Des produits estampillés halal n'ont de tel que l'étiquette, car ils ne sont pas conformes au rite musulman. Pour les musulmans de France, le Ramadhan a démarré sous les auspices d'une très mauvaise nouvelle. Diffusée très opportunément la veille du mois sacré, une enquête de la chaîne Canal + sur le marché du halal a eu l'effet d'un séisme. Les répliques vont certainement se faire sentir dans les pays arabes, puisque des produits estampillés tels et produits en Europe y sont commercialisés. Jusque dans la Terre sainte d'Arabie Saoudite. L'enquête démontre que l'absence d'un label reconnu par l'Etat comme le label bio ouvre des opportunités à une faune d'escrocs appâtés par un marché en expansion régulière, alimenté par une clientèle prisonnière de sa foi. À force d'exigence, on lui fait avaler toutes les couleuvres pourvu qu'elles portent le tampon halal qui n'est pas très compliqué de graver sur une carcasse d'animal ou sur un emballage. La caméra de Canal + démontre par exemple que les poulets du géant Doux n'ont de halal que le cachet. Dans le marché de gros de Rungis, le plus grand d'Europe, il est difficile de retrouver le rayon halal. Et lorsqu'on y est, on n'est sûr de rien. Par ailleurs, des bonbons estampillés halal contiennent en réalité de la gélatine de porc. En fait, les organismes n'ont pas de contrôleurs salariés pour s'assurer du respect du rite. Chez les fidèles, c'est l'indignation. Le choc est tel que des élus locaux d'origine maghrébine ont demandé la mise en place une commission d'enquête parlementaire sur ces “pratiques commerciales qui peuvent s'apparenter à de l'escroquerie publique, faute d'une législation claire et précise”. Selon eux, le reportage de Canal+ “révèle plusieurs dysfonctionnements graves, inquiétants et illicites qui ne peuvent rester sans réaction” puisque “ce sont des millions de Français musulmans qui se font escroquer en toute impunité”. “De très nombreux musulmans ont dans leur frigo, bien rempli pour le Ramadhan, des produits haram (illicites), abusivement estampillés halal”, s'est indigné le site Al-Kanz qui joue le rôle de vigile dans ce domaine. Des commentaires postés sur ce site donnent la mesure de l'indignation. “Ce n'est même pas aux non musulmans que j'en veux, mais bien à ceux de notre communauté qui délivre des certificats sans contrôle. J'espère au moins que ce reportage a touché notre communauté et qu'ils auront plus de méfiance à l'égard de ces pseudos marques halal”, écrit Fadhloun. “Le reportage m'a profondément choquée. J'étais contente de pouvoir manger du chorizo comme nos amis frenchies mais avec ce que j'ai vu, dur de faire confiance. C'est vraiment grave que la mention halal n'ait aucune définition juridique. Je pense qu'il va falloir qu'on se mobilise dans ce sens tous pour qu'on arrête de se moquer de nous, de nous faire manger n'importe quoi, de s'enrichir sur notre dos, et de pousser carrément le vice jusqu'à envoyer du non halal sur notre Terre sainte” (Nadia) ! Le reportage “m'a carrément donné un coup de poing surtout lorsque le journaliste demande des comptes à la Mosquée de Paris et qui essaye tant bien que mal de trouver une réponse qui pourrait convenir” (Rachida). Un membre du Conseil français du culte musulman, Abdallah Zekri, a déclaré avoir reçu des insultes au téléphone. “On nous accuse de garder le silence sur ces pratiques que certains interlocuteurs ont jugées plus graves que les actes islamophobes”. Le sujet est sensible car il implique des enjeux financiers importants. Un responsable de la Grande-Mosquée de Paris l'a appris à ses dépens. En évoquant “le scandale lié au halal” lors d'une réunion organisée par cette institution, Kamel Chibout est poursuivi en justice par le partenaire de la Grande-Mosquée. Il s'exprimait pourtant en tant que président de la fédération régionale Grand-Est. Une étude du cabinet Xerfi publiée en mars évalue à près de 4 milliards d'euros, en progression de plus de 10% par an, le marché du halal. Un autre cabinet, Solis, spécialisé dans le marketing et les “sondages ethniques” estime à 5,5 milliards le chiffre d'affaires 2010 du secteur. Le président du CFCM, le Marocain Mohamed Moussaoui, dit qu'une charte est prête. Mais les partenaies tardent à la signer. Ironie : après moults palabres en 2004, les partenaires ont réussi à s'entendre pour écrire halal et non plus hallal. Le marché concerne la viande mais aussi la biscuiterie, les sirops, les laitages, sans oublier les cosmétiques, voire les services comme les “hôtels halal”, où aucun alcool n'est servi. Cet essor attise les convoitises des grands groupes comme Nestlé (marques Herta et Maggi), Fleury-Michon, Bigard, Doux et Dux. Fleury-Michon a lancé en 2009 plusieurs références de charcuterie de volaille halal, comme ses concurrents Herta et LDC. Il y a aussi des sociétés spécialisées dans le halal, comme Zaphir (marque Isla Délice), Corici (Medina Halal), ou HCD (Amine). Il s'agit souvent de PME, qui se heurtent aux marques halal des grands groupes. Enfin, les enseignes de la grande distribution de type Casino, Carrefour, Auchan et Intermarché se sont également lancées dans ce créneau. Casino a ainsi lancé en 2009 sa marque halal, les produits Wassila, avec un site Internet ad hoc et des garanties sur la traçabilité.