L'Algérie bascule à l'Est. Après l'époque bénie des Guennadi Rogov (ex-URSS) et Zdravko Rajkov (ex-Yougoslavie), la Fédération algérienne de football a (re)fait le pari de confier son équipe première et sa vitrine la plus exposée à un homme venu du froid, le Bosniaque Vahid Halilhodzic. Un choix que l'ex-meneur de jeu international, Lakhdar Belloumi, qualifie de “judicieux” et d'extrêmement “prometteur”. “Me concernant, j'estime que c'est une bonne décision, et ce, pour plusieurs raisons. Les Yougoslaves, du moins quand ils formaient une nation unie et portaient les couleurs d'une même sélection, étaient considérés comme les Brésiliens de l'Europe pour leur jeu technique, spectaculaire et toujours porté vers l'avant. De plus, l'école de l'Est a toujours réussi à l'Algérie. Il n'y a qu'à se remémorer l'énorme travail effectué et réalisé par les regrettés Rogov et Rajkov pour s'en apercevoir. Le fait que la FAF ait jeté son dévolu sur Vahid Halilhodzic nous renvoie donc directement à cette époque et aux souvenirs de la réforme sportive qui a fait tant de bien au football national”, soulignera ainsi Lakhdar Belloumi, pour lequel “Vahid Halilhodzic possède le profil pour réussir avec les Verts”. “C'est un technicien à la réputation bien établie. Son parcours et son palmarès parlent pour lui et plaident en sa faveur. Il a drivé de nombreux clubs où il a laissé son empreinte. Lilles a grandi sous sa coupe pour devenir, quelques années plus tard, champion et vainqueur de la Coupe de France. Au Paris-Saint-Germain, son passage a été jugé positif par les spécialistes. Et avec les Eléphants de Côte d'Ivoire, il a également réussi un joli et très convaincant parcours. Sous ses ordres, les Ivoiriens développaient un football très attractif qui a fait d'eux l'une des meilleures sélections du continent. Tous ces éléments, le fait qu'il accumule une grande expérience du football international et en particulier sa notoriété comme homme discipliné et entraîneur qui n'autorise aucun passe-droit, font de lui un technicien respecté et respectable et un sélectionneur avec lequel l'EN peut aspirer à quelque chose de très positif”, soulignera, en ce sens, l'ex-icône du football algérien des années 1980. Mais pour espérer la même réussite, ou du moins (presque) autant de succès que ses glorieux aînés que sont Rogov et Rajkov, le nouveau sélectionneur qu'est Halilhodzic devrait, toujours selon l'homme aux 138 sélections avec le maillot vert de l'EN, “changer de méthode de travail, ou plus explicitement, éviter de refaire les mêmes erreurs du passé récent en matière de choix des joueurs”. “Se baser uniquement sur des professionnels venus d'Europe serait une erreur gravissime. Il faudrait que tout le monde ait sa chance et qu'il n'y ait plus de privilège pour certains sous le seul prétexte qu'ils évoluent de l'autre côté de la Méditerranée, quand bien même dans des clubs microscopiques. L'idéal serait d'avoir une EN composée essentiellement de joueurs formés en Algérie et renforcée par des professionnels qui donneront un plus certain. On ne sélectionne pas de professionnels pour qu'ils soient remplaçants ou qu'ils se voient exclus de la liste des dix-huit concernés par le match et suivre la rencontre des tribunes”, préconisera Lakhdar Belloumi qui espère, à ce propos, que “Vahid Halilhodzic ait la même passion pour la formation que le regretté Rogov”. “Maintenant qu'il est sélectionneur de l'EN, Halilhodzic doit se montrer attentif à tout talent susceptible de renforcer les rangs des Verts et non pas se contenter de superviser les Algériens évoluant hors de nos frontières. Pourquoi ne veillerait-il pas personnellement à la bonne formation des futurs internationaux ? Rogov le faisait ! Je me souviens qu'il organisait des stages de trois jours toutes les semaines pour que l'équipe puisse parfaire ses automatismes et progresser collectivement. Chaque semaine nous jouions des rencontres amicales face aux clubs. Il nous arrivait même de perdre quelques-unes, comme celles face à l'USMH et au DNC. Comme les dates FIFA compliquent extrêmement le travail des sélectionneurs qui se basent uniquement sur des joueurs sous contrat avec des clubs européens, il est nécessaire de former le joueur local, de tenter d'élever son niveau, d'améliorer ses performances et de l'habituer aux normes internationales afin de pouvoir lui donner sa chance. Le nouveau sélectionneur doit ainsi penser à faire travailler plus les locaux, comme faisaient avec nous Rogov, Rajkov et les autres techniciens et formateurs venus de l'ex-bloc de l'Est. Ils ont fait un excellent travail car la pâte existait. La pâte existe toujours, à Vahid Halilhodzic de bien en prendre soin, de bien la malaxer et d'essayer d'en tirer le meilleur. Si dans les conditions actuelles, quelques éléments locaux ont pu se frayer un chemin en sélection parmi les professionnels, on peut croire qu'avec un bon travail de fond comme souligné à l'instant, on peut croire que les clubs de notre championnat peuvent redevenir les principaux pourvoyeurs de la (même) sélection”, ajoutera, convaincu, notre international, non sans insister sur le fait que “ceux qui auront à charge de seconder Halilhozdic doivent être d'anciens joueurs internationaux, bien connus, très expérimentés et connaissant parfaitement les rouages du football algérien à même de pouvoir intelligemment et efficacement le conseiller et l'aider dans sa difficile tâche”. À ce sujet, Lakhdar Belloumi ne cachera pas trop sa disponibilité à donner un coup de main, dans un rôle bien défini préalablement, à un Vahid Halilhodzic dont il garde un assez vague souvenir comme de sa période de joueur. “Je ne suis pas vraiment sûr, mais je crois bien qu'il faisait partie de l'équipe de Yougoslavie qui nous avait battue aux jeux Olympiques de Moscou en 1980 sur le score de trois buts à zéro…”, conclut celui qui allait décrocher, une année plus tard, le premier Ballon d'or de France Football décerné à un joueur Algérien.