r�le de l�gitimation d'un nouveau r�gime par rapport � un pass� de violations massives des droits de l'homme. Au Maroc, elles devraient surtout servir � la mobilisation de l'opinion publique et des acteurs politiques pour introduire les r�formes juridiques n�cessaires afin que les graves violations des droits de l'homme ne se reproduisent pas".
Ne pas citer les noms des tortionnaires
Les rues marocaines en ce mois de d�cembre o� les temp�ratures sont encore cl�mentes grouillent de monde. Dans les caf�s, les bars et les restaurants, on ne parle que de �a, que l'on se trouve � Casablanca, la capitale �conomique, � Rabat, la capitale administrative, ou, plus au nord, � T�touan, la "rebelle" que Hassan II a boud�e et marginalis�e des d�cennies durant, et m�me � Marrakech envahie par des milliers de touristes en cette p�riode de fin d'ann�e. Dans les trains — excellent moyen de transport au Maroc — o� l'ambiance est tr�s conviviale, les discussions se focalisent tr�s rapidement sur cette op�ration et sa cr�dibilit�, et le ton est tr�s libre, sans aucune retenue, les avis les plus divers sont exprim�s. Si les nombreux Marocains que nous avons approch�s et c�toy�s reconnaissent le caract�re exceptionnel et novateur de l'initiative, ils n'en concluent pas pour autant qu'une des pages les plus sombres de l'histoire du Maroc post-ind�pendance est en train de se tourner, encore moins se d�chirer. Ils attendent de voir de plus pr�s, et la plupart nous ont d�clar� qu'ils suivront les auditions publiques des t�moins. Parmi les militants des partis politiques — qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition — ou les militants des droits de l'hommes, notamment les plus �g�s, victimes � des degr�s divers de ces ann�es de plomb et des violations des droits de l'homme, ou dans les milieux associatifs et syndicaux, l'enthousiasme autour de l'op�ration dite v�rit� est plus temp�r� : ils auraient souhait� qu'il y ait moins de limites et moins de balises qui en diminuent la port�e, m�me s'ils reconnaissent presque tous que le combat pour les droits de l'homme enregistre une avanc�e cons�quente et qu'il faut pers�v�rer pour qu'il n'y ait plus jamais �a et qu'il y ait justice et r�paration, les bourreaux et leurs commanditaires devant �tre clairement identifi�s et traduits devant les tribunaux. Pour Mohamed Sebbar, secr�taire g�n�ral de l'ONG Forum v�rit� et justice, l'IER aurait d� "accorder aux victimes une totale libert� de t�moignage", faisant allusion notamment au fait que les t�moins ne doivent pas citer les noms des tortionnaires. Son organisation avait m�me sugg�r� � l'IER que les r�gions ayant connu les violations les plus massives — le Rif, l'Atlas et le Sahara — soient repr�sent�es de mani�re cons�quente lors du choix des t�moignages. Abdelhamid Amine de l'Association marocaine des droits de l'homme, l'AMDH, aurait souhait� que "l'on encourage les tortionnaires et autres responsables des graves violations des droits de l'homme � venir t�moigner et r�v�ler leur part de v�rit�", et qu'il y ait aussi des confrontations "afin que les tortionnaires et autres responsables pr�sentent leurs excuses aux victimes ou d�fendent ce qu'ils ont fait, si c'est �a leur conviction". Le pr�sident de l'OMDH (Observatoire marocain des droits de l'homme) consid�re que le choix de ne pas citer les tortionnaires "d�coule de la nature du traitement du dossier des graves violations des droits de l'homme", ajoutant qu'il s'agit l� d'"une solution qui, d�s le d�part, a �cart�, en raison du contexte politique national et du consensus r�alis�, la possibilit� de la traduction en justice de ces responsables". Pour lui, "rien n'interdit aux victimes d'engager des poursuites judiciaires". Et de s'interroger : "Faut-il poursuivre les responsables ? Lesquels ? Tous ou seulement certains d'entre eux ? Et pourquoi une telle s�lectivit� ? Faut-il accuser et poursuivre des individus ou des institutions ? Voil� quelques questions pos�es par la probl�matique de la lutte contre l'impunit�." L'IER a re�u en l'espace de quelques mois � peine — dans le cadre de la pr�paration des auditions publiques — plus de 22 000 demandes de victimes ! Seules 200 ont �t� choisies et programm�es pour des t�moignages publics, demandes issues de diff�rentes r�gions et concernant les principaux �v�nements li�s aux terribles violations des droits de l'homme, du temps de Hassan II essentiellement.
Travail de m�moire et exorcisme du pass�
Cette op�ration a ses limites, c'est certain : ne pas donner les noms des bourreaux ni des responsables des s�vices peut appara�tre comme un encouragement � l'impunit�. L'assistance pr�sente lors des auditions publiques ne pose pas de questions aux auteurs des t�moignages. Pour l'IER, "il faut �viter une chasse aux sorci�res qui raviverait les tensions dans le pays et mettrait en danger le processus d�mocratique. Des militants de partis politiques ou de droits de l'homme, rencontr�s tout le long de notre s�jour, ont un avis contraire. Pour eux, ne pas juger les tortionnaires s'apparente � une amnistie de fait — certains occupant encore des fonctions importantes. Ils d�noncent aussi le fait que l'on �voque uniquement le pass� alors que de nouvelles violations� sont commises : des milliers d'arrestations arbitraires suite aux attentats de 2003 (45 morts � Casablanca) imput�s aux islamistes. Certains au Maroc y voient l'occasion de mener un travail de m�moire, ou faire comme un exorcisme du pass�, voir aujourd'hui le Maroc dans toute sa monstruosit�. Pour le roi Mohamed VI, "les Marocains se r�concilient avec eux-m�mes et leur histoire". Le mot est l�ch�. Les auditions publiques, qui ont commenc� en d�cembre et se sont poursuivies depuis, ont eu lieu dans une dizaine de villes. Elles ont eu lieu m�me en tamazight pour les Berb�res marocains, avec traduction simultan�e assur�e par l'Institut royal pour la culture amazighe marocaine (IRCAM). Ce mardi 21 d�cembre 2004, dans la salle de conf�rences de ce minist�re � Rabat, n'est pas une journ�e comme les autres : en fin d'apr�s-midi commence la premi�re audition publique des victimes des violations des droits de l'homme entre 1956 et 1999. Ce qui �tait impensable il y a quelques ann�es encore va se r�aliser. Audition publique retransmise en direct sur les cha�nes de t�l�vision marocaine —localement et sur le satellite (notamment pour les millions de Marocains qui sont � l'�tranger et dont beaucoup ont �t� euxm�mes victimes de ces violations et connaissent les affres de l'exil) — et les stations de radio. Ev�nement solennel, unique et charg� de tr�s fortes �motions. Les premiers t�moignages commencent, empreints � la fois de gravit�, de dignit�, de s�r�nit�, de d�termination et de soulagement, sans col�re aucune, m�me si par moments la voix tr�buche, marque un temps d'arr�t et va � l'essentiel. L'histoire tue et cach�e du Maroc des violations des droits de l'homme pendant plus de 40 ans d�file sous nos yeux : histoire horrible et � peine croyable, mais c'est aussi l'histoire des luttes citoyennes pour la libert� et la d�mocratie, et des r�seaux de solidarit� cr��s � l'ombre de ces violations, luttes pay�es par trop de sacrifices et de pertes en vies humaines. Les t�moignages d'Ahmed Benmansour, Chari El-Hou, Rachid Manouzi et Fatima A�t Ettajer sont bouleversants. La prise de parole de Fatima A�t Ettajer est un des grands moments de cette premi�re audition publique : elle �voque ce qu'a subi son fils, d'abord "kidnapp�" par la police, disparu sans laisser de traces, puis ses inlassables efforts � essayer de savoir o� il est gard� au secret, ses multiples d�marches pour lui venir en aide et ces nombreuses portes des institutions de s�curit� et administratives o� elle n'a cess� de frapper, elle et bien d'autres familles de victimes. Elle raconte aussi les liens de solidarit� qu'il a fallu construire entre toutes ces familles et le peu que chacune avait et qu'il fallait partager, les d�faites et les victoires, les tr�s longues attentes et les interminables silences, t�moignage �maill� d'anecdotes au quotidien et non sans des pointes d'humour, conscience politique et citoyennet� forg�es dans les souffrances et toutes sortes de violations. Les t�moignages et les auditions publiques se sont poursuivies de longues semaines durant, dans plusieurs villes du Maroc : ils viennent de s'achever et l'IER est en train de pr�parer son rapport final. En ce mois d'avril 2005, l'IER remettra aux autorit�s marocaines son rapport sur les raisons et les responsabilit�s institutionnelles des exactions commises sous Hassan II principalement, mais qui ont aussi marqu� les premi�res ann�es de l'ind�pendance, du temps de Mohamed V. C'est l� que l'IER est attendu au tournant et o� se jouera sa cr�dibilit�. Que deviendra l'IER demain ? Une chose est certaine, c'est que les militants des droits de l'homme au Maroc ne baisseront pas les bras, loin s'en faut, que leur lutte continuera et que la vigilance sera toujours de rigueur. Si pour le Palais et Mohamed VI, et plus globalement le r�gime marocain, les objectifs inavou�s sont de l'avis de nombreux observateurs marocains — au-del� de ce qui s‘apparente � une r�conciliation — de tenter de r�cup�rer ou d'asseoir une cr�dibilit� dans un pays o� la corruption fait des ravages et o� il y a une �norme perte de justice, une tr�s grave crise sociale, une situation �conomique tr�s pr�caire, une gestion ruineuse de l'affaire du Sahara occidental (en termes de d�penses militaires notamment) et o� l'extr�misme islamiste est plus que mena�ant, cette op�ration unique en son genre au Maghreb et dans tout le monde arabe est une premi�re � mettre � l'actif surtout des militants des droits de l'homme au Maroc toutes tendances confondues, et ils sont nombreux, ceux d'hier et d'aujourd'hui, et des dizaines de milliers de Marocains qui, pendant pr�s de 50 ans, depuis l'ind�pendance de leur pays, n'ont cess� de se battre pour leur libert� et leur dignit� face � un r�gime des plus f�roces et pour qu'il n'y ait plus jamais �a. Pour Ahmed Merzouki, rescap� de Tazmamart — auteur du livre Tazmamart cellule 10 —, dans une d�claration � l'hebdomadaire marocain Le Journal � propos des victimes, "parler aujourd'hui de leur souffrance et de leur mort est en soi une reconnaissance de l'implication de l'Etat", et d'ajouter : "Si on s'approche de 50 % de la v�rit�, c'est une victoire."
D. H.
DES ONG MAROCAINES CONTESTENT, L'IER S'EXPLIQUE
Les violations des droits de l'homme se poursuivent et les ex-tortionnaires toujours � leur poste
Elles craignent que les auditions sur les violations des droits de l'homme commises sous le r�gne de Hassan II n'aient pas de "r�sultats concrets".Trois ONG marocaines ont publi� le mois dernier � Rabat un communiqu� commun assez critique � l'�gard du travail de l'Instance �quit� et r�conciliation (IER), l'organisme gouvernemental mis en place en janvier 2004 au Maroc pour examiner les violations des droits de l'homme commises sous le r�gne de Hassan II.
L'Association marocaine des droits humains (AMDH), l'Organisation marocaine des droits de l'homme (OMDH) et le Forum v�rit� et justice (FVJ) estiment que "la m�thode adopt�e par l'IER concernant les disparus" risque de "ne pas aboutir � des r�sultats concrets (...) et de ne pas d�voiler la v�rit�". Elles regrettent par ailleurs que "les auditions des victimes ne soient plus retransmises par la t�l�vision". "L'opinion publique marocaine est un peu marginalis�e. C'est plut�t l'�lite et les associations de d�fense des droits de l'homme qui se sentent concern�es. Or, elles sont d�j� habitu�es � ce discours, a d�clar� au quotidien fran�ais Le Monde Mohamed Boukili, membre de l'AMDH. Il n'y a rien de vraiment nouveau pour le grand public." A Rabat, tout d'abord, puis � Figuig (sud), Errachidia (sud-est) et K�nitra (centre), des dizaines de personnes ont pu, jusque-l�, parler ouvertement des tortures, meurtres, s�questrations, disparitions, proc�s iniques, etc., qui avaient marqu� leur vie ou celle de leurs proches. Une limite, toutefois, � cette tentative d'exorcisme collectif : les noms des bourreaux doivent �tre tus. La p�riode examin�e par l'IER s'�tend de 1956 (ind�pendance du Maroc) � 1999 (intronisation de Mohamed VI). Le r�gne du nouveau roi n'est pas concern�. C'est l� l'une des autres r�serves de l'AMDH. "Les violations des droits de l'homme se poursuivent aujourd'hui au Maroc, m�me si elles sont moindres, souligne Mohamed Boukili. Il n'aurait pas fallu s'arr�ter � 1999. Il y a encore des enl�vements, des disparitions, des morts sous la torture, des actes commis � l'encontre de prisonniers de l'apr�s-16 mai — attentats de Casablanca de 2003." Des rafles � tr�s grande �chelle ordonn�es par le Palais ont frapp� les milieux dits islamistes, les quartiers populaires et les immenses bidonvilles notamment � la p�riph�rie de Casablanca et Rabat, rafles qui ont entra�n� des milliers d'arrestations et d'emprisonnements, tr�s souvent arbitraires, au m�pris de la loi et des droits de l'homme, la torture et autres s�vices en tous genres — que l'on croyait � tort disparus — devenant la r�gle. Pour Salah El-Ouadie, membre de l'IER, les auditions ont "une port�e historique" et la population (victimes et spectateurs venus les �couter) adh�re totalement � la d�marche en cours. "Nous ne constatons pas, au cours de ces s�ances, de d�sir de vengeance ou de rancoeur, d�clare-t-il. Des souffrances s'expriment dignement. La plupart des t�moins manifestent un souhait tr�s vif de regarder l'avenir et de pardonner." A ceux qui regrettent que les auditions ne soient plus retransmises � la t�l�vision — ou moins largement que les premiers jours —, Salah El-Ouadie r�pond qu'il ne s'agit pas d'une "r�duction de temps d'antenne ou de censure", mais d'un choix d�lib�r�, destin� � �viter un "effet de saturation qui serait contreproductif". Pour Driss El-Yazami, secr�taire g�n�ral de la F�d�ration internationale des droits de l'homme (FIDH) et membre � titre individuel de l'IER, il serait regrettable de s'arr�ter aux audiences publiques, "la partie la plus m�diatique du programme". Un d�bat vient de s'ouvrir avec l'universit�, souligne-t-il, ce qui donne l'occasion d'approcher une g�n�ration souvent ignorante de "l'histoire du temps pr�sent". Trois colloques se sont ainsi tenus : l'un consacr� � la litt�rature de prison, l'autre � la violence d'Etat, le troisi�me au concept de v�rit�. Un autre colloque devrait se tenir d'ici � juin sur le th�me de la r�conciliation. Etablir un bilan rigoureux des violations commises et proc�der � la r�habilitation des victimes — sans se limiter � une r�paration financi�re — font partie des autres objectifs de l'IER. "Il nous reste surtout � �laborer des recommandations pour �viter que de telles violations puissent se reproduire, souligne Driss El-Yazami. Comment a-t-on pu en arriver l� ? Il est essentiel de le comprendre afin d'en tirer les le�ons pour l'avenir." Ces recommandations devraient �tre remises au roi aux alentours du 12 avril. Elles porteront sur des r�formes juridiques aussi bien que sur la formation de la police. Le sort des disparus, quant � lui, est plus que jamais � l'ordre du jour de l'IER. "C'est m�me au cœur de notre mission. C'est pourquoi j'ai du mal � comprendre les critiques exprim�es par l'AMDH, l'OMDH et le FVJ. Ces trois associations critiquent notre m�thode, mais de quoi parlent-elles ?" d�clare un membre de l'IER, sous le couvert de l'anonymat. L'AMDH, de son c�t�, donnait le 12 f�vrier dernier le coup d'envoi "d'activit�s publiques", expression qu'elle pr�f�re � celle d'"auditions parall�les". Un slogan : "Des t�moignages en toute libert� pour la v�rit�." La question de l'impunit� est abord�e lors de ces s�ances. "Nous sommes choqu�s de voir que les ex-tortionnaires sont toujours � leur poste, explique Mohamed Boukili. C'est le signe que la mentalit� n'a pas chang�. C'est ce qui nous inqui�te le plus � l'AMDH."

DES ANNEES DE PLOMB AU MAROC
Des t�moignages bouleversants
Les auditions publiques qui ont commenc� le 21 d�cembre dernier � Rabat se sont poursuivies des semaines durant dans plusieurs villes du Maroc. Pr�s de 200 t�moignages tout aussi bouleversants les uns que les autres, toujours avec beaucoup de dignit�, ont permis aux victimes des violations des droits de l'homme, ou de leurs familles, de dire leurs souffrances et tout ce qu'elles ont endur� et subi de la part du r�gime marocain, de ses diff�rents services de s�curit� et de ses tribunaux, pendant plus de 40 ans. Aujourd'hui, ces victimes ou leurs familles reconnaissent que cette initiative "V�rit� et r�conciliation" est le fruit des luttes qui n'ont cess� de d�noncer ces violations et une victoire des militants des droits de l'homme et de tous ceux qui se sont battus pour plus de libert� et de d�mocratie. Nous avons choisi de vous livrer quelques-uns de ces t�moignages, choix difficile mais qui donnera quand m�me un aper�u de cette terrible descente aux enfers qui a marqu� le Maroc de l'apr�s-ind�pendance.
Ahmed Benmansour : "Des s�quelles dans le conscient et l'imaginaire de tout citoyen honn�te"
L'ancien d�tenu Ahmed Benmansour a t�moign� sur les s�vices et violations des droits de l'homme dont il a fait l'objet suite � son arrestation le 13 mars 1970 et son incarc�ration arbitraire � Dar Moqri. M. Benmansour a commenc� son t�moignage en rappelant les �v�nements p�nibles qu'a connus le Maroc durant les ann�es 1960, notant que ces �v�nements ont engendr� "des s�quelles dans le conscient et l'imaginaire de tout citoyen honn�te". Passant en revue ces "�v�nements tragiques" qui ont caus� la souffrance "d'un nombre important de citoyens libres", M. Benmansour a indiqu� que, vers la fin des ann�es 1950, plusieurs symboles de la r�sistance ont �t� la cible de "campagnes effroyables" men�es par "les forces de la r�pression et de la trahison", indiquant que ces campagnes d�montraient les desseins et les intentions de ces "forces obscurantistes". Ces campagnes n'ont pas m�nag� la direction de la r�sistance et l'arm�e de lib�ration, a-t-il dit, ajoutant que des "hommes valeureux, qui ont lutt� contre le colon, ont �t� jet�s dans des prisons", alors que des ordres ont �t� donn�s pour engager des poursuites contre plusieurs r�sistants dans les diff�rentes r�gions du Maroc. C'est dans ce cadre, a-t-il dit, que plusieurs parmi eux ont �t� licenci�s dans un climat d'escalade qui s'est traduit par des arrestations collectives au sein de l'Union nationale des forces populaires (UNFP) et des organisations qui lui sont affili�es. "Les forces obscurantistes, a-t-il poursuivi, ont commenc� � tendre des guet-apens � toute personne qui refuse de se soumettre � leurs desseins", pr�cisant qu'au d�but des ann�es 1960 un pi�ge a �t� tendu au groupe Moulay Chafai � Oulad Seba�, � Chichaoua. Plusieurs r�sistants ont trouv� la mort dans cette op�ration, a-til pr�cis�. "Toutes ces personnes, a-t-il soulign�, figurent parmi les plus valeureux r�sistants qui n'ont �pargn� aucun effort afin de lib�rer leur pays du joug de la colonisation." Il a �galement �t� proc�d� � l'arrestation du "groupe Al-Ghoul" dont les membres ont �t� jug�s par le tribunal militaire de Rabat et ont �cop� de peines allant de plusieurs ann�es � la peine de mort. A la suite de ces �v�nements, des membres du groupe de B�ni Mellal, ont �t� arr�t�s. Benhamou a �t� condamn� � mort alors que d'autres ont �cop� de longues peines de prison. La capitale �conomique a, par la suite, �t� le th��tre d'�meutes et de manifestations en 1965 contr�es avec une violence qui a fait un grand nombre de morts, a-t-il dit, rappelant que cette m�me ann�e a connu l'enl�vement de Mehdi Ben Barka � Paris. Dans la foul�e de ces �v�nements, M. Benmansour a �t� arr�t� le 13 mars 1970 dans sa maison avant d'�tre conduit au commissariat central de Maarif. Il a �t� par la suite transf�r� � Dar Moqri, o� il a pass� quatre mois. Il s'en est suivi un s�jour dans la prison centrale de K�nitra, puis un transfert � Derb Moulay Cherif � Casablanca. Suite � ce passage � Derb Moulay Cherif, il a �t� transf�r� au p�nitencier militaire de K�nitra. Le tribunal militaire s'est d�clar�, en janvier 1971, incomp�tent pour le juger, c'est pourquoi il a comparu devant la chambre criminelle de Marrakech qui l'a condamn� � 10 ans de prison ferme.
Rachid Manouzi : dans l'enfer du centre de d�tention Derb Moulay Cherif
�"Nous vivons un moment critique qui a trait au r�glement du dossier des graves violations des droits humains. Moment critique pour nous les victimes, pour les forces vives du pays, mais aussi pour les d�cideurs, dans la mesure o�, ensemble, nous devons �tablir les soubassements d'un r�glement bas� sur la v�rit�, la justice et l'�quit�", a indiqu� Rachid Manouzi. "J'avais 19 ans et j'allais passer ce jour l'examen du baccalaur�at. A 7h du matin, alors que je m'appr�tais � rejoindre le lyc�e sur mon motocycle, trois personnes � bord d'une voiture m'avaient intercept� et m'ont emmen�, les yeux band�s, vers un lieu inconnu. Je saurai plus tard qu'il s'agit de Derb Moulay Charif", a ajout� Rachid Manouzi. Il a encore ajout� qu'� Derb Moulay Ch�rif o� il avait rejoint beaucoup d'amis et des membres de sa famille, dont son p�re et ses fr�res, il avait subi la torture sous toutes ses formes (coups, privation de sommeil, agression sexuelle), soulignant qu'il avait pass� une p�riode de trois mois sous la torture physique et psychologique dans cet endroit qui a connu beaucoup de d�c�s, dont celui de Mohamed Sajid dans les ann�es 1960 du si�cle pass�. Derb Moulay Cherif �tait un endroit apocalyptique qui abritait des hommes sans piti� et irrespectueux de l'�tre humain, a-t-il expliqu�, appelant ces personnes � lib�rer leur conscience et � contribuer, � leur tour, � mettre en exergue la v�rit� pour ouvrir largement les portes de la r�conciliation globale.
M. Mostapha El-Amrani d�crit les conditions atroces de sa d�tention au lendemain de l'ind�pendance
L'ancien d�tenu M. Mostapha El-Amrani a t�moign�, le 22 d�cembre 2004 � Rabat, sur les s�vices et la torture atroce qu'il a subis au cours de sa d�tention au lendemain de l'ind�pendance. M. El-Amrani, un militant du Mouvement national au sein du Parti de la Choura et de l'Istiqlal, a racont� les circonstances de son enl�vement le 6 juin 1956 � cinq kilom�tres de Tanger avant d'�tre transf�r� dans un lieu de d�tention connu sous l'appellation de "Jnan Bricha" o� il a �t� ligot� et tortur�. "J'ai pass� deux ou trois jours dans ce lieu en compagnie d'autres d�tenus", a-t-il dit, ajoutant que "les mots ne sauraient suffire pour vous d�crire l'accueil qui m'a �t� r�serv� par les cerb�res de ce lieu de d�tention". Ainsi, relate l'ex-d�tenu, apr�s les jours pass�s � "Jnan Bricha", "nous avons �t� transf�r�s dans d'autres lieux de d�tention � Al-Hoceima puis � Nador", au nord du Maroc, dans la r�gion du Rif, o� il affirme avoir fait la connaissance d'autres personnes ayant milit� pour la lib�ration du Maroc du joug du colonialisme. Chaque jour apportait son lot de tortures, de larmes et de souffrances, s'est-il rappel�, ajoutant que certains parmi ses cod�tenus ont fini par rendre l'�me, n'ayant pu r�sister � la torture "atroce et impitoyable" dont ils faisaient l'objet. Certains de ces d�tenus se faisaient "tabasser" � l'aide de gros b�tons par leurs ge�liers qui, ensuite, d�versaient de l'eau bouillante sur leurs plaies, a-t-il rench�ri. Apr�s un s�jour dans un centre de d�tention � Nador, ajoute-t-il, "on a �t� reconduits � "Jnan Bricha", puis � Dar Sebta o� a continu� le processus de torture", a-t-il dit. Dans ces conditions, "on s'est demand� quel crime avions-nous commis pour m�riter un traitement pareil apr�s tout ce qu'on a pu consentir comme sacrifices y compris en prenant les armes pour lib�rer notre pays", a-t-il dit.
Maria Zouini : "Ma nature de femme n'a pas �t� respect�e durant mon incarc�ration"
L'ancienne d�tenue politique Maria Zouini, arr�t�e en 1977 pour ses activit�s au sein de la gauche marxiste, raconte que ses tortionnaires "n'ont pas respect� sa nature en tant que femme" durant la p�riode de sa d�tention "arbitraire". Mme Zouini s'est longuement attard�e sur les conditions de sa d�tention "arbitraire" et "forc�e" et sur les s�vices qu'elle avait subis durant l'ann�e 1977 dans plusieurs centres de d�tention secrets. L'ancienne d�tenue politique, qui avait �t� arr�t�e en m�me temps que son fr�re et son futur mari, a notamment racont� que dans ces centres "on donnait aux femmes des pr�noms d'hommes" ajoutant que ses tortionnaires "l'appelaient Abdelmouna�m". Elle a �galement indiqu� qu'elle avait fait l'objet de "harc�lement sexuel". Le t�moignage de Maria Zouini, n�e le 22 avril 1955 � Marrakech, a port� sur les circonstances de sa premi�re arrestation en 1977 devant la maison de sa famille � Marrakech, apr�s une vague d'interpellations dans les cit�s universitaires. Le mouvement marxiste auquel elle appartenait est apparu vers la fin des ann�es 1960 d�but des ann�es 1970, et se pr�sentait comme une alternative � "l'opposition institutionnelle" en faisant de la "r�volution" un moyen de changement. Ce mouvement, qui activait dans la clandestinit�, a fait des universit�s et des lyc�es un lieu de mobilisation populaire, notamment par le biais de l'Union nationale des �tudiants du Maroc (UNEM) et le Syndicat national des �l�ves. Mme Zouini a �t� arr�t�e pour ses activit�s au sein de la gauche marxiste. Apr�s une nuit au commissariat de Jamae El Fna, elle affirme avoir �t� conduite, les yeux band�es et les mains menott�es, au centre Derb Moulay Cherif � Casablanca o� elle a v�cu "dans des conditions inhumaines" et "vu des corps gisant dans une mare de sang". Elle a pass� 6 mois dans ce centre. Mme Zouini a d�nonc� l'absence de soins et le manque de nourriture qu'elle jugea "pauvre et m�diocre". Les d�tenues, a-t-elle ajout�, �taient m�me contraintes de signer des PV sans avoir le droit de les consulter au pr�alable. Malgr� ses souffrances, Mme Zouini �tait bien d�cid�e � poursuivre ses �tudes, racontant : "Je r�vais m�me de devenir m�decin." Avant de voir son r�ve s'�vaporer apr�s son arrestation, alors qu'elle venait de r�ussir son examen d'entr�e � la facult� de m�decine de Rabat. Evoquant son proc�s du 3 janvier 1977, Mme Zouini a affirm� que ce proc�s a �t� entach� d'"irr�gularit�s". Neuf jours plus tard, "j'ai entam� une gr�ve de la faim en compagnie d'autres d�tenues" (du 12 janvier au 5 f�vrier de la m�me ann�e), dont Sa�da Mnebhi qui succomba le 12 d�cembre 1977, a-t-elle dit. Par la suite, Mme Zouini a �t� transport�e � la prison de Mekhn�s, sous escorte militaire, en compagnie d'autres d�tenues o� elle passera une ann�e avant d'�tre lib�r�e.
Bouaaza Benchara : "Mon imprimerie a fait objet de fermeture, parce que je me suis oppos� � la volont� des autorit�s de soumettre � la censure les livres que j'�ditais. J'oeuvrais pour la promotion de la culture du livre au Maroc"
M. Bouaaza Benchara a affirm� que son imprimerie, qui constituait pour lui l'unique moyen de subsistance, avait fait l'objet de fermeture parce qu'il s'�tait oppos� oppos� � la volont� des autorit�s de soumettre � la censure les livres qu'il �ditait, une d�cision qui l'avait mis, lui et sa famille, � la rue, sans domicile et sans ressources. M. Benchara a indiqu� qu'il avait �t� arr�t�, en 1961, apr�s sa participation � une manifestation publique et r�voqu� de son emploi en tant que secr�taire particulier du chef de cercle de Figuig apr�s que les autorit�s aient consid�r� que sa conduite �tait incompatible avec sa fonction. Il a pr�cis� � cet �gard qu'il avait particip� � cette manifestation � titre personnel sans que cela ait rien � voir avec sa fonction. "Les autorit�s, a indiqu� M. Benchara, avaient cependant jug� que c'�tait un comportement anormal du fait que j'�tais charg� d'un travail qui requiert la discr�tion et sont m�me all�es jusqu'� m'accuser d'�tre � l'origine de l'organisation de la manifestation en me consid�rant comme un �l�ment perturbateur et dangereux au sein de l'Union nationale des forces populaires (UNFP), surtout qu'elles se sont rendues compte que j'�tais un lecteur assidu du journal Attahrir." "On m'a coll� toute ces accusations pour justifier mon arrestation, en compagnie d'autres", a-t-il dit pr�cisant avoir �t� "d�tenu pendant un mois, sans jugement, � la prison civile d'Oujda". Il a �galement affirm� que depuis cette arrestation, il a �t� pris pour "un microbe contagieux" qu'il faut tenir � distance, indiquant avoir �t� propos� pour un poste de ma�tre d'�cole dans une zone �loign�e en pleine montagne pour l'emp�cher de se m�ler aux autres enseignants, ce qui l'a accul� � d�missionner pour rejoindre l'Institut originel d'Oujda, dont le directeur a "re�u des instructions" pour refuser sa demande. Il a indiqu� avoir finalement sollicit� un travail au secr�tariat de l'UNFP � Casablanca. Benchara a, en outre, d�clar� qu'il avait �t� arr�t� une nouvelle fois, en 1963, en compagnie d'Abderrahim Bouabid et d'autres militants, apr�s que le si�ge de l'UNFP ait �t� investi par la police qui n'a pas fait de distinction entre la direction du parti et les employ�s de son secr�tariat, soulignant qu'il a fait l'objet, pendant un mois au commissariat central de Casablanca, de diff�rentes formes de torture.
M. Ahmed Bouikba : Les �v�nements de 1972-1973 dans la r�gion de Kh�nifra �taient "une r�volution contre la violence, l'oppression et la corruption"
Dans un t�moignage � Kh�nifra, lors de la 5e s�ance des auditions publiques, M. Ahmed Bouikba a not� que les responsables ont totalement n�glig� la r�gion aussi bien sur le plan des infrastructures qu'aux niveaux de la sant� et de l'enseignement, ce qui a amen� les habitants � manifester leur rejet de "la violence, de l'oppression et de la corruption". M. Bouikba, n� en 1939, a ajout� que suite � ces �v�nements, "les r�volutionnaires" ont �t� contraints de gagner les montagnes o� ils �taient rest�s priv�s de nourriture. Durant cette p�riode, a-t-il poursuivi, des arrestations ont �t� op�r�es parmi des citoyens de la r�gion dont des personnes �g�es, des femmes et des enfants qui ont subi, lors des interrogatoires, diverses formes de torture pour leur soutirer des renseignements sur les lieux o� se cacher "les r�volutionnaires". M. Bouikba, qui a �t� condamn� par contumace � la peine capitale, par le tribunal militaire permanent le 30 ao�t 1973, a indiqu� que les autorit�s ne s'�taient pas content�es de soumettre des familles � la torture, mais ont proc�d� �galement � la d�molition de maisons, � la saisie des biens et � l'arrestation d'innocents. Il a , � ce propos, rappel� que sa sœur, qui a �t� arr�t�e � Mrirte, a subi diverses formes de s�vices dans un p�nitencier o� elle a s�journ� durant 3 ans et 4 mois sans proc�s avant sa lib�ration. Il a fait savoir que sa deuxi�me sœur a �t� �galement arr�t�e pour subir le m�me sort. Apr�s le verdict prononc� � son encontre (peine capitale par contumace), M. Bouikba a d� quitter le Maroc pour �chapper � la traque dont il �tait l'objet. M. Bouikba, qui a regagn� le pays le premier ao�t 1995 � la suite d'une gr�ce royale, a conclu qu'il n'�tait pas pour autant au bout de ses peines puisqu'� son retour au pays il s'est retrouv� sans toit et sans aucune ressource, �mettant le souhait de voir des changements intervenir dans le pays.
M. Abdelkader Souidi : "Je pr�f�rais �tre tortur� qu'entendre les g�missements de mes �l�ves qui subissaient les m�mes s�vices"
M. Souidi, qui livrait � Kh�nifra son t�moignage, a indiqu� que son arrestation et celle de ses �l�ves sont intervenues suite aux protestations des �l�ves du lyc�e Tarik Ibn Zyad d'Azrou, qui r�clamaient l'installation du syst�me de chauffage pour se prot�ger contre le froid qui s�vissait dans la r�gion au mois de janvier, indiquant que cet �tablissement s'est "transform� en caserne militaire ou op�raient diff�rents services de s�curit�". M. Souidi a affirm� qu'en rapport avec ces protestations, 100 �l�ves, �g�s pour la plupart de moins de 18 ans, furent arr�t�s par les services de s�curit� et transf�r�s de la ville d'Azrou, � Ifrane, o� ils ont subi les pires formes de torture. Il a rappel� que la vague d'arrestations a ensuite touch� des membres du Parti du progr�s et du socialisme (PPS) et des �l�ves appartenant au parti de l'Union socialiste des forces populaires (USFP). Relatant les circonstances de son interpellation le 2 f�vrier 1984, M. Souidi a indiqu� que des �l�ments de la s�curit� ont encercl� et perquisitionn� son domicile et fouill� dans ses livres et documents, avant de le conduire, les yeux band�s, dans un lieu de d�tention secret � Ifrane. Parmi les personnes arr�t�es, a-t-il ajout�, 18 lyc�ens en plus des membres du PPS � Azrou et des individus qui n'ont aucune relation ni avec le lyc�e ni avec le parti et qui ont �t� gard�s en d�tention. S'agissant des conditions de d�tention de ce groupe, M. Souidi a indiqu� que la torture commen�ait vers 23h00 pour ne s'achever que vers 4h, avant que les d�tenus ne soit conduits � une place derri�re le commissariat o� ils y passent plusieurs heures � la belle �toile soumis au froid glacial qu'enregistre Ifrane � pareille p�riode. M. Souidi se rem�more encore les p�rip�ties de l'interrogatoire, soulignant que les membres du groupe ont �t� au d�but accus�s d'avoir placard� des affiches sur la porte du lyc�e appelant � la gr�ve avant d'�tre poursuivis pour publication d'articles d�non�ant la dilapidation des richesses foresti�res de la ville d'Azrou. Il a ajout� que le groupe s'est vu ensuite accus� d'avoir soutenu la position du Parti du progr�s et du socialisme � l'�gard de l'intervention sovi�tique en Afghanistan. Il a rappel� que les membres du groupe ont �t� ensuite traduits devant le tribunal de premi�re instance de Mekn�s, qui a condamn� les �l�ves du lyc�e � six mois de prison et les membres du PPS � trois ans, et qu'en appel tous les d�tenus ont �cop� de 5 ans de prison ferme dont ils ont purg� 3 ans � Ifrane et le reste � Mekn�s. M. Souidi s'est dit convaincu que l'arrestation du groupe d'Azrou a �t� "un r�glement de compte" dirig� contre les forces progressistes et dont p�tissait aussi la gauche en milieu rural. M. Souidi a indiqu� qu'apr�s sa lib�ration il a �t� licenci� de son poste d'enseignant, alors que les autres �l�ments du groupe ont fini soit par �tre fauch�s par la mort, soit par perdre la raison, soit par l'errance. M. Souidi Abedlkader, qui travaillait comme enseignant au lyc�e Tarik � Azrou, a �t� arr�t� le 2 f�vrier 1984, dans la vague des arrestations qu'a connues le pays la m�me ann�e suite aux �v�nements sociaux. Incarc�r� dans un lieu de d�tention secret � Ifrane, il a �t� tortur� en compagnie de ses �l�ves, qui ont subi les m�mes exactions.


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