Ça se corse dans une Libye riche, très riche et très peu peuplée, où l'appétit pour le pouvoir et des postes à responsabilité est incommensurables. Sans compter celui de pays étrangers, notamment ceux qui ont fourni leurs hommes et matériel de guerre à l'OTAN. Paris et Londres n'ont pas fait de mystère pour revendiquer haut et fort leurs parts du gâteau. Le CNT peine à former son gouvernement. En raison de dissensions et de luttes internes pour le pouvoir. Reconnu par l'ONU, la Ligue arabe et l'UA, comme représentant du peuple libyen, le Conseil national de transition libyen avait promis la formation imminente d'un gouvernement de transition lorsqu'il avait annoncé à Paris, lors d'une rencontre internationale sur la Libye post-Kadhafi, qu'il souhaitait diriger le pays jusqu'à l'élection dans 8 mois d'une Assemblée constituante, avant des élections générales un an après. Mais la formation de ce gouvernement transitoire est affectée par la vieille habitude des régimes arabes des quotas. Ancien procureur puis ministre de la Justice de Kadhafi et un des premiers à faire défection pour rejoindre la rébellion, Abdeljalil, a admis que des divergences de points de vue entre les membres du CNT, qu'il dirige, et plus inquiétant même de son bureau exécutif. Il ne pouvait pas en être autrement avec un CNT dont on ne sait pas grand-chose. C'est une mosaïque de personnages inconnus du grand public, mis à part quelques têtes qui ont pris le train de la révolte en marche, à l'image de l'ex-ministre de la justice. Personne ne sait encore comment a été constitué le CNT, ni comment ont été coopté ses membres, sur quelle base et qu'est-ce qu'ils représentent au juste au sein des populations libyennes. C'est le noir absolu, comme d'ailleurs le comment du déclenchement de l'insurrection contre le régime de Kadhafi. On nous avait averti que le printemps arabe était imprévu mais tout de même ! C'est d'autant plus opaque que le peu d'informations qui filtrent de Bengazi et Tripoli révèle que le CNT est l'otage de gens qui sont de purs produits du système Kadhafi et qui sont en train de reproduire ce même système dans leurs tractations et leur gestion. Ça se corse dans une Libye riche, très riche et très peu peuplée, où l'appétit pour le pouvoir et des postes à responsabilité est incommensurable. Sans compter celui de pays étrangers, notamment ceux qui ont fourni leurs hommes et matériel de guerre à l'OTAN. Paris et Londres n'ont pas fait de mystère pour revendiquer haut et fort leurs parts du gâteau. Washington n'a pas besoin de gesticuler, l'OTAN étant son bras armé. Donc, c'est la grande curée au sein u CNT. Des voix tribales y plaident pour une représentation équilibrée pour le gouvernement, comme au temps de Kadhafi lorsque chaque tribu, ville et région avait sa part au gouvernement. D'autres acteurs veulent plutôt voir ce système des quotas disparaître pour fonder un jeu institutionnel moderne. Mais, les régions du sud de la Libye marginalisées depuis 40 ans par la dictature revendiquent une place. L'autre écueil à la formation du gouvernement de transition vient des courants religieux. Les islamistes libyens, force politique qui est montéecrescendo dès l'apparition des premières manifestations contre Kadhafi, ont fait preuve e prudence, du moins à l'égard des opinions étrangères. Nul ne sait combien sont les ex-d'Al-Qaïda à avoir pris la tête de commandos contre l'armée de Kadhafi, mais ils sont nombreux et ont fait preuve d'efficacité. Tripoli ne serait pas tombé sans eux. Il faut dire que leurs chefs sont aguerris, ils avaient combattu en Afghanistan, en Irak et peut-être sur d'autres théâtres opérationnels d'Al-Qaïda. Pour autant, ils ne s'affichent pas et les courants islamistes au sein du CNT et qui gravitent autour, se présentent sous un visage modéré et se disent prêts à partager le pouvoir dans le cadre d'un Etat démocratique ! On aura compris que c'est pour ne pas affoler les Occidentaux et l'OTAN, présente en Libye pour encore officiellement trois mois. Cela n'empêche pas ces courants de croiser le verbe avec les quelques rares responsables du CNT favorables à un Etat ouvert, assez démocratique. Cheikh Ali Sallabi, un des leaders islamistes, a accusé Mahmoud Jibril, numéro deux du CNT et représentant du courant libéral de jeter les bases d'un état totalitaire ! Ce religieux, dit-on, à Bengazi, influent est financé par le Qatar. Il a tenu un rôle important dans la lutte armée contre Kadhafi. Le président du CNT, Mustapha Abdeljalil, qui normalement doit arbitrer les différents points de vue sur la Libye de la transition et apaiser les tensions entre islamistes, libéraux et démocrates dans l'air du printemps arabe, a pris parti pour un Etat à coloration islamiste. Il a annoncé à Tripoli que la Libye post-Kadhafi s'inspirera de la charia ! À l'étranger, que ce soit à Paris ou New York, il a parlé d'une Libye démocratique… Un double langage significatif.