Le président et le vice-président de l'Ordre national des pharmaciens algériens ont tempéré les ambitions des pouvoirs publics d'atteindre un niveau de production nationale de médicaments de l'ordre de 70% en 2014. Ils ont affirmé qu'il s'agirait là de faire dans la quantité sans vraiment répondre aux besoins nationaux en la matière. Au Forum d'El Moudjahid de jeudi dernier, le président de l'Ordre national des pharmaciens, Lotfi Benbahmed, a largement plaidé pour la mise à niveau des outils de régulation du marché du médicament en Algérie, afin de le mettre “en phase avec les pharmaciens et l'industrie pharmaceutique. Il faut penser à une nouvelle étape du contrôle de ce marché. C'est le message que nous voulons faire passer”. À ce titre, il a estimé impératif l'activation de l'Agence nationale du médicament. Cet organe existe dans la législation nationale, mais n'a jamais été opérationnel. Il est prévu dans les textes de loi pour assurer le contrôle du marché du médicament, donner les arguments d'exercice dans ses différentes activités, accorder les autorisations de programmes d'importation ou de production et aussi lutter contre la contrefaçon. Centraliser les mécanismes de régulation du marché pharmaceutique sous-entendrait, en outre, de l'avis du Dr Benbahmed, la maîtrise des chiffres y afférents. Il a soutenu que l'absence d'outils statistiques empêche la consolidation du programme d'importation et l'anticipation, par là même, sur les situations de rupture de stocks ou de pénuries de médicaments. Le Dr Amir Touafek, vice-président de l'Ordre national des pharmaciens, a remis, quant à lui, quelques pendules à l'heure en matière de production nationale. Il a reconnu que les 102 unités de production répertoriées sur le territoire national, même si elles ne sont pas toutes en activité, concourent à fabriquer, annuellement, 250 millions d'unités ventes (en Algérie, la production des médicaments est limitée à la forme sèche). “La question que l'on se pose au niveau de l'ordre est de savoir si la production nationale est en mesure de répondre aux pathologies de demain, à échéance de cinq ans ? La réponse est non.” Plus explicite, il a précisé que la transition épidémiologique que connaît le pays expose fatalement sa population à des maladies non transmissibles, telles que le cancer, la sclérose en plaque, l'Alzheimer… Ces maux du siècle exigent des traitements issus essentiellement de la biotechnologie. “L'Algérie fabrique des produits selon des technologies dépassées”, a asséné le Dr Touafek. “Il ne sert à rien d'avoir une multitude d'unités de production, si elles ne répondent pas aux besoins nationaux”, a corroboré le Dr Benbahmed. “La volonté de développer la production nationale est davantage dans les chiffres que dans la qualité”, a-t-il poursuivi. Les pouvoirs publics escomptent atteindre un volume de production de l'ordre de 70% d'ici 2014 afin de réduire à des portions congrues la part des importations. Il n'en demeure pas moins que pour les professionnels du secteur, dont les deux hôtes du Forum d'El-Moudjahid, ce volume ne représentera, en réalité, que 20 à 30% des parts du marché national du médicament, en valeur. En d'autres termes, les produits pharmaceutiques les plus chers (exemple, les traitements d'oncologie) continueront à être introduits via l'importation en l'absence d'un tissu industriel orienté sur les hautes technologies en la matière.