Pourquoi ces “révoltes” ? Doit-on les qualifier de “révolutions” ou de “révoltes” ? Pourquoi les soulèvements sont intervenus après le projet américain ? La communication arabe aura-t-elle sa révolution ? L'Algérie fait-elle exception ? Comment peut-on interpréter l'intervention étrangère ? Les laïcs dans les pays arabes sont-ils prêts à s'ouvrir aux islamistes ? Ce sont là quelques questions, parmi tant d'autres, soulevées par l'assistance lors de l'ouverture du colloque “Le monde arabe en ébullition, révoltes ou révolutions ?” ouvert hier à la Bibliothèque d'El-Hamma à Alger. Dans son discours d'ouverture, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, initiatrice du colloque, a elle aussi soulevé quelques questionnements sur le “Printemps arabe”, un vocable consacré dans les médias occidentaux, mais que certains contestent lorsqu'enfin d'autres, comme Lakhdar Brahimi, ironisent qu'“il a commencé en hiver, traversé l'été et maintenant l'automne”. “Ce qui se passe dans le monde arabe n'est pas définitivement accompli, il est encore en mouvement”, relève Mme Toumi. “Ce qui se passe dans le monde arabe est gorgé de promesses mais aussi de vents mauvais qui font craindre à certains, à tort je l'espère, que la sinistre politique de la canonnière n'est pas définitivement enterrée”. Selon elle, le surdimensionnement du mouvement cache quelques visées. Le monde arabe bouge. C'est une évidence, et c'est tant mieux. Dans une allusion à la situation en Libye, Mme Toumi a souhaité que “le printemps des peuples soit vraiment celui des peuples et non celui d'une horde d'affairistes qui remplissent actuellement leurs bons de commande pour venir reconstruire ce que leurs armadas ont détruit”. De son côté, le diplomate globe-trotter, M. Lakhdar Brahimi, qui fut le plus sollicité, a restitué les enjeux inhérents à la situation du monde arabe aujourd'hui. Il a épinglé les régimes arabes, à l'origine principalement, à ses yeux, des soulèvements populaires enregistrés. “C'est la perte de confiance entre gouvernants et gouvernés qui a amené les peuples arabes à se soulever (…). En entendant un président parler de rats et menacer de mener des perquisitions dans chaque maison, chaque rue… vous vous attendiez à quoi ?” a-t-il ironisé avant de lâcher : “Le comportement des gouvernants arabes est la cause de tout ce qui s'est passé. C'est la cause de la faillite des régimes arabes.” Comme pour appuyer ses affirmations, il rappelle qu'il se trouve même des citoyens dans les pays arabes qui ont applaudi l'intervention étrangère, tant le rejet des régimes est si fort. “Le drame des régimes est cette réalité de pouvoir trouver des citoyens qui applaudissent l'intervention étrangère. Je suis parti en Irak après la chute de Saddam croyant que j'allais rencontrer des Irakiens révoltés après ce qui s'est passé, mais j'ai rencontré des Irakiens qui applaudissaient l'intervention américaine sur leur sol, la considérant moins pénible que de continuer de vivre sous l'emprise du régime en place à cette époque. Encore une fois, la cause c'est le comportement de nos gouvernants.” Pour M. Brahimi, les pays arabes sont appelés désormais à se pencher “sur l'éducation et la science” et travailler “avec le printemps”. Enfin, il a considéré que “l'Otan est un problème”, non sans observer qu'il était du devoir des pays arabes et notamment les pays voisins de la Libye, comme l'Algérie, l'égypte et la Tunisie, de tout déployer pour aider le peuple libyen. Pour sa part, Fawaz Traboulsi, professeur de sciences politiques de l'université de Beyrouth, a estimé que “c'est le chômage, la perte de la légitimité des régimes et la perte de l'espoir en l'avenir pour les jeunes arabes qui sont les facteurs déclenchant des soulèvements”.