Bien accueilli par la communauté internationale, le nouveau cabinet fait face cependant à la dégradation de la situation sécuritaire. Voitures piégées, attentats, accrochages divers ont marqué la journée d'hier au moment où le nouveau gouvernement intérimaire entrait en fonction. Une entrée en matière peu propice pour un cabinet qui s'est donnée pour mission de rétablir l'ordre et la sécurité dans le pays. Hier, une dizaine de morts a été dénombrée à Najaf, Koufa et Sadr City (à Bagdad) notamment, où de violents accrochages ont opposé miliciens chiites de Moqtada Sadr aux marines américains, violences qui ont fait par ailleurs, une quarantaine de blessés. Le contexte dans lequel le cabinet transitoire irakien se prépare à recevoir le transfert de souveraineté, auquel va procéder le 30 juin prochain la coalition, est particulièrement difficile et met d'emblée le président désigné, Ghazi Ajil Al-Yaouar et son Premier ministre, Iyad Allaoui, à rude épreuve. De fait, quoique le nouveau gouvernement intérimaire n'ait pas été constitué dans les conditions de clarté voulue, il semble, pour le moment, donner satisfaction à la communauté internationale qui a renouvelé à cette occasion sa disponibilité à l'aider dans sa difficile mission de reconstruire l'Etat irakien. Commentant sobrement l'investissement du nouveau gouvernement, l'émissaire spécial de l'ONU, Lakhdar Brahimi, indique, «dans le contexte actuel, je crois qu'il est le meilleur possible car il y a en son sein beaucoup de personnes qui représentent des mouvements et des partis politiques importants et je crois qu'il répond, bien sûr, pas à 100% aux espoirs des Irakiens». M.Brahimi, pince-sans-rire, ajoute : «Je vous rappelle que les Américains gouvernent le pays et donc leurs points de vue sont certainement pris en considération», indiquant d'autre part : «Je ne pense pas que (l'administrateur américain Paul Bremer) me tiendra rigueur si je dis qu'il est le dictateur de l'Irak. Il a l'argent et il a la signature». L'essentiel quoi ! Le président Bush, pour sa part, n'a pas caché sa satisfaction déclarant : «La nomination d'un nouveau gouvernement irakien nous fait faire un pas de plus vers la réalisation du rêve de millions d'Irakiens qui est celui d'une nation pleinement souveraine, avec un gouvernement représentatif qui protège leurs droits et répond à leurs besoins» soulignant toutefois, «de nombreux défis subsistent». C'est dans ce contexte d'accélération de la mise en place d'institutions provisoires irakiennes, que la coalition américano-britannique a présenté hier au Conseil de sécurité, un texte amendé de son projet de résolution sur l'Irak avec l'espoir qu'il agréera cette fois-ci aux pays qui ont réfuté la première version, la trouvant peu claire sur nombre de points afférents, notamment à la souveraineté future de l'Irak. Faisant référence au nouveau texte du projet de résolution, le secrétaire d'Etat adjoint américain, Richard Armitage, a indiqué hier à Bruxelles, en marge d'une réunion de l'Otan : «Nous estimons que nous sommes en mesure de tenir compte des demandes et opinions exprimées par la plupart des quinze membres du Conseil de sécurité de l'ONU». En fait, beaucoup de pays ont relevé l'ambiguïté attachée au rôle des forces d'occupation après le transfert de pouvoir aux Irakiens. Selon la nouvelle version, le gouvernement irakien, élu en janvier 2005, pourra, en théorie, mettre fin au mandat des troupes américaines se trouvant encore dans le pays. A première vue, ce texte semble présenter un progrès par rapport au précédent, lequel laissait toute latitude aux forces d'occupation d'apprécier la situation, même s'il prévoyait au bout de douze mois, c'est-à-dire en juillet 2005, la possibilité de révision. Tenant compte des observations faites par de nombreux pays, le nouveau texte prévoit également, singulièrement après le scandale des prisonniers irakiens, que les troupes américaines présentes en Irak, seront «soumises aux principes du droit international». A propos de ce projet de résolution, Abdallah Baali, ambassadeur d'Algérie, membre non permanent du Conseil de sécurité, indique «(...) de manière générale, le texte constitue une bien meilleure base pour arriver à un accord que le premier texte dont nous avions été saisi», alors que son homologue chilien, Héraldo Munoz, souligne : «Nous avons toujours quelques doutes. Nous pensons qu'il y a encore une marge d'amélioration». Autant dire que le texte amendé du projet de résolution américain sur l'Irak a encore besoin d'être travaillé pour le rendre crédible et endossable par la communauté internationale.