Le projet de loi, portant organisation de la profession d'avocat, présenté mercredi dernier par le ministre de la Justice devant la commission des affaires juridiques et administratives et des libertés de l'APN, suscite de grandes inquiétudes au sein de la corporation des robes noires. Près de mille avocats et avocates ont demandé au président du conseil de l'ordre du barreau d'Alger de convoquer une assemblée générale extraordinaire pour arrêter une position et les démarches à entreprendre par rapport à ce projet de loi. Ce conclave aura lieu, samedi prochain, à la salle de conférences de l'université de Bouzaréah. La tendance s'oriente d'ores et déjà vers des actions pour revendiquer le retrait pur et simple de ce texte dont certains de ses articles ont été, dès son annonce, dénoncés par cette corporation. Il s'agit notamment des articles 9, 24 et 124 qui font référence à d'éventuels incidents qui pourraient survenir lors des audiences et dont se rendrait coupable un avocat en plaidoirie devant le juge. Ces articles suggèrent la suspension pure et simple de l'avocat en attendant de le déférer devant le conseil de discipline. Selon ce nouveau texte, lorsque le bâtonnier est saisi par le procureur général sur le cas d'un avocat, il doit, à son tour, saisir le conseil de discipline qui doit statuer dans les deux mois de sa saisine. Passé ce délai, le ministre de la Justice peut actionner la commission nationale de recours qui doit, elle aussi, statuer sur l'action disciplinaire dans un délai de deux mois. Ce qui indigne les avocats, dont la profession est régie actuellement par un conseil de l'ordre, à l'instar des médecins et autres professions institutionnelles, c'est de voir un élément extérieur, en dehors de l'ordre des avocats, intervenir pour normaliser la profession. Cela, en plus du fait que, en attendant le verdict de la commission disciplinaire, l'avocat ne sera pas autorisé à plaider. Cette disposition constitue, selon les membres de cette corporation, une atteinte aux droits de la défense et des justiciables. En fait, l'article 24 accorde tout simplement une certaine autorité disciplinaire du parquet et du ministère de la Justice sur les avocats. Les décisions et délibérations des assemblées et même le conseil de l'Union et l'assemblée générale des barreaux — qui est l'instance souveraine — seront ainsi sous le contrôle du ministre de la Justice qui peut donc soumettre à la censure des juridictions administratives les décisions et délibérations des barreaux et de l'Union des barreaux. Selon le barreau d'Alger, les articles en question sont problématiques parce qu'ils constituent une sorte d'emprise sur la liberté d'action de l'avocat. L'avocat risque une suspension tout simplement en s'élevant contre le non-respect des règles de la procédure. L'obligation sera faite désormais à l'avocat, menacé de poursuite pénale, de ne pas se retirer d'une audience, même lorsque le déroulement d'un procès est biaisé. “Si on ne protège pas l'avocat dans l'exercice de sa profession, on ne risque pas d'avoir une défense libre et indépendante. L'immunité de l'avocat au moment de l'exercice de la profession est la garante du respect des droits de la défense”, soutient-on à ce niveau. Enfin, la tranche jeune de la corporation conteste, quant à elle, un certain nombre de dispositions contenues dans le projet de loi. Il s'agit notamment de celles qui conditionnent la possibilité de plaider pour un jeune avocat au niveau de la cour après sept ans d'exercice auxquels s'ajoutent les deux années de stage et deux années de Capa. Pendant cette période, ils ne peuvent plaider qu'au niveau des tribunaux et risquent, de ce fait, la marginalisation et le manque d'expérience.