L'avant-projet de loi organique relative à l'information, après plusieurs amendements apportés par l'Exécutif, sera endossé normalement demain par le Conseil des ministres. Les amendements attendus qui concernaient la dépénalisation des délits de presse ont été apportés car demandés expressément, selon des sources fiables, par le Président en personne qui aurait instruit le Premier ministre, en personne, après les tergiversations de certains membres de l'Exécutif. Il faut reconnaître que c'est une victoire pour la profession. Ce texte, qui compte 133 articles, diffère de celui encore en vigueur (106 articles), mais s'inspire de beaucoup de dispositions de celui de novembre 2002, projet mort-né. Le titre 7 de la loi de 1990 comporte pas moins de 23 articles répressifs avec des peines de prison allant jusqu'à 5 ans. Si, dans ce nouveau texte, la dépénalisation est consacrée, il reste quand même 13 articles relatifs aux infractions passibles d'amendes allant de 10 000 à 500 000 DA. Ces peines restent lourdes par rapport à la fragilité de la majorité des titres qui ne survivent que grâce aux quelques pages de publicité, difficilement arrachées. Pour certains, on sait à quel prix et à quelles compromissions. Il est à relever que deux dispositions de ces infractions (art. 117 et 118) préviennent la pratique devenue courante des prête-noms, en plus du retrait de l'agrément (art. 14) et celle de recevoir des fonds ou des avantages à titre personnel. Dans ce nouveau texte, si certains amendements vont dans le sens d'une certaine ouverture et, par-delà, d'une liberté d'exercice, d'autres, en revanche, restent flous, pour ne pas dire anachroniques. Nous relèverons quelques-uns, à titre d'illustration. QUAND LE FLOU SE VEUT UN REPÈRE Article 3 : L'information est une activité qui doit œuvrer dans le respect, entre autres, “des impératifs de la politique étrangère du pays”. Si ce texte était en vigueur, toute la presse serait en porte-à-faux avec ses écrits sur ce qui se passe, par exemple, en Libye. Pour être en harmonie avec cette disposition, il faudrait d'abord que le département des Affaires étrangères ou ceux qui gèrent la diplomatie le soient avec eux-mêmes. Article 26 : La publicité ne peut occuper plus d'un tiers de la surface globale. C'est une bonne chose, mais l'accès à la publicité est occulté avec le maintien du monopole de l'Anep. Une loi sur cet aspect est promise depuis des lustres. Il est à douter que le régime actuel lâche du lest ; la gestion de la publicité publique lui permet de maintenir sous perfusion certains titres qui peuvent lui être utiles en temps voulu et étouffer d'autres, trop indisciplinés, de leur point de vue. Article 61 : Dans la loi de 90, la mission de délivrance de la carte de presse était dévolue au Conseil supérieur de l'information. Dans le cas présent, il est question d'une commission qui sera créée par voie réglementaire. Sans plus de détails. Article 92 : “Toute personne physique ou morale algérienne a le droit de réponse sur tout article écrit ou audiovisuel portant atteinte aux valeurs nationales.” Cette disposition créera une grande confusion si elle est appliquée. Imaginer une centaine de personnes physiques ou morales qui déposent un droit de réponse sur un sujet précis (article, caricature), il faudrait toute la surface du journal pour satisfaire cette disposition. DES AVANCEES Article 5 : Cet article insiste à ce que l'exercice de la profession participe à la promotion des principes républicains. Article 13 : Le problème des agréments, véritable calvaire pour ceux qui veulent se lancer dans l'aventure, est levé puisqu'il revient à la nouvelle autorité de régulation de la presse écrite de délivrer le sésame dans un délai de 60 jours. Article 58 : Pour en finir avec les trabendistes de l'information qui exploitent honteusement des journalistes corvéables à merci, le législateur fixe à un tiers minimum le nombre de journalistes professionnels, détenteurs d'une carte nationale de presse. Comme il est stipulé ailleurs l'existence d'un contrat de travail, ce qui équivaut à une prise en charge du journaliste sur le plan de la Sécurité sociale. Article 77 : “Le Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie est mis en place au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi organique.” La disposition est on ne peut plus claire. C'est le seul article où le délai de la mise en place est nettement souligné. Il revient aux professionnels de la profession de s'organiser et de se prendre en charge avant que les pouvoirs publics ne s'en chargent. QUESTIONNEMENTS La première interrogation porte sur l'appellation de loi organique alors que ce texte prend en charge l'organisation de la presse écrite surtout et qu'elle n'effleure que par 9 articles l'activité audiovisuelle, renvoyée aux calendes grecques. Les pouvoirs publics ont lâché du lest sur la presse écrite pour mieux s'approprier l'audiovisuel dont l'ouverture du champ n'est pas annoncé dans le temps. Le titre IV consacré aux médias électroniques se contente de définir ce nouveau support sans aller dans le détail, renvoyant sa mise en œuvre à une voie réglementaire. De même pour la publicité et les mécanismes de répartition renvoyés à une loi à venir. Mais quand ? Les sondages ne sont pas en reste ? Il faut attendre. En conclusion, on attendait plus d'une loi organique censée définir les grandes lignes et les missions de l'information vue dans son ensemble. D'autres textes réglementaires (lois, décrets) faisant le reste pour entrer dans les détails de chaque segment de l'information. On a le sentiment que le pouvoir a peu lâché. Il garde les armes lourdes pour lui. Il fallait un texte dans l'urgence pour compléter la panoplie des réformes annoncées et, entre autres, la décision du Président de dépénaliser les délits de presse. L'objectif est atteint, mais il reste encore beaucoup de chemins à parcourir.