Plus de 7 millions de Camerounais sont attendus aux urnes demain pour choisir leur nouveau dirigeant parmi 23 candidats ! Un record, mais pas d'illusions : Paul Biya, le président sortant, devrait rempiler sans coup férir. Démocratie à l'africaine. Pour donner un peu de sel à sa réélection, le président camerounais au pouvoir depuis 1982, Biya est le deuxième président du Cameroun depuis son indépendance en 1960, il avait hérité du pouvoir d'Ahmadou Ahidjo, a offert à ses concitoyens plus qu'irrités par sa politique, une opération coup-de-poing anti-corruption dénommée par la presse locale opération “Epervier”, dans laquelle une centaine de personnes ont été écrouées à la prison de Kondengui à Yaoundé, la capitale. Parmi elles huit anciens ministres, le neuvième est mort en détention, et d'anciens patrons d'entreprises publiques, tous incarcérés dans un quartier aménagé pour accueillir ce beau monde inculpé pour détournement de fonds publics. Pour résumer le règne de Biya, ses détracteurs soulignent qu'avec lui, tout peut se vendre et s'acheter, y compris la nationalité. Même s'il a face à lui son opposant historique John Fru Ndi et même si la contestation a gagné tout le pays pour exiger son départ et que son bilan à la tête du pays est jugé chaotique. Le quart de sa population est pauvre, vivant avec moins de 1 dollar par jour. Un tiers des 20 millions d'habitants n'a pas accès à l'eau potable et à l'électricité). Le Cameroun dispose pourtant d'énormes potentialités. Avec ce bilan catastrophique, Paul Biya est quasi certain de repasser ! C'est qu'il a pris ses dispositions, comme l'écrasante majorité de ses pairs africains : en 2008, il a fait modifier la Constitution pour supprimer la clause limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Sans cela, il n'aurait pas été candidat en 2011. Peu avant cette modification, la police et l'armée avaient réprimé une révolte de jeunes qui y étaient farouchement opposés, tuant 40 personnes, d'après les autorités, au moins 139, selon des ONG. La clef de sa réussite, bien sûr sa mainmise sur tous les rouages du pouvoir, notamment les services de répression mais aussi et surtout son mode de gouvernance. Paul Biya donne l'impression d'être effacé, de ne pas s'intéresser à son pays : il se déplace peu au Cameroun, ses rencontres officielles avec ses ministres sont rares. Il a présidé son dernier Conseil des ministres en juillet 2009. Depuis le début de l'année, il a passé pas moins de 120 jours à l'étranger, notamment en Suisse où il part souvent en villégiature ! Mais il garde le contrôle du pays avec un régime autoritaire. Comme beaucoup de ses pairs, il excelle dans l'art “de gérer l'immobilisme”, selon un ouvrage Au Cameroun de Paul Biya, d'une journaliste française ayant travaillé dans le pays. Dans ce livre, la journaliste a analysé les ressorts de l'exceptionnelle longévité au pouvoir du chef de l'Etat camerounais, évoquant notamment une corruption record, la manipulation des identités ethniques, l'entretien des divisions au sein de l'élite dirigeante et bien sûr le soutien de la France. Le Cameroun est une pièce maîtresse du puzzle de la Françafrique. En Afrique, ce mode de gouvernance est une règle. Les chefs d'Etat à la Biya tiennent depuis longtemps parce qu'ils s'érigent dès leur première prise de pouvoir des positions quasiment impériales, s'attribuant des pouvoirs quasi absolus, faisant et défaisant les carrières, éliminant tous ceux qui lorgnent leur fauteuil et dispensant promesse sur promesse à leur population. L'armée avait commencé à ruer dans les brancards, Biya y a effectué une vaste opération chirurgicale : plus de 600 militaires et gendarmes ont été radié entre 2009 et 2011. Le dossier est chaud mais il n'a pas éclaté. Et puis, à l'exception des marches de soutien à Biya, toute tentative de mobilisation de l'opposition ou de la société civile a été systématiquement contrée par la police. Les manifestations à caractère vindicatif sont interdites, avait décrété le président. Pour le 9 octobre, Paul Biya a fait de nouvelles promesses d'aide à la paysannerie et des augmentations de salaires aux syndicats des travailleurs, balayant d'une main le scandale de l'escroquerie d'environ 6 millions d'euros perpétrée par le Programme international d'encadrement et d'appui aux acteurs de développement (PID), qui s'était présentée comme une structure de lutte contre la pauvreté. Le PID a fait environ 12 000 victimes, en majorité des acteurs du secteur informel, promettant des prêts contre des versements de 10% de la somme sollicitée, elles sont invitées à prendre leur mal en patience jusqu'après la présidentielle… Cinq de leurs représentants ont été inculpés d'incitation à la révolte pour décourager les victimes de manifester. D. Bouatta andré 08-10-2011 13:21