La formation des compagnons pour la maîtrise du Coran s'était forgée durant la dure et néanmoins laborieuse période mecquoise sur environ treize ans, et s'était achevée durant les dix ans de la période médinoise. Cela a donné lieu à un gotha de choix comme on en a vu. Du reste, c'est Allah qui leur rend hommage dans sourate El-Forqane, un surnom du Coran, réservée exclusivement en leur honneur. En ce mois de Ramadhan, le mois du jeûne, mais aussi du Coran par excellence pour célébrer l'anniversaire de sa Révélation intervenue le vingt-sept de ce mois sacré, il est utile de revenir sur cette sourate mémorable et très significative sur la prise en charge du Coran par le Prophète (P. et S. soient sur lui) et ses compagnons, notamment les plus rapprochés et ceux qui aimaient le Coran en lui consacrant leur vie. C'est une sourate qui a tant préoccupé les exégètes de par sa particularité, sa beauté et son contenu. Elle est classée parmi les sourates dites moyennes, à peine l'équivalent d'un hizb, un soixante et unième du Coran, facile à apprendre, à comprendre et à méditer. Elle réserve un passage pathétique, le dernier aux comportements des gens de la Miséricorde, ceux qui ne passent pas allègrement sur les versets à leur écoute. Mais elle est également un hymne au Coran dans sa globalité, en lui étant entièrement consacrée. L'hommage de sourate El-Forqane aux premiers compagnons Parmi les ouvrages les plus en vue, celui très récent du professeur de théologie, le défunt cheikh Aberrahmane Hacène Hanbaka El-Mayadani, que Dieu ait son âme, qui avait été ébloui par l'unicité et la logique de sa structure. Son ouvrage n'est pas comme nombre d'ouvrages de facilitation et d'exégèse, plus versés sur la compilation des documents et la présentation plate et simpliste des textes où l'effort de synthèse et de déduction n'est pas toujours apparent. Il s'inscrit dans la logique des grands réformateurs modernistes, entamée au début du siècle passé sous la direction de grands penseurs comme Mohamed Abdou, Seyd Qotb, pour son volet scientifique et non son engagement politique un peu controversé en étant proche du mouvement des frères musulmans, les plus radicaux, et Malek Bennabi pour booster l'interprétation coranique sur le plan de l'approche structurelle en essayant de privilégier la logique et la science dans le traitement du texte coranique. Il faut comprendre que, malgré son ouvrage immense et son appartenance à des milieux tradionnalistes, Seyd Qotb est souvent boycotté par les tenants du salafisme puriste, le jugeant trop permissif en faisant appel plus à l'esprit qu'à la fidélité des prédécesseurs. Les réformateurs aussi Pourtant, en introduisant une méthode d'approche thématique originale courageuse et éclairée, il a rendu un service inestimable à l'exégèse coranique dans la voie de sa relance. Benabi, le styliste, l'artiste, le scientifique à l'esprit cartésien, avait horreur des écrits encyclopédiques sans fin et sans aucun effort de traitement et de synthèse, et débouchant sur un maigre résultat de déduction en négligeant l'intelligence et l'esprit scientifique. Cette effervescence a eu toutefois le mérite de contraindre certains exégètes traditionnalistes à concéder des points pour introduire des nouveautés dans leurs écrits. Il faut citer cheikh Mohamed Sabboni qui a consacré de nouvelles rubriques inédites dans les ouvrages de l‘exégèse dont le résumé thématique, quoique de façon assez globale et manquant à l'évidence de précision, et des observations sur le style et la forme du texte. C'est peu ! Mais cela indique beaucoup sur l'état d'ouverture qui reste à mener ! L'ouvrage du Cheikh Hanbaka En revenant à l'ouvrage de cheikh Hanbaka, mort malheureusement un peu précocement pour le réformisme moderne au début des années 90, il a certainement voulu secouer le cocotier en relançant le débat d'idées que d'aucuns cherchent à scléroser et à empêcher l'exégèse de se redéployer. Son ouvrage, écrit et édité peu avant sa mort, demeure une référence non seulement pour l'analyse et la présentation de sourate El-Forqane mais pour le reste des sourates dans le but d'arriver à une meilleure approche de traitement et de présentation du texte coranique, en se basant sur la recherche, l'observation et l'intelligence grâce à de nouveaux outils d'approche et d'analyse. Dans un chemin périlleux mais inévitable, cheikh Hanbaka a donné l'exemple avec beaucoup de réussite en voyant juste en débutant par cette sourate dédiée aux premiers compagnons de la Miséricorde. Son message, à côté de beaucoup d'autres qui désirent repenser le Coran et assurer la relance de l'exégèse en l'adaptant au contexte actuel, n'est pas toujours perçu à sa juste valeur. Dans cette sourate, le Prophète (P. et S. soient sur lui) s'était plaint à Dieu du boycott de son peuple qui avait déserté le Coran en lui tournant le dos, à l‘exception de la poignée de compagnons auxquels il est rendu un vibrant hommage. L'histoire semble se répéter avec le temps pour écouter la voix des vrais réformateurs de l'exégèse du dernier des messages pour un vrai retour aux sources et montrer son caractère universel et surtout faciliter sa communication et sa propagation. (À suivre) S. B. Email : [email protected] Demain : Sourate El-Fourqane, une fresque architecturale