Quel rôle pour les médias arabes dans les “révolutions” en cours ? Sont-ils des acteurs ? Peut-on parler d'une révolution médiatique ? Quelle est la situation des médias arabes aujourd'hui face aux bouleversements qui s'opèrent à travers toute la région ? Ce sont là quelques questions auxquelles ont tenté de répondre deux spécialistes des médias, en l'occurrence Redouane Boudjemaâ, enseignant à l'Ecole supérieure de journalisme, et Mustapha Hemici, écrivain journaliste, invités d'une conférence-débat organisée par la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH), vendredi soir à Alger autour du thème “Révolutions arabes et médias”. Pour Redouane Boudjemaâ, “la crise de l'information ne peut pas être dissociée des crises politiques et économiques que connaissent les pays arabes”. “Les sociétés les moins libres sont celles qui sont le moins informées”, a-t-il dit. Prisonniers de certains réflexes hérités de l'ère “anté-révolution”, certains médias arabes reproduisent les mêmes modes de fonctionnement en dépit du vent de la révolution qui souffle sur la région. “Certains médias n'arrivent pas à se défaire de la propagande”, a expliqué l'enseignant-journaliste. Citant le cas de la Tunisie, il soutient que “la diffamation et l'apologie” sont toujours en vigueur. Pour avoir exercé dans les rédactions pendant plus d'une dizaine d'années, Redouane Boudjemaâ était sans doute armé pour passer sous la loupe la presse algérienne à telle enseigne qu'il lui a été reproché par moments, par certains intervenants, d'avoir trop focalisé son intervention sur les médias algériens. Selon lui, le drame de la presse algérienne est d'être née dans la politique. “Il y a une multiplication de titres, mais il n'existe pas de pluralisme”, a-t-il affirmé. Et d'égrener les principes qui fondent le métier que bien des médias violent presque au quotidien. La défense de la liberté, la séparation entre le commentaire et l'info, le respect des opinions, le respect de la dignité, la non-apologie de la violence, la vérification de l'info, le respect des droits de l'Homme, la séparation entre les médias et la publicité, la consécration de l'indépendance, et enfin la séparation entre le rôle du journaliste et d'autres rôles sont autant de principes qui fondent l'exercice du métier, a-t-il rappelé. Bref, la presse est en crise en Algérie, résume-t-il encore. Sur un autre registre, Redouane Boudjemaâ s'est longuement étalé sur le concept de révolution qui signifie, à ses yeux, “une rupture au sein d'une société”. Pour sa part, l'écrivain journaliste, Mustapha Hemici, a relevé que “les médias dans le monde arabe ont toujours été un prolongement du pouvoir en place”. “À part quelques titres qui échappent au contrôle, tous ne sont qu'un prolongement du pouvoir”. Selon lui, leur rôle n'a pas été “déterminant” dans ce qui est appelé les révolutions arabes. Et contrairement à une idée assez répandue, les réseaux sociaux “ne sont pas la base des révolutions arabes”, bien qu'ils permettent aux différents acteurs de “rester en contact et d'échanger des informations”. Il a également relevé que grâce à l'image et à son audience, la télévision a “influé” sur les évènements dans le monde arabe mais a-t-il fait observer, les réseaux sociaux comme facebook et Twitter ont eu “un rôle d'agences d'information gérées par des correspondants anonymes relatant des faits en temps réels et repris, par recoupements, par les médias traditionnels”. En conclusion, Hemici a estimé qu'“il ne pourrait pas y avoir de liberté d'expression sans vie politique”.