Alger: avancées notables des projets de décongestion routière    M. Boughali reçoit une délégation de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN    PLF-2025 : les niveaux historiques de dépenses reflètent l'attachement de l'Etat à son caractère social    Conférence à Alger, sur le parcours révolutionnaire et militant du peuple algérien durant la lutte armée pour son indépendance    Les députés saluent les mesures contenues dans le PLF 2025    Inauguration du Salon national du matériel et des produits agricoles    Génocide social et psychologique commis par les talibans contre les femmes afghanes    Manifestation massive à Washington pour appeler à la fin de l'agression génocidaire sioniste à Ghaza    Génocide à Ghaza : Les Etats doivent suspendre leurs relations économiques, politiques et militaires avec l'entité sioniste    Irruption de militants pro-Palestine à la FFF pour protester contre le match France-Israël    La saison des grandes surprises    Classement des buteurs : Boulbina se hisse en tête avec 5 réalisations    Arrestation d'une bande spécialisée dans la commercialisation de kif traité et de psychotropes    Les habitants d'Es Sanafir veulent un centre de santé    Distribution de 1.944 logements    Une feuille de route multisectorielle tracée    Du jazz à Michael Jackson, itinéraire d'un arrangeur de génie    La mise en place prochaine d'une société néocoloniale en France    Débat sur la lutte contre l'extrême droite en France    Protection civile: poursuite de la campagne de sensibilisation aux risques du monoxyde de carbone    Attaf reçoit une délégation de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN    Conférence en France sur les droits du peuple sahraoui et sa souveraineté sur ses richesses naturelles    Le président de la République opère un mouvement des walis et des walis délégués    L'Algérie a un rôle pivot dans la préservation de la sécurité dans la région    Boumerdes: commémoration du 65e anniversaire du génocide de Ghar Yahmane aux Issers    Le président de la République reçoit une délégation conjointe de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN    70e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution de libération: émission de 7 timbres-poste sur "Les chouhada de Novembre"    CHU de Béni-Messous: reprise des remplacements des valves aortiques (RVA) en Cardiologie    Vovinam Viet Vo Dao: l'Algérien Mohamed Djouadj réélu président de la fédération africaine pour un nouveau mandat    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 43.391 martyrs et 102.347 blessés    Algérie/Royaume-Uni: les opportunités d'investissement, thème d'un Forum à Londres    Accidents de la circulation: 52 morts et 1472 blessés en une semaine    Lancement samedi du processus de renouvellement des instances dirigeantes des fédérations    Les Conseils de la jeunesse de 24 pays africains se concertent à Oran    Foot/Ligue 1 : le MC Oran sur une courbe ascendante, Eric Chelle ne s'enflamme pas    Un vibrant hommage rendu aux vétérans de l'Armée nationale populaire    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



SID-AHMED GHOZALI AU SOIR D'ALG�RIE
Histoire des nationalisations, politique p�troli�re et bonne gouvernance - 16e partie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 03 - 2008

�Parmi mes amis, le regrett� Aboubakr Belka�d a jou� un r�le privil�gi�. Il �tait � mes yeux un homme de dialogue, de paix et de bonne volont�.�
Entretien r�alis� par Mohamed Chafik Mesbah
Mohamed Chafik Mesbah : Non, vous avez succ�d� � Mouloud Hamrouche � la t�te du gouvernement. En votre �me et conscience, quelle �valuation faites-vous de son action gouvernementale, c�est-�-dire du bilan dont vous avez h�rit� ?
Sid-Ahmed Ghozali : Quel int�r�t trouverais-je chez vos lecteurs si je faisais aujourd�hui un bilan que je m��tais interdit hier en ma qualit� de Chef de gouvernement, quand je d�clarais aux d�put�s mon souhait de voir s�instaurer dans notre pays une tradition de bilans �tablis par des institutions neutres ? Et quel int�r�t au regard des pr�occupations r�elles du grand public ? Je n�en vois aucun.
Vous avez �t� d�sign� Chef du gouvernement dans un contexte d�instabilit� et d�incertitude grave. De quelle autonomie avez-vous dispos� pour choisir vos collaborateurs, notamment les membres du gouvernement, et pour d�finir votre programme d�action ?
Vous parlez fort justement d�un contexte d�instabilit� et d�incertitude. Parlez-vous d�il y a quinze ans ou de maintenant ?
Du contexte de l��poque, bien �videmment�
Bien. Sachez alors que la composition de mon gouvernement, aussi bien que celle du staff, a �t� le r�sultat de mon libre choix. Je l�affirme sans souci de complaisance ou de m�nagement de qui que ce soit. Je dis tout simplement comment cela s�est pass�. J�ai consult� au pr�alable mes amis bien s�r, mais aussi le d�partement de la D�fense pour ceux de mes choix, hommes ou postes sp�cifiques tels que le minist�re de l�Int�rieur, qui ont une implication s�curitaire directe ou qui requerraient des informations sensibles du m�me ordre. Je n�ai per�u aucune pression ni aucune tendance � m�imposer ni m�me � me sugg�rer tel ou tel choix, tel ou tel nom. Mieux que cela, c�est au contraire moi qui suis all� au-del� de mes strictes attributions en proposant le nom d�un ministre � un poste qui relevait, aux termes de la Constitution, du seul choix du Pr�sident. Je savais en avan�ant ma proposition que ce nom, qui convenait au Pr�sident certes, n��tait pas vu positivement par les gens de la D�fense, en ce sens qu�il avait d�j� suscit� dans le pass�, dans le cadre du traitement de l�affaire libanaise, de s�rieuses r�serves que j�avais r�fut�es du temps o� j��tais aux Affaires �trang�res. Les responsables concern�s avaient leurs propres raisons de ne pas aimer mon choix. Que ces raisons fussent fond�es ou non, je suis oblig� de reconna�tre qu�ils ont fait violence � leur propre conviction en ne s�opposant pas � ma proposition. Il faut rendre � C�sar ce qui est � C�sar. M�me si ce n��tait pas forc�ment pour les suivre tous, j�ai sollicit� les conseils de personnalit�s politiques en mati�re de noms, lors de la premi�re consultation pr�alable que j�ai engag�e avec chacun des partis des associations civiles et des membres �minents de la classe politique, avant la formation de l��quipe gouvernementale. Des personnalit�s politiques nationales, seul le Dr Ahmed Taleb El-Ibrahimi avait d�clin� mon invitation pour des raisons que j�ai respect�es et qu�il revient donc � lui seul de les dire ou pas. Certains m�ont laiss�, avant de me quitter, des listes de trois ou quatre noms. Parmi ceux-l� j�ai en m�moire le Dr Sa�d Sadi et les regrett�s Kasdi Merbah et Mahfoudh Nahnah. J�ai puis� dans ces listes quelque trois ou quatre noms qui convenaient � mes crit�res. Compte tenu du nombre de personnes que j�ai rencontr�es, cette consultation a dur� trois semaines, un temps que la presse a attribu� � tort � des difficult�s � former le gouvernement. Non je n�ai rencontr� aucune difficult� particuli�re et j�ai �t� libre dans mes choix et compl�tement ma�tre de mon planning. Le programme d�action lui-m�me ne porte aucune trace d�une influence ou d�une pression quelconque. Je l�ai con�u et r�dig� dans une totale libert�. Le discours d�investiture �galement : le ministre de la D�fense en a pris connaissance et l�a endoss� en m�me temps que les autres ministres.
Cela vous a-t-il indispos� que l�opinion publique ait parl�, � propos de votre gouvernement, du �sultanat de Tlemcen� ?
Quelle opinion publique ? Dites plut�t les contre-v�rit�s dont l�opinion publique a �t� abreuv�e. Proc�dez, donc, de mani�re scientifique, vous qui �tes politologue, � l�analyse chiffr�e des origines r�gionales des ministres (lieux de naissance) de tous les gouvernements de la R�publique, vous arriverez � la conclusion que mon gouvernement est le plus ��quilibr� de tous sur le plan national. Je ne l�ai pas fait expr�s. J�ai fait faire ce calcul, que je juge mesquin, pour saisir pi�ce � la presse du r�seau justement qui, � la suite d�un d�put�, qui avait cri� au r�gionalisme et parl� m�chamment du �sultanat de Tlemcen�, publiait sous un pseudonyme de faux journaliste un br�lot dans ce sens. Injustice gratuite envers Tlemcen. Pour visiter les tombes de mes parents, de mes anc�tres et des parents et anc�tres de ma femme et de mes enfants, je dois traverser toute l�Alg�rie entre l�Est et l�Ouest en faisant des haltes sur mon itin�raire entre les deux extr�mes. La seule mani�re de prouver le caract�re mensonger de mesquines accusations de r�gionalisme, c��tait de se r�soudre � un mesquin calcul de pourcentages� de lieux de naissance de mes ministres. C�est mon ami Mokdad Sifi, alors mon plus proche compagnon au cabinet, natif lui de T�bessa, qui se sacrifia pour la sale besogne. C�est v�rifiable aujourd�hui, mon gouvernement, sur le plan de la composante humaine, a �t� le plus �national� de tous les gouvernements de la R�publique. Lorsque j��tais aux Affaires �trang�res, le m�me r�seau avait d�blat�r� sur mes pr�tendues pratiques r�gionalistes, jusqu�� la qualification d�plac�e des Oranais pour la circonstance de �Houariate�. Je fus, d�ailleurs, interpell� sur ce point par un d�put�. L� aussi, v�rification faite, 80% du staff du ministre et les trois quarts des ambassadeurs �taient natifs de la moiti� est du pays ! En m�me temps que ce d�put�, je me d�couvris donc un r�gionalisme qui pencherait plut�t vers le c�t� oppos� de ma r�gion de naissance ! Ce fut l�un des exercices les plus humiliants que j�ai eu � faire au cours de ma carri�re. Pour revenir � la composition du gouvernement que j�ai dirig�, je vous signale que les trois quarts au moins des ministres qui ont accept� d�entrer dans mon gouvernement ou dans mon staff n�avaient aucune envie de devenir ou de redevenir ministres ; mais vraiment aucune envie. Ils sont venus par pur esprit de sacrifier � l�int�r�t du pays. Ils ont bien m�rit� de la patrie. Je n�en dirai pas plus.
Vous �voquiez, tant�t avec beaucoup d��motion, le regrett� Aboubakr Belka�d qui fut, pr�cisez-vous, un ami plut�t qu�un collaborateur�
C�est notre collaboration qui a renforc� notre amiti�. Parmi mes amis, le regrett� Aboubakr Belka�d a jou� un r�le privil�gi�. Il �tait � mes yeux un homme de dialogue, de paix et de bonne volont�. C�est pour cette raison d�ailleurs que j�avais tent� de le placer comme ministre d�l�gu� aupr�s de moi du temps o� j��tais aux Affaires �trang�res. Le Pr�sident avait donn� son accord de principe, sans h�siter et de tr�s bonne gr�ce, quand imm�diatement une campagne de presse d�une violence inou�e se d�cha�na contre lui et son �pouse. Qu�on l�attaque lui, passe encore, puisque c�est cela aussi la politique malheureusement, chez nous comme ailleurs. Mais pourquoi son �pouse ? Ce n�est pas dans nos traditions, d�autant moins qu�il s�agit d�une femme respectable � tous �gards. Je la salue fraternellement de votre tribune. Devenu Chef du gouvernement, j�ai appel� Aboubakr en raison de l�amour que je lui connaissais pour notre pays, vu aussi ses capacit�s humaines et politiques � servir l�action du gouvernement et compte tenu de l�objectif qui m��tait cher de lib�rer le d�bat public et d�ouvrir le dialogue avec les partis et la soci�t� civile. Pour ce faire, il n�y avait pas, � ma connaissance, mieux que lui comme homme de la situation. D�o� sa nomination en tant que ministre charg� des Relations avec le Parlement.
A propos, quel commentaire faites-vous, avec le recul, sur cette fameuse conf�rence des partis que d�aucuns avaient assimil�e � une �messe folklorique� ?
Oui, j�avais entendu cette remarque � l��poque, � l�image de celle qui avan�ait que j�allais vendre Hassi Messaoud� Imaginez qu�avant m�me de m�atteler � former le gouvernement, j�ai pass� deux semaines enti�res � recevoir matin et soir 60 d�l�gations de partis, un � un, en plus des personnalit�s de la soci�t� civile et politique, une trentaine. A chaque d�l�gation, j�ai expliqu� ma mission et ce que j�avais l�intention de faire, � commencer par la r�vision de la loi �lectorale. A chaque d�l�gation j�ai promis que je ne ferais rien sur ce point sans les consulter et que ma volont� �tait plus g�n�ralement d�instaurer le d�bat avec la soci�t� civile et politique. Et j�ai demand� � chacun de me donner les conseils qu�il jugeait utiles pour ma mission. En conformit� avec une volont� qui �tait sinc�re et en fid�lit� � mes engagements, une consultation g�n�rale de tous les partis et associations civiles nationales sur la nouvelle loi �lectorale a �t� organis�e et con�ue par le seul gouvernement, par l�interm�diaire de Aboubakr Belka�d, qui y a consacr� plusieurs journ�es enti�res de son temps, sans aucune interf�rence quelconque. Nous avons tenu deux r�unions en juillet et ao�t en accord direct avec tous les partis sur les dates, les ordres du jour et le r�glement int�rieur. Voil� pour la premi�re s�quence de cette manifestation. Peut-on croire que tous ces efforts et ce temps d�un chef de gouvernement nomm� sous le signe de l�urgence et dans une situation d��tat de si�ge, avec des caisses vides et des r�serves de changes � z�ro, �taient pour le plaisir de monter une messe folklorique ? Pour la deuxi�me s�quence, c�est la responsabilit� des partis qui �tait engag�e. Le premier jour, le gouvernement, ma�tre des dispositions mat�rielles, n�avait rien pr�vu comme couverture TV en direct. A partir du deuxi�me jour de la premi�re session, et devant la protestation majoritaire des participants, l�int�gralit� de toutes les s�ances furent diffus�es par radio et t�l�vision. A la demande expresse donc et r�it�r�e de la majorit� des soixante partis, non � l�initiative du gouvernement. Cela devrait invalider certains commentaires qui ont pr�tendu que le Chef du gouvernement aurait cherch� malicieusement � discr�diter les partis en prenant � t�moin l�opinion publique � leurs d�pens. Que certains chefs de parti n�aient pas donn� une image favorable d�eux-m�mes c�est plausible. Mais c�est imputable aux seuls propos ou comportements qu�ils ont eux-m�mes librement affich�s. Pourquoi le dialogue a-t-il �t� suivi avec tant d�int�r�t en Alg�rie comme ailleurs et assid�ment dans le monde arabe au plus haut niveau ? En tout cas je sais que j�avais voulu inaugurer une pratique qui manque cruellement chez nous, celle du d�bat public. J�avais l�espoir de semer quelque chose pour l�avenir. La suite montrera que la semence n�a pas �t� renouvel�e. Et je le regrette. La consultation s�est sold�e par un accord � l�unanimit� moins une voix, celle du FLN, sur le principe de la proportionnelle int�grale pour les �lections. L�APN a fait �chec � cet accord en adoptant deux mois plus tard le scrutin majoritaire � deux tours.
Vous vous �tes, pourtant, accommod� de ce d�saveu de l�APN�
Pas exactement. A la suite de ce d�saveu cinglant de l�APN, j�ai voulu rendre le tablier. J�ai fini par c�der � la r�serve du Pr�sident conjugu�e � celle des responsables de la D�fense, par scrupule devant le risque de para�tre me d�rober au contrat pass� avec eux, un contrat que j�avais annonc� le jour de ma nomination : � savoir organiser des �lections avant la fin de l�ann�e. Un contrat pass� aussi avec les soixante partis. J�ai donc c�d�, bien conscient que c��tait au d�triment de mes int�r�ts politiques strictement personnels et aux d�pens du cr�dit du gouvernement. Des chefs de parti, dont celui du FFS, ne manqu�rent pas de d�noncer le vote de l�APN comme un �coup concoct� entre le chef du gouvernement et le FLN�. Au m�me moment la presse dite du FLN me d�signait comme une �taupe du FIS� ; Hocine A�t Ahmed a d�clar� �me retirer sa confiance�. Mais tous sont quand m�me all�s aux �lections, chacun avec la conviction qu�il y avait quelque chose � y gagner pour lui. Le fait est que je suis rest�. Je me suis limit� � �lever au niveau du Conseil constitutionnel la seule disposition relative au vote de la femme que l�on voulait noyer dans la �procuration permanente entre conjoints�. Un chef de parti �tait venu dans mon bureau arguer que j��tais en train d�interdire, pour le vote, �la procuration, que Dieu autorisait pour le mariage�. Je lui r�pondais que l�acte personnel de vote �tait au vote ce que la consommation du mariage �tait � l�union entre conjoints. Et que la loi de Dieu en la mati�re ne peut �tre interpr�t�e que comme une procuration pour une demande formelle en mariage, et jamais comme une procuration pour consommer le mariage. Le Conseil constitutionnel m�a donn� raison, c��tait une victoire symbolique du droit de la femme alg�rienne. Elle n�effa�ait pas le camouflet balanc� au gouvernement et � 60 partis moins 1 sur le mode de scrutin majoritaire qui a jou� l�avenir de l�Alg�rie � la roulette russe. Les d�put�s et leurs mandants s�en apercevront� un lendemain de 27 d�cembre 1991.
Je reviens sur la question. L�id�e a pr�valu, alors, que vous auriez eu affaire � deux hi�rarchies parall�les, d�une part, la Pr�sidence de la R�publique et, d�autre part, le commandement militaire. Est-ce l� une vision correcte de la r�alit� ?
Vous avez le droit de faire �cho � cette mani�re de voir. Je dirai que pour moi cela s��tait pass� autrement. Je vous conc�derai n�anmoins que tout ce que je vous dis de mes rapports avec les militaires ou avec le Pr�sident de la R�publique ne peut �tre consid�r� comme significatif. J�ai tout lieu de croire que mon cas est � part. Dans ma vie publique j�ai observ� sans exception deux principes : ne jamais solliciter de poste et ne jamais me d�rober devant la responsabilit�. Peut-�tre parce que j�ai connu tr�s jeune la fonction minist�rielle et sa petitesse, d�autant que cette fonction est all�e en se d�valuant avec le temps ; peut-�tre parce que j�ai eu la chance de conna�tre tr�s t�t l�entreprise, je n�ai jamais �t� en situation de �saliver� devant les d�risoires prestiges de la haute fonction publique. En droite ligne de cette conduite, je n�ai pas �t� une seule fois demandeur � �tre Chef du gouvernement. Je ne l�ai pas envisag� auparavant. Je n�ai appris l�intention du Pr�sident de m�y nommer qu�apr�s que l�avion d�p�ch� en urgence � Abuja m�e�t d�pos� � Alger en feu et en �tat de si�ge, et au moment o� je rencontrai au si�ge de la Pr�sidence le directeur de cabinet de la Pr�sidence et le ministre de la D�fense, c'est-�-dire une demi-heure avant que le Pr�sident ne me contacte lui-m�me au t�l�phone. Mon discours d�investiture autant que les d�bats avec les d�put�s sont disponibles aux archives. Ils vous montreront que je n��tais pas dupe quant � la nature suicidaire de ma mission, autrement dit qu�il ne m��chappait pas d��tre un jour ou l�autre le mouton du sacrifice. Je l�avais dit ainsi aux d�put�s. C�est inscrit dans les minutes des d�bats. Tout cela doit vous donner autant de raisons de ne pas vous �tonner que j�aie travaill� au respect des comp�tences constitutionnelles du Pr�sident de la R�publique, des miennes, de l�APN et de l�ANP. Nomm� de surcro�t dans une situation s�curitaire extraordinaire, qui avait conduit avant ma nomination � l�instauration, par le Pr�sident, de l��tat de si�ge et de ce qui en d�coule en mati�re de comp�tences pour l�arm�e. Pourquoi ai-je accept� la mission ? Je l�ai dit aux d�put�s quand j�ai demand� l�investiture dans deux paragraphes consacr�s l�un � ma solidarit� avec le peuple alg�rien et l�autre � ma solidarit� avec l�ANP. Vous pouvez vous y r�f�rer. C��tait apr�s avoir proc�d� � une analyse dans mon discours lu devant les d�put�s sur les constats suivants : primo, nos handicaps viennent du fait que les gouvernements qui se sont succ�d� y compris le mien et les institutions, y compris la v�tre, n��manent pas de la volont� populaire. Deuxio, la violence actuelle n�est que la r�action � une autre violence pr�c�dente, qui l�explique mais ne la justifie pas. Le peuple s�est trouv� ainsi entre le marteau et l�enclume, d�un c�t� des forces accroch�es au pouvoir, et de l�autre, des forces venues poser les probl�mes des citoyens aux fins de s�emparer du pouvoir par la violence. Tertio, l�antagonisme entre les deux m�choires de l��tau n�est qu��cran de fum�e derri�re lequel des apprentis sorciers trament un partage sordide du pouvoir. L� aussi v�rifiez bien dans les archives ou dans le livre publi� par le gouvernement et qui rassemble le discours programme et le verbatim des d�bats. Un an plus tard, j�ai �t� appel� au pr�toire par le pr�sident du tribunal de Blida. Ce dernier voulait entendre ma propre version du contenu des �changes que nous avions eus avec Abassi Madani, Ali Benhadj et moi-m�me, en pr�sence de deux collaborateurs et d�un ami imam d�Oran et ancien moudjahid, lorsque je les rencontrais au si�ge du minist�re des Affaires �trang�res, dans les heures qui ont suivi ma nomination. Mon t�moignage termin�, le Pr�sident me posa une question subsidiaire : �A votre avis le FIS est-il le seul responsable de la violence v�cue dans le pays en mai 1991 ?� J�ai r�pondu : �Non. Le responsable c�est la lutte pour le pouvoir...� C��tait sous forme tr�s ramass�e l�analyse que j�ai cit�e plus haut, dans mon discours programme de juillet 1991. Aujourd�hui, je ne change pas un iota � cette analyse.
Revenons au c�ur de la question, vous deviez composer avec deux hi�rarchies...
En parlant de hi�rarchies, je vous dirais qu�� la Pr�sidence j�avais affaire au Pr�sident et dans l�arm�e � ses principaux chefs �visibles�. C�t� Pr�sidence de la R�publique, j�ai r�guli�rement vu le Pr�sident. J��tais conscient qu�il avait gard� le contact continu avec mon pr�d�cesseur, sans savoir �videmment le contenu de leurs entretiens, mais en l�imaginant bien, vu les informations qui me parvenaient, ou par supputation, sur la base de certaines questions qu�il me posait comme il le faisait � l�accoutum�e du temps de nos conversations aux Affaires �trang�res. C�t� militaires, nos rapports, outre les communications �crites formelles, se situaient dans quatre instances :
1. Le Conseil du gouvernement qui se r�unissait au moins un jour par semaine ;
2. un Conseil interminist�riel que j�avais instaur� pour le suivi de la situation s�curitaire et qui comprenait �galement les ministres de l�Int�rieur, des Droits de l�Homme, des Affaires religieuses, de la Communication avec le Parlement et qui se r�unissait au moins une fois par semaine ;
3. un groupe de liaison form� de deux civils (dont mon directeur de cabinet) et deux militaires, un groupe particuli�rement sollicit� � la suite du premier tour ;
4. les fr�quents �changes t�l�phoniques quotidiens ou les rencontres dans mon bureau, au coup par coup, avec le ministre de la D�fense et le responsable de la s�curit�.
La soci�t� militaire est tr�s opaque dans notre pays. Votre exp�rience et surtout votre proximit� des chefs militaires alg�riens, durant la p�riode cruciale o� vous dirigiez le gouvernement en 1991, devraient vous permettre d�en dresser un tableau plus ou moins fiable�
Toutes les arm�es du monde ont besoin de prot�ger leurs activit�s. Le secret-d�fense se confond avec l�opacit� lorsqu�on en m�suse � des fins non requises pour la protection des activit�s de s�curit� et de d�fense. Le recours abusif au secret se produit pour des tas de raisons qui vont de l�exc�s de prudence ou de bureaucratie � la volont� de cacher quelque turpitude. Tout cela n�a rien de banal chez tous les militaires de la plan�te. La tentation d�opacit� est plus forte dans la partie la moins militaire de l�arm�e, celle qui s�implique dans la politique. Dans ce cas, l�opacit� n�est plus banalit�, car d�s lors qu�elle se situe dans l�un des fondements du pouvoir politique et de son seul bouclier, elle pose probl�me. J�ai toujours eu � travailler avec des militaires. C��tait in�vitable quand on a navigu� entre un secteur �conomique strat�gique, l��nergie, la diplomatie et la t�te du gouvernement. L�arm�e que j�ai fr�quent�e en premier c�est l�arm�e des ing�nieurs, des managers, des techniciens, des hommes de terrain. C��tait pour la plupart des hommes du g�nie militaire, de l�aviation, de la marine, mais pas seulement ; certains sont d�c�d�s, d�autres sont en vie et en poste, d�autres � la retraite. C��tait plus que des relations de prestataire de biens ou de services � client, plut�t des liens de coop�ration d��gal � �gal entre serviteurs de l��tat, hors toute connotation de type politicien, hors tout complexe. Il se disait � l��poque que Boumedi�ne marchait sur deux pieds, l�ANP et la Sonatrach. Il a pu se former � partir de cette situation de partage de la fiert� du chef une sorte de sensation confuse commune de porter en compl�mentarit� le drapeau de la fiert� nationale. Quand, en raison des circonstances que j�ai mentionn�es, Houari Boumedi�ne m�avait ordonn� en 1975 �de mettre tous les moyens de Sonatrach � la disposition de l�ANP�, nos relations se sont intensifi�es, plus qu�elles n�eussent �t� en situation normale. C�est �� l�arm�e que j�ai connue le plus, durant les quatre cinqui�me de ma vie professionnelle. Le plus et le mieux du fait d�une relation de travail en commun pour la m�me cause, l�int�r�t g�n�ral, hors tout calcul politicien et hors tout autre consid�ration subjective. Au fond c��tait ce qui repr�sentait plus de 95% de l�arm�e. Et l�, � part l�uniforme et le mode de fonctionnement, je ne vois pas, entre les deux composantes civile et militaire de la population, de diff�rence un tant soit peu significative sur les plans des mentalit�s, du niveau de proximit� entre le citoyen et les centres de d�cision politique, de la capacit� d�influence sur le cours politique des choses, ou plus g�n�ralement en ce qui est le meilleur et le pire dans les deux parties de la population. A force d�utiliser le vocable de militaire � tout bout de champ, par commodit� de langage, pour �voquer des situations tr�s diff�rentes, l�image de la r�alit� militaire alg�rienne finit par �tre brouill�e. Par exemple, � force d�affubler le qualificatif de �militaire� au pouvoir politique en Alg�rie, au d�part par r�f�rence � une composante militaire du pouvoir, plus exactement � une composante politique de l�arm�e, puis par commodit� de langage et, en fin de compte, par habitude, on en arrive � consacrer l�id�e erron�e que le pouvoir politique c�est l�arm�e. Soit dit en passant les chefs militaires ont eux-m�mes beaucoup contribu� � ancrer cette fausse id�e dans les esprits en proclamant, tant�t mal � propos, tant�t � contre-temps, que �l�arm�e s�est retir�e de la politique�. Ce n�est que durant mes passages aux Affaires �trang�res et � la t�te du gouvernement que j�ai travaill� avec des chefs militaires impliqu�s dans les processus politiques. A quelques exceptions pr�s, ils appartiennent finalement au secteur le moins militaire de l�arm�e. Je parle des chefs bien s�r. Les circonstances dans lesquelles je les ai fr�quent�s �taient exceptionnelles par leur dur�e qui fut relativement courte, deux ans aux Affaires �trang�res et un an seulement � la t�te du gouvernement et en une p�riode anormalement dramatique. Pas assez pour d�velopper une relation et une connaissance mutuelle durables. Assez pour savoir que l�arm�e est, en proportion de ses effectifs et conjointement avec les services civils de s�curit� et la communaut� des journalistes, la couche sociale qui a le plus pay� en pertes humaines pour le sauvetage d�une soci�t� qui �tait � la d�rive.
M. C. M.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.