Dans la réforme en gestation, il est question d'appliquer le principe de “discrimination positive” à l'égard des femmes. Mais que peut faire un quota de députées au pays du code de la famille, au pays où la fille ne peut traverser la rue sans être accablée d'injures et de menaces, au pays où l'on sépare le guichet femmes du guichet hommes, au pays où l'on prévoit les salles “pour famille” ? C'est vrai qu'il y a quelque justice dans le fait qu'enfin les hommes ne soient plus seuls, ou presque, à profiter du système rentier qui arrose ses hauts fonctionnaires d'appointements sans cesse majorés et ses élus de privilèges sans cesse démultipliés. Mais, du point de vue démocratique, en quoi le quota de femmes pourrait corriger l'arbitraire et l'injustice du système ? Y compris à l'endroit de la femme ? Dans le quota global de l'alliance, par exemple, il y aura 70% d'hommes et 30% de femmes qui portent “les idées” de Belkhadem, Ouyahia et Soltani. Alors, qu'est-ce qui compte ? Le quota de femmes ou le quota de leur parti ? Ne sont-elles qu'un quota de plus parmi les quotas de partis, de régions, de générations, qui structurent le système ? Toutes les grandes dérives ont eu leurs apôtres et leurs serviteurs féminins, la tyrannie du régime comme le terrorisme de l'opposition islamiste. Tout est dans le système. Pas dans les hommes… ni dans les femmes. Ni dans la proportion des deux. Le régime a déjà fait semblant d'introduire la diversité des sexes dans le gouvernement, à la tête de la wilaya et du rectorat d'université… Avec le temps, l'opération a du mal à cacher, ici, sa finalité ornementale et là son inspiration régionaliste. En l'état actuel de la culture de pouvoir, ce n'est par l'univers politique que passera l'œuvre de promotion de la femme algérienne — ni de l'homme d'ailleurs — et le peuple féminin le sait. Ce monde est réglé par la logique de la solidarité personnelle ou de clan non par la logique de projet. L'un des rares lieux d'évolution féminine fut le milieu professionnel, à l'époque où les diplômes ne se distribuaient pas pour justifier la réussite “des réformes” mais celle des étudiants. L'administration et les services publics ont été livrés à l'intégrisme intolérant et au clientélisme intriguant : la promotion se fonde sur la bigoterie et l'allégeance clanique. Pour l'heure, il préférable de se réjouir du progrès dans le nombre de filles reçues au baccalauréat et aux examens universitaires. Peut-être parce que, malgré sa médiocrité scientifique, c'est le seul espace où la mixité est encore tolérée, les filles s'y investissent entièrement. Ailleurs, la femme, vouée à n'être qu'un “objet” intime, devient “le diable” qui, par sa simple présence, vient déranger l'harmonie d'une masse exclusivement masculine. Cette histoire de quota de femmes dans les assemblées rappelle la facilité avec laquelle elles prennent l'avion (mais celles qui peuvent) et la peine qu'elles ont à prendre le bus ou le taxi (celles qui ne peuvent pas). Jubiler pour un quota de femmes à l'Assemblée, pour un quota de femmes “choisies” alors que, faute d'avoir droit à une vie quotidienne sécurisée, les filles et les femmes n'ont pas encore droit à leur quota dans le restaurant, dans le café, dans les terrains de sport, dans les salles de spectacles, dans… l'espace public. M. H. [email protected]