En deux décennies, depuis sa création, la Tripartite s'est réunie déjà quatorze fois. Ce qui fait en moyenne une réunion tous les seize mois. Mieux encore la cadence s'accélère puisque la prochaine tripartite se tiendra le 29 septembre 2011 soit moins de six mois avant la précédente. Mais pour autant peut-on affirmer que ce mécanisme rodé de concertation socio professionnelle a été efficace dans le traitement des problèmes du monde du travail et de ceux de l'entreprise ? Il ne s'agit pas dans mon propos de faire un bilan mais d'examiner l'évolution de la représentation des partenaires au sein de la Tripartite sachant que l'inclusivité de la représentation syndicale et patronale est, à mon sens, le facteur clé de réussite. Au delà du niveau d'application des mesures arrêtées, la réussite sera en définitive mesurable dans l'évolution du niveau de satisfaction et de productivité des salariés et dans celle de la rentabilité et de la croissance des entreprises. C'est cela qu'il ne faudra pas perdre de vue. De ce point de vue là beaucoup de choses restent à faire. Prenons par exemple l'état de mise en œuvre des conventions de branches. La 14ième Tripartite avait chargé un groupe de travail de présenter à la Tripartite, qui se réunira demain jeudi 29 septembre, un bilan sur l'état d'avancement des conventions de branches. Nous savons déjà que ce bilan est plus que mitigé. La raison est connue ; c'est la faiblesse de la représentation syndicale, essentiellement celle de l'UGTA, dans les secteurs privés et étrangers. Ainsi le taux de syndicalisation est évalué, par certaines sources crédibles, seulement à 3% dans le secteur privé. Ce déficit de représentativité devient récurrent risquant même de devenir structurel. A tel enseigne que le ministère du travail envisage, à la faveur de l'élaboration du nouveau code du travail, d'introduire une clause rendant obligatoire l'application des conventions de branches par les entreprises non signataires du fait de l'inexistence ou de l'absence de la représentation syndicale. Deuxième élément de problématique en matière d'inclusivité de la représentation : le format de la tripartite qui n'a pas évolué depuis sa création alors que l'environnement économique et social a connu de profondes mutations. La caractéristique fondamentale du format de la Tripartite n'a ainsi pas varié depuis vingt ans : unicité de la représentation syndicale assurée par l'UGTA et éclatement de la représentation patronale qui s'exprime par six voix si l'on ajoute le Forum des chefs d'entreprises (FCE) qui est revenu à la table des discussions. Les mutations politiques, économiques et sociales passées, actuelles et à venir auraient dû infléchir l'évolution de ce format : élargissement de la représentation syndicale aux syndicats autonomes les plus importants et unification de la représentation patronale autour d'une coordination qui ne parle que d'une seule voix. Enfin on pourrait compléter ce nouveau format en y incluant des représentations ponctuelles, variables en fonction des ordres du jour adoptés. Par exemple on inviterait les associations mutualistes lorsque l'on aborde la question des mutuelles (comme cela va être le cas pour la prochaine Tripartite) ou l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) lorsque l'on traitera des questions de distribution et de marché informel. Assurément une telle adaptation à l'évolution du monde du travail et de l'entreprise contribuera à diminuer le nombre et l'intensité des conflits socio professionnels. Du point de vue du respect des engagements par les parties j'ai relevé la déclaration de la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA) sur « le retard (pris par les pouvoirs publics) sur le rééchelonnement de la dette (des entreprises en difficulté) ». Partant des engagements pris par les pouvoirs publics sur cette question (communiqué commun rendu public à l'issue de la de 14ième Tripartite du 28 mai 2011), la situation me parait plus nuancée. Ainsi il y est dit que « le gouvernement encourage les banques à rééchelonner les créances en difficulté, avec un différé de trois ans durant lesquelles le Trésor public prendra en charge les intérêts ». Il faut rappeler qu'en économie de marché l'Etat ne peut pas faire d'injonction aux banques publiques ou privées qui sont des entreprises régies par le code de commerce et les règles prudentielles. L'accord sur le différé de la dette devra être trouvé avec la banque concernée à la diligence des entreprises défaillantes, me semble-t-il,le Trésor public prenant en charge pendant trois ans les intérêts en découlant. Ceci dit, il restera néanmoins sur la table des vrais sujets qui fâchent. Par exemple le souhait du gouvernement de voir prendre en charge le paiement des allocations familiales par les entreprises qui se heurte aux résistances du patronat public et privé et la « redéfinition de l'article 87 bis » de la loi 90-11 d'avril 1990 sur les relations de travail proposé de façon récurrente par l'UGTA et qu'ont toujours réussi à faire reporter les employeurs et les pouvoirs publics. Mais à quoi servirait une Tripartite si on était d'accord sur tout. Je conclurai sur un point de l'ordre du jour de la prochaine Tripartite proposé par l'UGTA qui me parait essentiel : la relance de la production nationale en passant en revue les branches industrielles. A ne pas en douter le consensus entre les partenaires sociaux se fera aisément sur cette question. Ils demanderont sans doute de lever quelques incohérences. Comme par exemple celle relative à l'autorisation d'importation de la friperie votée au Parlement alors que le gouvernement avait affiché sa volonté de relancer le secteur du textile. La Tripartite c'est fait aussi pour cela.