La grève nationale de trois jours, entamée hier par les avocats, a connu un taux de suivi de l'ordre de 100% à travers le pays, apprend-on auprès de Me Bouamama, premier vice-président de l'Union nationale des barreaux algériens. Me Yahia Bouamama, également bâtonnier de Blida, affirme que “le barreau de Blida regroupe deux cours d'appel, 16 tribunaux. Même le tribunal militaire a été boycotté par les avocats aujourd'hui”. Me Benissad nous fait part, lui aussi, d'une adhésion totale au mot d'ordre de la grève dans la capitale. “Ce mouvement de grève a eu un écho favorable de la part des magistrats dans toutes les juridictions du ressort du barreau de Blida puisque toutes les affaires ont été renvoyées”, renchérit Me Bouamama. Cette initiative n'a pas concerné uniquement le boycott des audiences, mais a été élargie également à la remise et à la réception des documents au niveau du greffe. C'est donc une grève réussie pour les robes noires qui ont décidé de recourir à ce genre d'action, à la suite de leur dernière assemblée générale tenue à l'université de Béjaïa les 14 et 15 octobre. ils veulent à travers cette initiative exprimer leur ferme opposition contre le projet de loi portant profession d'avocat en cours d'examen par l'Assemblée nationale. L'Union nationale des barreaux algériens a maintenu ce mot d'ordre de grève, tout en poursuivant ses discussions avec le ministère de la justice. En effet, Me Bouamama, le deuxième vice-président, et le président de l'Union nationale des barreaux algériens ont rencontré dimanche dernier, à la demande de la chancellerie, le SG, le chef de cabinet et un conseiller au ministère de la justice qui ont promis de “ne pas y mettre d'objections sur les points essentiels que les avocats veulent changer”. Ces trois bâtonniers ont été mandatés majoritairement pour assister à cette rencontre, lors d'une réunion qui a regroupé les présidents du conseil de l'Ordre des avocats, à l'hôtel Hilton. Car, il faut noter que quelques-uns n'étaient pas d'accord pour un dialogue avec le ministère qui, selon eux, ne s'est manifesté après des mois de mutisme, qu'à la suite de l'annonce de la grève de trois jours. Toutefois, la plupart des bâtonniers ont décidé de maintenir la pression sur la chancellerie, à travers cette mobilisation, tout en ne fermant pas la porte du dialogue. Une commission constituée d'un représentant de chaque barreau au niveau national a été mise en place et entamera ses travaux vendredi à l'hôtel Mazafran afin de présenter à la commission juridique de l'APN les amendements réclamés par les robes noires qui demandent la modification d'une grande partie des articles proposés dans le projet de loi en question. Environ une vingtaine. Les avocats remettent en cause, notamment les articles 9, 24 et 124 qui font référence à d'éventuels incidents qui pourraient survenir durant l'audience et dont se rendrait coupable un avocat en plaidoirie devant le juge. Ces articles suggèrent la suspension de l'avocat, en attendant de le déférer devant le conseil de discipline. L'article 26, par exemple, accorde tout simplement une certaine autorité disciplinaire du parquet et du ministère de la justice sur les avocats. Les décisions et délibérations des assemblées et même le conseil de l'union et l'assemblée générale des barreaux — qui est l'instance souveraine — seront ainsi sous le contrôle du ministère de la justice qui peut donc soumettre à la censure les décisions et les délibérations du barreau et de l'Union des barreaux. Les articles incriminés dans ce projet de loi par les avocats sont problématiques parce qu'ils constituent une sorte d'emprise sur la liberté d'action de ces derniers. L'obligation est ainsi faite à l'avocat menacé de poursuites pénales, de ne pas se retirer d'une audience, même lorsque le déroulement du procès est biaisé. En attendant de régler ce problème, les avocats ont décidé de geler la désignation d'office, réclamant la création de la mutuelle des avocats et la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5%. Nissa Hammadi