Ayant “acheté” la paix sociale, à coups d'augmentations tous azimuts, et des mesures sociales extrêmement coûteuses, le pouvoir semble opter pour “le changement dans la continuité” cher au FLN. La commission Bensalah a reçu, hier, ses derniers invités dans le cadre de la mission confiée par le président Bouteflika. Une mission marquée par le boycott de l'opposition et de nombreuses personnalités politiques, mais aussi par un surdosage d'associations et de syndicats affiliés au pouvoir. Le mérite de cette commission réside dans le fait d'avoir permis à la classe politique de s'exprimer sur les changements à apporter. Qu'ils aient accepté ou décliné l'invitation de la commission Bensalah, les principaux animateurs de la vie politique nationale se sont exprimés, publiquement, sur les réformes à introduire. Il y a ceux qui croient, dur comme fer, que le changement peut se faire de l'intérieur du régime, par la révision de certaines lois, à commencer par la Constitution. Mais il y a ceux qui ne croient pas au changement de l'intérieur et demandent tout bonnement le départ de ce régime et l'organisation d'une élection pour une Assemblée constituante. La nature du régime à mettre en place reste un point de divergence entre les partisans du régime et ses opposants. Les uns veulent maintenir l'omnipotence du chef de l'état, avec quelques parcelles de pouvoir au Premier ministre, alors que d'autres veulent que le Parlement soit l'expression de la volonté populaire et donc source de plus grands pouvoirs. Mais tous conviennent qu'il faudrait aller beaucoup plus loin dans les ouvertures démocratiques, notamment en ce qui concerne la liberté de la presse, l'ouverture du champ audiovisuel au capital privé, la nécessité de faire du parlement un véritable outil de contrôle de l'action de l'Exécutif. Autant d'idées que partagent opposition et partis du pouvoir. Mais, au-delà des idées, aussi généreuses soient-elles, il y a lieu de mentionner que la commission Bensalah est, en soi, une réponse du chef de l'état aux voix qui demandent la tenue d'une conférence nationale. Le président Bouteflika, qui avait entamé un train de réformes depuis le déclenchement du Printemps arabe, à travers la levée de l'état d'urgence, la dépénalisation du délit de presse et l'organisation de ce round de dialogue à distance, ainsi que celui organisé par le Cnes avec la société civile. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les lois devant être réformées sont déjà prêtes. Vue sous cet angle, la démarche du président Bouteflika est un message clair : “Dites ce que vous voulez et je ferai ce que je voudrai !” Avec cette précaution de taille : canaliser l'expression politique, que ce soit à travers son invitation au dialogue ou en lui donnant l'occasion de s'exprimer dans la presse, pourvu que cela ne se fasse pas à travers des manifestations de rue. Cette façon de faire permet au président Bouteflika de laisser les gens se défouler, sans débordement, de gagner du temps, d'introduire les changements législatifs promis, en attendant l'année prochaine qui sera décisive à plus d'un titre (élections législatives et communales notamment). Ayant “acheté” la paix sociale, à coups d'augmentations tous azimuts, et des mesures sociales extrêmement coûteuses, le pouvoir semble opter pour “le changement dans la continuité” cher au FLN. Il ne faudrait donc pas s'attendre à ce qu'il y ait de grands bouleversements à la rentrée sociale. Le pouvoir aura réussi à éviter la contagion du Printemps arabe, tout en concédant de nouvelles ouvertures démocratiques. C'est mieux que rien, ou c'est peu par rapport à ce que l'on attendait ? Chacun aura à faire sa propre évaluation.