Pour nous expliquer qu'il est dommage de devoir se passer de Kadhafi, le nationalisme arabe est le fondement idéologique du sous-développement politique des pays qui se reconnaissent dans cette appartenance géoculturelle. Un processus séculaire de conditionnement mental a progressivement installé les peuples dans la conviction d'être d'abord une cible du monde judéo-chrétien, de sa partie occidentale notamment. L'arabité et l'Islam sont, de par ce discours, prioritairement caractérisés par leur condition de victimes. Toute question interne à un pays arabo-musulman est considérée comme accessoire dès lors que des éléments de menace extérieure sont établis. à chaque fois que l'oppression de nos despotes pousse une population à dépasser le carcan du nationalisme aliénant et à briser les entraves de la terreur et à, enfin, se soulever contre le tyran qui la tourmente, l'épouvantail de l'ennemi opportuniste est brandi pour charger la contestation du crime d'intelligence avec l'ennemi. Voyons comme Al-Assad et Kadhafi invoquent, à longueur de vociférations tantôt les “groupes terroristes”, tantôt le colonialisme résurgent ! Il suffit alors de ne pas écouter la revendication d'un peuple qui a décidé de s'émanciper de la tyrannie pour n'y voir que le spectre de la reconquête coloniale. Et alors, de l'intérieur même du peuple concerné aux confins de la “nation” arabe, se lèvent alors un concert de voix effarées par l'avènement annoncé d'une prochaine défaite ou d'une prochaine mainmise sur nos ressources. Mais, pour vrai que sont l'avidité hégémonique du capitalisme et le réflexe prédateur exacerbé par la décadence économique de puissances occidentales, pour vrai que l'Otan ait outrepassé le mandat puisé dans la résolution 1973, fallait-il abandonner le peuple libyen, voire même une partie du peuple libyen à la vindicte qui, dès le premier jour de manifestation, a commencé par mitrailler ses contestataires et fini par les bombarder ? Faut-il se féliciter alors que le peuple syrien ne bénéficie d'aucun secours extérieur, pendant que “vendredi de la mort” après “vendredi de la mort”, le carnage se poursuit tranquillement et monstrueusement. Que les tenants du protectionnisme souverainistes osent franchement se délecter de l'inviolabilité de la souveraineté syrienne même si elle couvre le massacre quotidien de Syriens. Il faut donc bien admettre que les peuples “arabes”, qui veulent se libérer, ne peuvent compter sur la solidarité agissante d'autres peuples “arabes”. L'arabité n'existe que comme idéologie. Celle-ci, grâce à l'instinct grégaire qu'elle distille dans la mentalité des peuples, assure au régime le soutien de ses propres victimes. Quelle hypocrisie que de se faire jaloux de l'intégrité de la Syrie et aveugle à la souffrance de ce peuple syrien qu'on réprime, qu'on emprisonne, qu'on torture et qu'on exécute ! Ne venons surtout pas, lorsque les Syriens auront payé, seuls, le prix de leur émancipation, pérorer sur le “respect du choix” du peuple syrien. M. H. [email protected]