L'explosion était d'une telle intensité qu'elle a été entendue à une vingtaine de kilomètres à la ronde. Il était un peu plus de quatre heures du matin (4h08 précisément) et les premières lueurs du jour pointaient à peine sur la ville des Genêts. En cette période de canicule, de nombreux jeunes estivants, qui venaient de passer une soirée ramadhanesque des plus paisibles car agrémentées de jeux de dominos ou de galas artistiques, prenaient bien du plaisir à goûter à la fraîcheur du petit matin avant d'aller faire dodo et se jeter dans les bras de Morphée. Des fidèles, eux, pressaient le pas en direction de la mosquée pour la prière du Fedjr, et ce fut précisément au moment même où l'appel à la prière était diffusé à travers les nombreux minarets qu'une déflagration terrible a secoué la ville. L'explosion était d'une telle intensité qu'elle a été entendue à une vingtaine de kilomètres à la ronde. Et en cette fin de week-end, la plupart des citoyens qui s'étaient couchés un peu plus tôt pour enclencher tel qu'il se devait la nouvelle semaine de boulot ont été pratiquement arrachés de leur lit. Alors qu'un épais nuage de poussière s'élevait dans les airs et enveloppait pratiquement tout le carrefour du quartier Djurdjura, les premières sirènes de la police et celles de la Protection civile déchirèrent lugubrement la nuit. Tragiquement touchée et profondément bouleversée en plein sommeil, la population de Tizi Ouzou avait bien du mal à réaliser que la bête immonde était de retour. Dans un premier temps, la thèse de l'explosion de gaz était pratiquement sur toutes les lèvres car il n'y avait guère de véhicule calciné dans les parages. Mais, il fallait vite déchanter car tous les indices d'un attentat à la voiture piégée étaient rapidement réunis. La façade du commissariat du centre-ville était pratiquement défoncée du côté de la rue Lamali-Ahmed qui mène vers le CHU Mohamed-Nedir alors qu'un énorme cratère était largement perceptible sur la chaussée. En fait, le conducteur du véhicule piégé avait précipitamment garé devant l'enceinte du commissariat de police pour faire actionner aussitôt son dispositif. Et la puissance de la déflagration était si forte que la voiture piégée tout comme le kamikaze qui était à bord ont été littéralement déchiquetés. C'est ainsi que le moteur du véhicule qui a été violemment projeté sur plus de cent mètres transperçait la devanture de la pâtisserie Kahina, située au bas du bâtiment Bleu, alors que le châssis de la voiture a été éjecté au loin et percutait un kiosque à journaux situé à plus de cent mètres du côté opposé. On finira par savoir qu'il s'agissait d'une camionnette Toyota bourrée d'explosifs. Les différents membres du kamikaze déchiqueté étaient ramassés en lambeaux aux quatre coins du carrefour et soigneusement enveloppés dans des sachets en plastique par les éléments de la Police scientifique qui avaient aussitôt occupé les lieux. De leur côté, les ambulances de la Protection civile et du Samu 15 s'efforçaient d'évacuer les blessés à vive allure vers l'hôpital Nedir tout proche. Au pavillon d'urgences du CHU, c'était le branle-bas de combat car le nombre de blessés évacués dépassait la trentaine. Trente-trois blessés précisément dont une douzaine de policiers et deux ressortissants chinois qui géraient un magasin de dentelle à une vingtaine de mètres du drame. Sur le lieu du drame, il s'en suivit ensuite un moment de panique épouvantable car une rumeur de menace d'une seconde bombe circulait comme une traînée de poudre, mais le moment de stupeur dépassé, l'on a réalisé que les dégâts étaient considérables puisque tous les immeubles environnants, notamment le Djurdjura, le bâtiment Bleu et les 40-Logements de la rue Rabah-Lamali, avaient été violemment soufflés par la déflagration. Des appartements ont été sérieusement endommagés et, du coup, de nombreuses familles se sont retrouvées pratiquement dans la rue, leurs meubles détruits et leurs affaires jetées à même la chaussée. De nombreux commerçants n'avaient plus que leurs yeux pour pleurer car leurs magasins étaient affreusement éventrés, alors que la ruine se profilait déjà à l'horizon en cette période sacrée du Ramadhan, pourtant prospère pour le commerce et le négoce. Les riverains avaient encore en mémoire le triste souvenir de l'attentat à la voiture piégée qui avait ravagé non loin de là le second commissariat de la ville. C'était le 3 août 2008 et les dégâts ont été tout aussi considérables. “Et dire que trois ans après ce drame, nous n'avions pas été encore indemnisés alors que les autorités locales avaient inventorié tous les dégâts et nous avaient promis monts et merveilles à l'époque”, se lamentait un commerçant, visiblement l'air désabusé. “Nous baignions dans une grande sérénité en ce début du mois de Ramadhan et les criminels ont encore frappé. C'était trop beau mais, personnellement, je savais que ce long silence n'augurait rien de bon car les lâches n'attendaient que le moment propice pour semer la mort et la zizanie”, dira, au milieu des décombres, un riverain dont la famille, qui coulait des jours paisibles, est devenue soudainement sinistrée. Dans une déclaration parvenue à la rédaction, le bureau régional de Tizi Ouzou du RND “dénonce avec la plus grande fermeté ce énième acte ignoble”. Le RND exprime son entière solidarité avec les victimes et “rend hommage à l'ensemble des corps de sécurité et à tous les Patriotes”.