Ce compagnon de route de Messali Hadj qui milite pour le retour du PPA sur la scène politique, à l'occasion de la nouvelle loi sur les partis, prône surtout une réconciliation qui tournerait les pages des déchirures propres à toutes les révolutions. Le Parti du peuple algérien (PPA pour les anciens du mouvement national) va fêter le 2 août prochain son 75e anniversaire. Il a été créé le 2 août 1936. Bien qu'elle soit interdite par la loi en vigueur sur les partis politiques, cette formation fondée par Messali Hadj, père indiscutable du nationalisme algérien, et ses partisans, est plus que jamais présente dans le cœur et la mémoire des citoyens, en particulier ceux qui ont grandi avec le mouvement national. Signe de cette présence puissante du PPA dans l'imaginaire populaire, un événement symbolique qui a eu pour cadre le 3 juillet dernier la commune d'Aït Bouadou, en Kabylie, où le mythe Messali demeure intact. Dans cette région du pays où l'histoire côtoie le présent, il n'est pas rare de rencontrer encore des vieilles ou des anciens de la Révolution qui fredonnent des chansons composées dans les années 1940 et 1950 à la gloire de Messali Hadj, dont le radicalisme épousait le tempérament révolutionnaire de cette région. En ce jour du 3 juillet, les responsables d'Aït Bouadou et Aït El-Hadj ont organisé une cérémonie commémorative en souvenir d'une grande bataille qui avait opposé à l'époque l'armée française aux troupes de moudjahidine messalistes dans la localité. Au cours de cette bataille mémorable, pas moins de sept moudjahidine, originaires de la région des Aït Bouadou, sont tombés au champ d'honneur en pleine montagne du Djurdjura et enterrés dans une fosse commune. Lors de cette cérémonie du souvenir à laquelle avaient pris part le président de l'APC d'Aït Bouadou, le responsable local de l'ONM, Ali Agouni, responsable national du PPA et Basta Arezki, lui aussi responsable messaliste à l'époque, les sept moudjahidine ont été réinhumés dans le cimetière familial. C'est déjà un premier pas sur la voie de la réhabilitation en attendant que la demande faite au ministère des Moudjahidine par le président de l'APC de Aït Bouadou et le représentant local de l'ONM pour que l'anniversaire soit officiellement célébré “après 56 ans de silence”. Ali Agouni, vieux militant du PPA, toujours bon œil et bon pied malgré le poids des ans, parle avec émotion de cette cérémonie du souvenir. “En tant que responsable du PPA, je salue le courage de ces grands responsables de l'APC d'Aït Bouadou, de l'ONM et tous les militants du PPA qui ont participé à cette commémoration historique.” Voulant profiter de cet événement qui replace au cœur de l'actualité le PPA, Ali Agouni adresse un message au président Bouteflika : “En tant que premier responsable du PPA, je prie le président de la République de reconsidérer l'histoire, de faire la réconciliation nationale et de reconnaître le combat des Messalistes et de leur donner la place qui leur revient comme leurs frères du FLN et de l'ALN”. Ce vieux compagnon de route de Messali Hadj, faisant sans cesse un va-et-vient entre passé et présent, dénonce l'instauration du parti unique, en Algérie, rappelant que l'auteur de la célèbre phrase au stade du Ruisseau, “cette terre n'est pas à vendre”, était pour le pluralisme politique, pour la Constituante. Une idée à laquelle Ben Bella, Boudiaf, Aït Ahmed, Krim Belkacem avaient fini par rallier, en créant leur propre parti politique. “Si on avait appliqué le pluralisme au lendemain de l'Indépendance, comme le réclamait le PPA, on aurait certainement épargné au peuple algérien toutes les souffrances qu'il ne cesse de subir depuis cette époque”, tranche M. Agouni qui retourne encore au passé pour évoquer la bataille de Zemgha à Boussaâda, en 1959 au cours de laquelle seraient morts, selon ses souvenirs, des moudjahidine messalistes et plusieurs soldats de l'armée coloniale. “à deux jours seulement de la bataille au cours de laquelle les colonels Amirouche et Si Haouès étaient tombés”, tenait à préciser encore Ali Agouni, comme pour mettre en relief le consensus chez les moudjahidine de combattre l'armée coloniale, au-delà de leur appartenance respective au FLN ou au MNA. Mais ce vieux militant admet qu'il y a eu des luttes fratricides, des règlements de comptes entre Messalistes et troupes de l'ALN/FLN. C'est un fait d'histoire, mais il rappelle aussi que “ce n'est pas le MNA qui a liquidé Abane Ramdane, Abbès Laghrour. Ce sont les conséquences de la Révolution”, admet-il en se disant partisan de “ne pas cacher la vérité aux nouvelles générations pour que notre jeunesse la sache et pour lui éviter de reproduire ce qui s'était déjà produit”. âgé actuellement de 73 ans, Ali Agouni, qui garde encore son enthousiasme et sa faconde de militant, acquise aux côtés du “père de la Révolution algérienne”, n'a, aujourd'hui, qu'un seul rêve, à la veille de la célébration du 50e anniversaire de la Révolution : “la reconnaissance du PPA en tant que parti légal et la réhabilitation des martyrs du MNA”.