Elle a éclaté de façon imprévisible, comme ailleurs dans le monde arabe, elle se termine apparemment de cette manière. Le président yéménite ne voulait pas lâcher prise même au prix de la guerre civile, réfutant jusqu'au plan du Conseil de coopération du Golfe (CCG) concocté par son voisin saoudien qui lui a assuré soutien et protection. Le compromis du CCG prévoyait le départ de Saleh, exigé par la rue, dans un délai d'un mois en échange d'une immunité pour lui-même et son clan. Son refus a relancé la contestation dans un Yémen désormais au bord de la guerre civile alors que les premières manifestations contre son régime étaient restées pacifiques. Mais voilà que touché lors d'une attaque de l'opposition contre son palais présidentiel, qui a pris la route de Riyad pour se faire soigner ! L'hospitalisation d'Ali Abdallah Saleh en Arabie Saoudite a provoqué des scènes de liesse au Yémen. Les Saoudiens ne le lâcheront pas de sitôt car eux aussi avaient fini par souhaiter son départ, sa stratégie du chaos menaçant de secouer le puzzle précaire dans la région, ouvrant également la voie au renforcement d'Al-Qaïda péninsule arabique et surtout à la reprise de combats à la frontière avec l'Arabie Saoudite où est massée une communauté chiite très remuante. Et puis, Saleh est vraiment isolé : de nombreux généraux ont rejoint l'opposition, notamment depuis que le chef de confédération tribale des Hached, le cheikh Sadek Al-Ahmar, lui a déclaré la guerre. Le cheikh semble être tout désigné pour succéder à Saleh, le vice-président désigné par celui-ci pour assumer l'intérim, Ahmar et Mohsen n'ayant aucune chance d'être accepté par les manifestants qui battent le pavé de la capitale et des principales villes depuis quatre mois au prix de plus de 400 morts, dont la moitié ces dernières semaines. Pour la rue yéménite, le renoncement définitif au pouvoir de Saleh est une certitude. Les “Jeunes de la révolution” qui ont commencé à célébrer à Sanaa et à Taëz ce qu'ils considèrent comme la chute du régime, parlent d'ores et déjà d'un “nouveau Yémen”, avertissant poursuivre leur combat contre toute velléité contre-révolutionnaire. “C'est fini, le régime est tombé”, chantent les rues de Sanaa et de toutes les autres villes, les populations se confondant aux insurgés pour se féliciter pour ce qu'ils considèrent ensemble comme la fuite de Saleh, au pouvoir depuis 33 ans. Ils ont sacrifié des moutons et organisé des festins place pour le départ du président, contesté depuis fin janvier et qui a toujours refusé de partir. Bon l'incertitude règne au Yémen d'où bruissent des consultations de coulisses. L'ambassadeur des Etats-Unis à Sanaa, Gerald Feierstein, est très actif, le chef de la puissante tribu des Hached, assure respecter la trêve proposée par l'Arabie Saoudite, dans les combats qui opposent ses milices aux troupes fidèles à Saleh dans le nord de Sanaa, le comité d'organisation de la contestation organise de son côté des comités de vigiles pour protéger les biens publics contre les destructions et les pillages. Que va faire l''armée qui est restée fidèle au président ? Un coup d'Etat ! Peu probable dans ce contexte de printemps arabe. Et puis, le président Barack Obama et le roi d'Arabie Saoudite qui s'étaient in fine irrités de l'obstination de Saleh à rester au pouvoir au risque de déstabiliser toute une région stratégique, ne laisseront pas faire. Reste que la page Saleh est pratiquement tournée.