Les nombreuses critiques du projet de résolution américain pour la reconstruction de l'Irak, n'ont apparemment pas fait ciller le président américain. Le nouveau texte, dont la discussion a été entamée hier au Conseil de sécurité, n'apporte aucun élément nouveau quant au transfert de la souveraineté aux Irakiens. Après plusieurs jours d'hésitation et de menaces de retrait du projet de résolution, l'Administration Bush a fini par présenter hier un nouveau texte qui n'a pas répondu à l'attente des pays qui ont rejeté le premier texte. En effet, la nouvelle copie n'arrête pas de calendrier pour un retrait des soldats de la coalition de l'Irak, ni ne fixe une date précise pour le transfert de la souveraineté aux Irakiens. La seule nouveauté est la demande adressée au Conseil de gouvernement provisoire irakien de présenter un calendrier pour la rédaction d'une Constitution et la tenue des élections. Confiant, le représentant américain aux Nations unies, John Negroponte, espère que la résolution sera adoptée d'ici à la fin de la semaine. Cet excès de confiance ne cadre guère avec la réaction de la Chine et de la Russie qui ont, d'ores et déjà, émis des réserves sur son contenu. Quant à la France, son ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, s'est demandé si ce projet marquait par rapport aux deux précédents “des progrès à la mesure de la situation que connaît actuellement l'Irak.” Joschka Fischer, le chef de la diplomatie allemande, a estimé néanmoins que la nouvelle version constituait “sans le moindre doute un pas supplémentaire dans la bonne direction” . C'est assurément l'unique avis positif formulé à ce sujet. Très vague, le projet ne fournit pas d'indications sur la nature du calendrier que doit élaborer le Conseil de gouvernement provisoire irakien d'ici le 15 décembre. Il ne renforce pas non plus le rôle des Nations unies, jugé insuffisant auparavant par Kofi Annan. Ce rôle jugé “vital” par plusieurs membres du Conseil de sécurité est fort limité par les Américains. En conclusion, la nouvelle proposition de l'Administration Bush est loin de répondre à toutes les préoccupations de la communauté internationale. Cet état de faits pourrait aboutir à une situation similaire à celle qui a prévalu lors de la discussion de la résolution autorisant le recours à la force pour désarmer le régime de Saddam Hussein, que les Américains n'avaient pas présenté au vote en raison de la menace de recours au veto brandi par la France. Décidement, le locataire du bureau ovale de la Maison-Blanche est bien déterminé à se passer, une fois de plus, de l'aval de la communauté internationale pour agir en Irak. Sur le terrain, l'insécurité fait rage. Trois autres soldats américains ont été tués au cours des dernières vingt-quatre heures dans des attaques de la résistance irakienne. Celà porte à 97 le nombre de soldats américains tués depuis la proclamation de la fin des opérations militaires majeures en Irak décrétée par George Bush le 1er mai 2003. Deux hauts responsables irakiens, dont le ministre du Pétrole, ont fait l'objet de tentatives d'assassinats, dimanche soir. Par ailleurs, plusieurs personnes ont été arrêtées dans le cadre de l'enquête déclenchée à la suite de l'attentat à la voiture piégée contre l'hôtel Bagdad. Quant à Saddam Hussein, les militaires américains pensent qu'il est toujours dans sa région natale, Tikrit, suite aux informations et indices dont ils disposent. K. A. Affaire David Kelly : Blair accablé par un nouveau témoignage Le Premier ministre Tony Blair a présidé une réunion où la décision a été prise de confirmer à la presse l'identité de l'expert gouvernemental David Kelly qui s'est suicidé mi-juillet, a affirmé lundi le plus haut fonctionnaire du ministère britannique de la Défense (MoD). Kevin Tebbit, secrétaire permanent du MoD dont dépendait David Kelly, s'exprimait devant la commission d'enquête sur les circonstances de la mort de David Kelly, principale source de la BBC pour affirmer que le gouvernement avait gonflé la menace irakienne pour justifier la guerre. Il a expliqué que la décision de publier un communiqué, qui a conduit à l'identification de David Kelly par la presse (invitée à soumettre des noms possibles au MoD), avait été prise le 8 juillet lors d'une réunion présidée par Tony Blair. M. Tebbit a toutefois précisé qu'il n'y avait pas participé mais qu'il avait été informé à l'issue de la réunion de la décision prise, différente, a-t-il reconnu, de la position adoptée quatre jours auparavant. “Le changement de position, comme vous le qualifiez, a été le résultat d'une réunion présidée par le Premier ministre”, a déclaré M. Tebbit à l'avocat de la famille de David Kelly, Jeremy Gompertz. “La décision a été prise lors de la réunion au 10 Downing Street et le MoD a entériné”, a-t-il ajouté. “Le MoD n'était pas présent, mais s'il avait été là, il aurait été pleinement associé à la décision”, a toutefois assuré M. Tebbit. Lors de sa première audition, le 20 août, M. Tebbit était apparu comme le seul haut fonctionnaire du gouvernement à avoir émis des réserves sur l'idée de rendre publique le nom de David Kelly. Mais depuis que le Dr Kelly avait admis le 30 juin à ses supérieurs avoir parlé à la presse, les responsables du gouvernement “étaient assis sur ce que nous sentions être une bombe à retardement”, a admis lundi Kevin Tebbit. M. Tebbit a, toutefois, “catégoriquement” démenti qu'il ait existé une stratégie délibérée de livrer le nom de David Kelly à la presse. “Vous insinuez qu'il y avait un processus pour révéler le nom du Dr Kelly. Il n'y avait aucun processus”, a-t-il déclaré à Me Gompertz.