Du 7 novembre 1961 au 16 février 1966, treize tirs souterrains dont quatre n'ont pas été totalement confinés ont été effectués à In-Eker, à 150 kilomètres au nord de Tamanrasset. Le mont d'In-Eker tressautait et se secouait de sa poussière. Les Tamanrassetis s'en souviennent certainement au point même d'inscrire dans leur mémoire et d'une manière ineffaçable les codes des tirs les plus atroces, Agathe, Béryl, Améthyste, Rubis et Emeraude en l'occurrence. En 1966, la France abandonna ses expériences au Sahara selon les accords d'Evian. Malheureusement et quarante-cinq ans après la fin de ces essais, la persistance de la menace radioactive pèse toujours sur la région et sur toute une population dont même la descendance continue à subir les conséquences de la colonisation française où la cruauté et la barbarie atteignaient leur paroxysme. Les effets dévastateurs des tirs continuent à se faire ressentir avec des pathologies caractéristiques des radiations. Une catastrophe environnementale et humanitaire que l'Etat français n'a toujours pas voulu reconnaître. Ce n'est peut-être pas le cas des militaires français qui sont de leur vivant taraudés et tourmentés pour avoir contribué à cette calamité en tirant sciemment des bombes à radiations ayant couvert des superficies s'étendant sur des centaines de kilomètres et sur un rayon de 80 km. Selon des chercheurs militaires, ces bombes, fabriquées avec du plutonium, connu pour être plus toxique que l'uranium, sont un véritable poison pour l'environnement et les humains. Le plutonium utilisé dans ces bombes demande 24 000 ans pour que diminue la moitié de ses effets. En conséquence, des cas de leucémie et de changement hématologique ont été ainsi constatés à In-Eker. “Une véritable tragédie. Certes, nous n'avons pas de statistiques exactes sur les victimes car ce dossier est toujours classé top secret. Mais le nombre de malades atteints par le cancer du sang est important. La maladie a ébranlé la région et a touché même le cheptel des nomades qui paissent à l'intérieur même du site où ont été effectués les essais d'autant plus que la zone est libre d'accès puisque le grillage et les fils barbelés qui servaient de clôture ont été pillés et vandalisés. Aucune protection contre la radioactivité n'y existe à présent. Par ignorance et par manque de vulgarisation et de sensibilisation, les nomades fréquentent toujours cette zone interdite”, se lamente le P/Apc de In-Mguel, Dihakal Mohamed Elbarka, en tirant à boulets rouges sur les chercheurs militaires qui font leurs explorations à In-Eker, à 20 km de In-Mguel, sans associer les autorités locales à l'exception de la Direction de l'énergie et des mines. “Nous ne disposons d'aucun travail de recherche en mesure de nous aider à convaincre la population sur les effets on ne peut plus néfastes de la radioactivité. Les gens sont inconscients de l'ampleur du danger. De toutes les recherches qui sont effectuées sur le site, aucun compte rendu ne nous a été remis. Les explorateurs doivent faire participer le citoyen et le sensibiliser sur les risques de la radioactivité et les maladies qui en découlent”, ajoute-t-il non sans dépit. Evoquant le problème de l'indemnisation des victimes, particulièrement les cobayes laborieux que l'armée française exploitait pour faire aboutir sa stratégie nucléaire, le P/Apc dit qu'“à l'initiative du premier responsable de la wilaya, nous avons procédé en 2010 au recensement de tous les employés en vie qui faisaient le travail de manutention dans les galeries d'expérimentation nucléaire à 40 km d'In-Eker, à Taourirt Tan Affela pour être exact. Le bilan fait état de 254 personnes ayants droit. Mais rien n'a été fait jusque-là car ce projet d'indemnisation n'est qu'une chimère semble-t-il”. Et de renchérir, notre interlocuteur a invité ces victimes à se constituer en association à l'effet de faire valoir leurs droits et de légitimer officiellement leur indemnisation.