1ere partie Elle avait le teint mat, des yeux couleur de nuit, rehaussés de sourcils en arcade. Un nez petit, taquin, et une bouche en forme de cœur. Une abondante chevelure noire et chatoyante, complétait un portrait de femme accomplie. Sa taille svelte et un corps de déesse faisaient l'envie de plus d'une femme de son entourage. Hakima était belle. Elle avait une beauté qu'aucun artifice ne pouvait remodeler ou parfaire. Elle était la jeune fille parfaite que la nature avait dotée d'un charme indéniable. Et encore, il n'y a pas que le physique chez elle qui pouvait attirer. Hakima avait d'autres dons. Elle était artiste jusqu'au bout des doigts. Elle maniait le pinceau et la plume, écrivait des poèmes et cumulait les succès aussi bien dans le domaine littéraire que scientifique. En un mot, la jeune femme avait de quoi susciter l'admiration et l'envie. Et pourtant… 26 ANS PLUS TÔT À l'aube d'un jour pluvieux, un homme au visage masqué traversait la forêt un petit paquet sous le bras. L'homme hâtait le pas et trébuchait sur les talus. Il était effarouché et tournait la tête à droite ou à gauche… L'avait-on suivi… Il lui avait semblé entendre des bruits de pas derrière lui… Mais non ! C'était juste son imagination qui lui jouait des tours. Va-t-il continuer ainsi à fuir à travers le voile épais de la nuit avec son fardeau sous le bras ? Il frissonna… Puis se laissa tomber au pied d'un arbre. Le jour n'allait pas tarder à se lever… Mais… il frissonne encore, l'hiver était là, et les ombres de la nuit ne cèdent pas de si tôt la place au jour. Il dépose le paquet à ses pieds et le scrute un moment. Qu'avait-il donc fait… ? Pourquoi avait-il été jusque-là… ? Que deviendra-t-il si on l'arrêtait… ? Il sera sûrement jeté en prison pour de longues années… Il arrache sa cagoule et pousse un long soupir, avant de se mettre à aspirer l'air à grandes goulées. Oui… Il étouffait… Il avait chaud dans sa veste en laine de mouton, et son escapade à travers la forêt depuis la veille l'avait exténué. Il se met à réfléchir, et se dit qu'il vaudrait mieux qu'il se débarrasse de son fardeau avant le lever du jour… déjà qu'il entendait l'appel à la prière de l'aube. La mosquée ne devrait pas être très loin. Vite, il faut faire quelque chose, avant que les fidèles ne le surprennent. Il se relève promptement et reprend sa cavale. Non… Il s'arrête un laps de temps et contemple encore son paquet… Une seconde ou deux d'hésitation… Va-t-il bien agir… ? Ou bien va-t-il encore commettre une grande et inéluctable erreur. Le muezzin avait fini son appel… L'homme n'attend plus, il entrevoit déjà les contours de la mosquée… D'un pas alerte, il s'approche du lieu de culte et dépose le paquet au bas des escaliers en marbre qui menaient vers l'entrée des fidèles. Il entend les psalmodies de ces derniers et sent une sueur glaciale imbiber son corps. Dieu pourra-t-il lui pardonner cet acte au jugement dernier… ? Il se sentit tout à coup vulnérable et des larmes piquèrent ses yeux, et roulèrent sur ses joues. Que Satan soit maudit… ! Que Satan soit maudit… ! Il jette un dernier coup d'œil au paquet qu'il venait de déposer. Les fidèles terminaient déjà leur prière… Sans plus hésiter, l'homme resserre sa veste sur son corps et se dirige en courant vers les ombres forestières. Il se cache derrière un arbre et attendit. Les vagissements d'un nouveau-né s'élevèrent dans l'air. Quelques fidèles sortirent de la mosquée et poussèrent des exclamations. L'imam les rejoint, et un grand brouhaha s'enchaîne… Que soit maudite la personne qui a abandonné “cet ange” à peine conscient de son existence, ne cessait-on de répéter… L'imam écarte la foule d'une main ferme et s'approche du bébé qu'il prend dans ses bras. Tout le monde le regarde alors qu'il soulevait le linge qui lui cachait le visage. - C'est une petite fille, il me semble, lance-t-il d'une voix à peine audible. Quelques fidèles s'approchèrent davantage pour contempler l'enfant et quelqu'un lance : - Qui a bien pu avoir le courage d'abandonner son enfant ? Un autre rétorque : - Les voies du destin sont impénétrables… Peut-être est-elle le fruit du péché ? (À suivre) Y. H.