Le gouvernement sénégalais, quarante-huit heures après la confirmation de l'expulsion de Hissène Habré, revirement de situation : par la voix du ministre des Affaires étrangères, Madické Niang, annonce qu'il “suspend l'expulsion” pour répondre à une demande de Navi Pillay, Haute commissaire de l'ONU aux droits de l'homme. Cette dernière a émis des doutes sur une mesure qui risquait de constituer “une violation du droit international”, puisqu'en renvoyant un homme dans son pays où il est accusé de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et tortures, il risque la mort d'autant plus qu'il n'est pas assuré de bénéficier d'un procès juste. Pour rappel, il a déjà été condamné à mort par contumace au Tchad. La Belgique, qui, en vertu d'une loi sur la compétence universelle de sa justice, a demandé à juger Habré, ses avocats sénégalais et français, hyper actifs pendant ces dernières 48 heures, ses voisins du quartier d'Ouakam à Dakar, ainsi que des organisations de défense des droits de l'homme, se sont également mobilisés contre cette mesure d'expulsion. En effet, un des avocats de Habré, François Serres, a dit “prendre acte” que le président Abdoulaye Wade, avocat de formation et président d'un pays considéré comme un exemple de démocratie en Afrique, “accepte de constater qu'il a violé une nouvelle fois le droit”. Par ailleurs, selon M. Serres, Habré était prêt à s'opposer à son expulsion par la force, jurant que s'il devait retourner au Tchad, ce serait “dans un cercueil”. De son côté, l'avocat américain Reed Brody, de Human Rights Watch, très en pointe dans la défense des familles des victimes de Habré, s'est déclaré “heureux que le président Wade ait suspendu cette expulsion mal préparée”. En outre, “l'extradition de Habré en Belgique est désormais la seule option pour s'assurer qu'il répondra des accusations contre lui lors d'un procès équitable”, a-t-il affirmé. En annonçant la suspension de l'expulsion, Madické Niang a indiqué que des consultations allaient être engagées immédiatement avec la communauté internationale, dont l'UA, pour trouver une solution au cas Habré. Mais Dakar ne veut plus entendre parler de tribunal international spécial au Sénégal, comme exigé par l'UA. C'est une “solution inacceptable pour le Sénégal qui s'était engagé à faire juger Hissène Habré par ses propres juridictions et magistrats, et non par une nouvelle juridiction dont les fondements sont discutables”, a-t-il avancé.