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Les opérateurs en ordre dispersé
Licence 3G
Publié dans Liberté le 28 - 09 - 2011

Au vu des conditions de qualification pour l'octroi des licences 3G et les dates butoirs fixées par les pouvoirs publics, les opérateurs présents sur le marché ne partent pas avec les mêmes chances.
Dans la foulée de l'euphorie qui a accompagné la décision de lancer la troisième génération de téléphonie mobile (3G), il s'agit aujourd'hui de savoir si les conditions définies pour la qualification des opérateurs en vue de l'obtention de licences 3G ainsi que les délais fixés par l'ARPT dans son appel à la concurrence pour le lancement commercial des services 3G, ce qui inclut l'achat des équipements, leur importation, leur installation et les essais nécessaires, sont raisonnablement réalisables du point de vue technique, afin d'éviter de proposer aux consommateurs, au final, un service de piètre qualité à un coût élevé. Alors que l'Algérie accuse un retard flagrant en termes de technologie de pointe dans la téléphonie mobile, il est normal que le ministère des Télécom-munications et l'ARPT veuillent moderniser l'infrastructure des télécommunications et donner aux citoyens la possibilité de faire bon usage des nouveaux services mobiles en introduisant la technologie 3G, qui a été retardée pour plusieurs années.
Des interrogations
légitimes
Cependant, il est légitime de se demander pourquoi les pouvoirs publics ont décidé subitement de fixer des conditions inhabituelles de qualification pour l'octroi des licences 3G, ainsi que des dates butoirs défavorables aux opérateurs présents sur le marché, ce qui pourrait très bien avoir un impact négatif sur le secteur des télécommunications mobiles en Algérie. Des questions que
des experts se posent en
mettant sur un pied d'égalité les trois opérateurs, à savoir
l'historique Mobilis, Djezzy et Nedjma, dans cette nouvelle course vers la 3G.
Mais, dans la réalité vue par les experts, les choses sont perçues autrement. Les trois opérateurs ne partent pas avec les mêmes chances. Pourquoi ?
Commençons par Mobilis, qui avait déjà fait les frais d'une politique d'étouffement en 2001 pour permettre à OTA de s'installer facilement dans le cadre d'une stratégie d'ouverture de l'état vers le capital étranger hors hydrocarbures.
Mobilis, encore victime ?
L'opérateur historique continue de traîner ce handicap, qui se répercute aussi bien sur la qualité du service que sur les offres, sans compter le fait qu'il ne détient pas les pleins pouvoirs pour mener une véritable offensive commerciale à l'adresse des consommateurs.
En second lieu, nous avons OTA, qui reste le premier opérateur avec plus de 16 millions d'abonnés, mais que les répercussions de la crise diplomatique algéro-égyptienne de 2009 pénalisent toujours. En effet, Djezzy est interdit de domiciliation bancaire depuis deux ans déjà, il est interdit de tout transfert de devises à l'étranger, et donc d'importation de tout matériel. Sans compter le processus lancé par l'état pour son rachat.
Nedjma,
prêt depuis 4 ans
En troisième lieu, Nedjma, qui grimpe en termes d'acquisition de parts de marché et qui semble, lui, prêt pour le lancement de la 3G. Le patron de Wataniya Télécoms Algérie, Joseph Ged, avait affirmé, en août dernier, que Nedjma était prêt depuis quatre ans pour le lancement de la licence 3G, expliquant que cette technologie va contribuer au développement du marché des télécoms en Algérie. “Nedjma est prêt à investir massivement pour développer un réseau ultramoderne de téléphonie mobile de troisième génération”, avait-il assuré. Dans cette configuration, il y a un invité surprise : un 4e opérateur serait dans la course !
Des experts mettent le doigt sur plusieurs anomalies entourant le processus de l'ARPT pour la mise sur le marché de la 3G. “Le délai de l'ARPT pour répondre au cahier des charges est de deux semaines, ce qui n'est arrivé dans aucun pays de par le monde, car la réponse à un cahier des charges similaire requiert au moins deux mois. De plus, on a fixé la date de lancement commercial pour le 1er trimestre 2012, ce qui veut dire qu'un opérateur pourrait lancer son service commercial dès le 1er janvier 2012, ce qui donne aux opérateurs un délai de trois mois pour lancer la 3G, alors que Mobilis a besoin de quatre mois rien que pour effectuer les procédures d'achat du matériel, puisqu'il doit obéir au code des marchés publics, sans mentionner le temps nécessaire aux autres activités préalables au lancement commercial, ce qui le désavantage a priori”, affirme un expert qui énumère un certain nombre de difficultés qui pourraient définitivement enterrer l'opérateur historique, même s'il considère qu'il “pourrait bénéficier de mesures exceptionnelles pour faciliter l'acquisition du matériel”. Sur un autre plan beaucoup plus technique, à savoir l'expérience même de la 3G dont les deux autres opérateurs maîtrisent déjà la technologie, les mêmes experts soulignent : “En plus de la lourdeur de la procédure bureaucratique liée à l'application du code des marchés publics, Mobilis ne possède aucune expérience dans la 3G, alors que les sociétés mères des deux autres opérateurs, Djezzy et Nedjma, ont déjà mis en service cette technologie dans d'autres pays où ils sont installés.” Et d'ajouter : “L'acquisition du savoir-faire demandera beaucoup de temps, ce qui signifie que le service qu'offrira Mobilis pourrait déplaire aux consommateurs, qui ne tarderaient pas à migrer vers d'autres réseaux concurrents.”
Si l'on se base sur les conditions de qualification énoncées dans l'appel à la concurrence, Mobilis pourrait même être privé de l'octroi de licence 3G en raison de son manque d'expérience dans la technologie et les services 3G, et son incapacité à respecter l'échéance de la fin mars 2012. Par ailleurs, Orascom Télécom Algérie, que l'homme d'affaires égyptien, Naguib Sawiris, a vendu au groupe Vimpelcom basé en Hollande, serait sur le point d'être racheté par le gouvernement algérien. Sauf que la procédure entamée depuis un an déjà n'est pas encore achevée.
Les 3 obstacles d'OTA
“Si le gouvernement algérien a réellement l'intention de racheter Djezzy, il doit le faire maintenant, car si Djezzy reste dans l'impossibilité d'importer des équipements et privé de lancer les services 3G, le gouvernement finirait par acheter un cadavre en 2012”, estiment d'autres experts qui expliquent qu'OTA fait face actuellement à trois problèmes majeurs qui le bloquent sérieusement dans le processus de la 3G, au-delà de la question des délais qui, elle, est à même de pénaliser tout le monde.
“Il y a d'abord le facteur temps. Même si OTA était une entreprise privée qui pouvait importer normalement, l'installation des équipements d'ici à janvier ou février 2012 est quasiment impossible. Il y a ensuite l'interdiction d'importation. S'il y a effectivement des sociétés locales qui peuvent importer une partie du matériel, il n'en reste pas moins que l'essentiel des équipements nécessaires au lancement commercial des services 3G ne peut être importé que par l'opérateur qui détient les licences d'importation nécessaires à l'acquisition de ce genre d'équipements. Il y a enfin le fait que l'un des documents exigés par l'ARPT au préalable comme condition pour octroyer la licence 3G est une attestation de la Banque d'Algérie validant la situation d'OTA. Ce qui est évidemment improbable compte tenu du fait que la Banque d'Algérie lui bloque toujours tout transfert de fonds en devises, bien qu'il se soit acquitté du montant du redressement fiscal chiffré à 1 milliard de dollars”, disent-ils. Nous avons contacté Djezzy qui s'est refusé à tout commentaire.
Dans l'état actuel des choses, et si la situation venait à persister, avertissent les experts, le lancement de la 3G dans ces conditions pourrait aboutir aux antipodes de son objectif initial, à savoir offrir aux abonnés un service de qualité à des tarifs raisonnables. En effet, deux opérateurs, qui détiennent à eux seuls plus de 22 millions d'abonnés, risquent de trinquer, l'un à cause de la bureaucratie et l'autre à cause de calculs politiques.


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