La victime, âgée de 56 ans, revenait, en compagnie de ses deux cousines, d'une veillée funèbre vers 23 heures quand le militaire en faction, les prenant pour des terroristes, selon la version officielle, ouvre le feu. La plaie laissée ouverte par la bavure militaire d'Azazga qui a coûté, le 23 juin dernier, la vie à Dial Mustapha, ne s'est pas encore totalement refermée qu'une nouvelle bavure militaire est enregistrée, toujours dans la même daïra d'Azazga, précisément dans la commune de Fréha où une femme de 56 ans a été tuée et ses deux cousines ont échappé de justesse aux balles des militaires avant-hier dans la soirée. Hier matin encore, la population de Fréha, une localité située à environ 25 kilomètres à l'est de la ville de Tizi Ouzou et à moins de 10 kilomètres d'Azazga où a eu lieu la dernière bavure, était toujours sous le choc. “Ce qui s'est passé hier soir est un véritable cauchemar”, lâche, la gorge nouée, un jeune cousin de la victime. Cette dernière, Kaci Zahia, une mère de 14 enfants et grand-mère de plusieurs petits-enfants, était de retour d'une veillée funèbre dans le voisinage lorsque, arrivée en compagnie de deux de ses cousines, près de la caserne militaire de Fréha, vers 23h, des rafales d'arme automatique viennent la faucher. Les trois femmes empruntaient un chemin familial distant d'une centaine de mètres du campement des forces spéciales de l'ANP lorsqu'un militaire en faction tire plusieurs rafales dans leur direction. Zahia a été immédiatement criblée de balles alors que ses deux accompagnatrices ont échappé miraculeusement à une mort certaine. Hier encore, les deux rescapées qui ont vu crépiter des balles de Kalachnikov entre leurs pieds la veille étaient toujours traumatisées et n'en revenaient toujours pas du cauchemar qu'elles ont vécu la veille. Selon des sources sécuritaires, le militaire aura sommé les trois femmes de s'arrêter mais n'ayant pas compris l'arabe, les victimes ont continué d'avancer et du coup le militaire avait ouvert le feu. Une version qui n'a pas convaincu grand monde à Fréha surtout après les témoignages des deux rescapées qui ont démenti formellement avoir été sommées de s'arrêter. “Il est impossible d'admettre que des vieilles femmes soient confondues avec un groupe terroriste”, dit, convaincu, le jeune cousin de la victime avant de raconter ce tragique événement : “Lorsque j'ai entendu les longues rafales, j'ai cru à un accrochage entre les militaires et un groupe terroriste, mais il n'en était rien”, témoigne-t-elle. En sortant dans la rue, les riverains ne tardent pas à apprendre la terrifiante nouvelle. Telle une traînée de poudre, elle fait le tour du tout-Fréha. À 23h30, un rassemblement est déjà observé devant la caserne militaire. “Personne n'a vu la victime, son corps a été immédiatement acheminé par les militaires vers la morgue du CHU de Tizi Ouzou”, nous a-t-on raconté. Un cousin de la victime, qui a tenté d'arracher des explications aux responsables de la caserne, a été malmené et bousculé avant qu'il ne soit pourchassé, nous racontent des témoins oculaires. Les militaires ont vite fait de disperser la foule qui tenait le rassemblement devant l'entrée principale de ce campement sis à la sortie nord de la ville en allant vers Azeffoun. La foule, en colère, a ensuite pris la destination du commissariat de police d'où elle a été également contrainte de rebrousser chemin. Ce qui n'a pas manqué de rajouter de la tension dans l'air. Hier encore, en dépit de la visite effectuée par le chef de daïra d'Azazga au domicile de la victime, le climat était électrique à Fréha où les discussions se multipliaient autour des actions de protestation à mener après l'inhumation de la victime prévue pour hier l'après-midi. “Nous n'allons pas nous taire devant un drame pareil”, dit un riverain qui, comme tous les habitants de la région, semble excédé par ces bavures qui ont tellement tendance à se répéter qu'elles laissent la population s'interroger si elles sont réellement le fruit du hasard et de l'erreur. “Est-ce un fruit du hasard qu'à Azazga c'est la demeure d'un ancien officier de l'ALN, estimé de tous, qui a été ciblé, et à Fréha, c'est une femme issue d'une famille aussi grande que respectable qui en est victime”, s'interroge un des cousins de la victime. En tout cas, à Fréha, les commentaires vont bon train à tout coin de rue et l'hypothèse d'une main voulant mettre le feu en Kabylie revient sans cesse au cours de toutes ces discussions. Le wali de Tizi Ouzou, accompagné d'une forte délégation de responsables militaires et de l'administration, s'est rendu à Fréha pour assister aux funérailles. Après avoir présenté ses condoléances à la famille de la victime, le représentant de l'Etat a tenté de convaincre les habitants de la région en leur promettant des sanctions contre l'auteur de cette bavure. Ce qui semble être loin de calmer les esprits.