Résumé : Après une longue discussion, Mohand bat en retraite et permet à Ghenima de passer la nuit dans son atelier. Ils avaient tous les deux, pesé le pour et le contre de leur inconfortable situation. La forge n'était pas un abri sûr. 55eme partie La forge n'était pas un abri, mais un atelier de travail. Mohand ne voulait pas alarmer sa mère et sa famille, et il a préferé qu'on le ramène dans son atelier. D'habitude, il rentrait tous les soirs chez lui. Sauf durant l'été, ou parfois, il veillait tard, alors, il n'hésitait pas à passer le reste de la nuit sur les lieux. Ghenima connaissait toutes ses habitudes. Mohand ne lui cachait rien, et elle non plus. Elle se retourne sur sa couche et tente de réchauffer son corps. Malgré la chaleur dégagée par l'âtre, le froid glacial de la nuit ne permettait pas de dormir sans couverture. Elle repense à son lit douillet et aux lourdes couvertures tissées par sa mère, qui la réchauffaient en hiver, et empêchaient le froid de l'engourdir. A-t-on découvert sa fugue ? Elle ne le pensait pas. Car elle aurait entendu des gens crier ou courir dans tous les sens et tout le village serait déjà en émoi. Plus le temps passait et plus la jeune fille persistait dans son intention de quitter définitivement le village. Mohand l'avait avertie et mise en garde contre les dangers qui la guettaient. Mais rien ne la fera fléchir. Tout compte fait, elle quittera le village au petit matin. Tant pis, Mohand comprendra. Elle n'aimerait pas l'entraîner dans la boue, alors qu'il ne voulait que son bien. Elle lui jette un regard à travers la lumière opaque du feu et constate qu'il dormait profondément. Le breuvage avait fait son effet et il ne se réveillera pas de sitôt. Ghenima se rasseoit et ramène ses jambes sous elle. Dès les premières lueurs de l'aube, elle se mettra en route. Vers quelle destination ? Elle ne le savait pas encore. Mais ce qui était certain, c'est qu'elle n'allait pas courber l'échine pour accepter une situation qui en d'autres circonstances, lui aurait parue biscornue et irréelle. Elle tente de réchauffer son corps et souffle dans ses mains avant de les mettre face au feu. Elle reprend un peu de couleur et enfin la forge commence à devenir plus supportable. La jeune fille rajoute encore quelques brindilles et remue les cendres. Elle se rallonge et peut enfin fermer les yeux. Mais pas pour longtemps. Elle guettait le moindre bruit, le moindre son. Même le souffle leger du vent en cette nuit, lui paraissait un danger. Que faisait sa mère ? S'est-elle rendu compte de son absence ? A-t-elle alerté son père et les autres ? On était presque au petit matin. L'aube commençait à poindre. Mohand dormait profondement, mais elle l'entendait gémir dans son sommeil. Elle se leva et réajusta la couverture sur son corps. Heureusement que la neige avait cessé de tomber. Mais le froid glacial des longues nuits d'hiver était encore omniprésent, malgré les premières esquisses d'un printemps prometteur. Elle enroule le vieux tapis et le remet à sa place derrière la porte. Elle prend ensuite ses affaires et les jette pêle-mêle dans son écharpe. Elle jette le balluchon sur son dos et entrouvre tout doucement la porte de la grange. Elle jette un dernier regard à Mohand. Comme il avait l'air paisible et serein dans son sommeil ! Elle sentit les larmes inonder son visage. Les choses auraient été bien plus simples, si ce n'était la machination machaivélique de ce maudit Aïssa. Voyant que les premières lueurs du jour commençaient à percer le noir de la nuit, Ghenima n'hésita plus. Elle sortit dans le froid matinal et referme tout doucement la porte derrière elle. (À suivre) Y. H.