Dans ce spectacle désopilant, cet humoriste-agitateur qui a promis (et manqué à sa promesse) de faire rire “dans les limites de la liberté d'expression”, réfléchit sur le concept du peut-on rire de tout. Pour Dieudo', on peut rire de tout ; pour le reste du monde, ce n'est pas toujours le cas ! Dieudonné a présenté, avant-hier soir, son spectacle, Mahmoud, sous le grand chapiteau de l'hôtel Hilton, face à une assistance nombreuse, et conquise, même avant le début du show d'une heure vingt minutes. Mahmoud dont le titre est un clin d'œil à sa rencontre avec le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, développe plusieurs problématiques épineuses, relatives notamment aux limites de la liberté d'expression, à l'écriture de l'histoire, au mensonge dans lequel nous vivons, à la grande conspiration du monde, à la manipulation, et aux lobbys qui pratiquent une politique d'exclusion à l'encontre de personnes qui osent apporter un discours contradictoire. Dieudonné a toutes les caractéristiques du politiquement incorrect, de l'autre côté de la Méditerranée, puisqu'il ne se contente pas d'oser dire tout haut ce que tout le monde ose, à peine, penser tout bas, il sème le doute, nous interpelle sur un certain nombre de points, à l'exemple de la justice, là où d'autres stigmatisent, et prennent des raccourcis pour coller des étiquettes. Taxé d' “antisémite”, Dieudonné préfère en rire que de s'en défendre. Dès son entrée sur scène, l'humoriste annonce que “nous allons rire dans le cadre de la liberté d'expression”, puis lance : “Stop à la haine !” En effet, “de la haine au crime, il n'y a qu'un pas…et le crime des crimes, c'est la Shoah”. Dieudonné affiche, d'entrée de jeu, la tendance, et après une histoire rocambolesque sur sa conversion au judaïsme, il pose deux importantes interrogations qui se déclineront tout au long du spectacle : “Qui fixe les limites de la liberté d'expression ?” et “Qui écrit l'Histoire ?” Bien évidemment, l'Histoire est écrite par les vainqueurs, et c'est peut-être pour cela que Dieudo' dit ne pas aimer l'histoire officielle. D'ailleurs, “une fois j'ai eu un 1 en histoire, et j'ai dit, attention Dieudonné, t'es en train de basculer dans le système”. Le deuxième sketch de l'humoriste conteste l'existence des chambres à gaz. Et si les chambres à gaz n'avaient jamais existé ? Cette supposition est pire qu'une hérésie, et c'est pour cela que Dieudonné préfère y croire “parce que c'est obligatoire en France”, et que “je ne suis pas moins con qu'un autre”. L'humoriste s'intéresse également au concept “crimes de guerre” qui est valable pour les victimes de la Seconde Guerre mondiale, mais pas encore valable pour le massacre des Indiens d'Amérique et les victimes de la guerre d'Algérie. Deux poids deux mesures ! Dieudonné contestera ensuite la thèse relative aux attentats du 11 septembre 2001, et ira passer des vacances à Damas, au “Saint-Tropez de ‘l'infréquentabilité' ” où il rencontre Hugo Chavez, Thierry Besson, Khaled Mechaâl et des cadres du Hezbollah. Dans la foulée, il balancera des “missiles”…”préventifs”, du genre “Obama, création de la CIA” ou encore “Bush a détourné des milliards”. Sa rencontre avec Mahmoud Ahmadinejad fait également l'objet d'un sketch où l'humoriste affiche son admiration pour le discours de l'actuel président iranien, sur la scène internationale. Un sketch sur l'esclavage qui se situe au XVIe siècle, place Bernard-Henri Lévy (qui avec le président français, Nicolas Sarkozy, semblent tant inspirer Dieudonné), dans la posture d'un esclavagiste qui rencontre son esclave, à la faveur d'une émission de télévision qui hypnotise ses invités. Là encore, ce sketch est une occasion de revenir sur une question qui est vite évacuée des débats de l'heure, à l'instar de celle du colonialisme. Le dernier numéro de Dieudonné sur le cancer ne colle, malheureusement pas à l'esprit du spectacle, au propos largement politique. En somme, dans un contexte où “le mensonge dirige le monde”, dans un monde où “le courage c'est fermer sa gueule”, et à l'heure où la versatilité est une forme d'ouverture, Dieudonné qui est loin d'être un antisémite primaire, préfère s'indigner... avec humour.