Envoyer 10 000 cancéreux à l'étranger pour des cures de radiothérapie est irréalisable, selon le président de la Commission médicale nationale des transferts pour soins à l'étranger. Il n'en demeure pas moins que la CNAS accorde, annuellement, environ 200 prises en charge dans des structures européennes à des personnes souffrant d'une tumeur localisée, difficilement extirpable, pour un montant dépassant les 6 millions d'euros. Devant la détresse des cancéreux, condamnés à attendre des mois un rendez-vous pour des séances de radiothérapie, le Pr Bouzid, président de la Société algérienne d'oncologie médicale, lance comme un cri du cœur sur les ondes de la Chaine III, en appelant la tutelle à prendre, de manière transitoire, la décision d'envoyer ces malades vers l'étranger. Le Pr Bougherbal, président de la Commission médicale nationale de transferts pour soins à l'étranger juge irréalisable une telle opération, eu égard au nombre important des cancéreux qui y seraient potentiellement éligibles. “D'après le chiffre qu'on a avancé, il faut transférer 10 000 cancéreux pour radiothérapie. Quel pays accepte de prendre en charge autant de malades par an ? Quel consulat délivrera autant de visas ? Quel est le transporteur qui peut organiser 10 000 transferts en peu de temps ? Bien entendu, il faut faire quelque chose pour ces malades”, explique notre interlocuteur (lire interview). Catégorique, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière riposte et affirme que son département n'envisage nullement une telle mesure, car le pays a les moyens de traiter ses cancéreux. Il affirme que 1 000 malades sont traités dans un service de radiothérapie, chaque jour, à l'échelle nationale. Il précise que le Centre Pierre et Marie-Curie assure, à lui seul, la prise en charge de 80 cancéreux par jour en radiothérapie. Il devra augmenter son rythme une fois que les deux accélérateurs, nouvellement acquis, seront installés. Le discours officiel, triomphaliste, est loin de la réalité. Effectivement, des milliers d'Algériens n'ont pas accès aux soins par chimiothérapie ou radiothérapie par manque de places dans les services y afférents. La pression est si forte sur le CPMC et l'hôpital militaire d'Aïn Naâdja, que les rendez-vous s'étalent sur six mois et davantage. On recourt alors au service de radiothérapie du CHU Franz-Fanon de Blida, où les dossiers des nouveaux malades sont pris en charge dans des délais relativement plus courts. Les témoignages de femmes traitées pour un cancer du sein en attestent. Nous les avons rencontrées dans le centre d'accueil de l'association Nassima. Dans un F4, construit au deuxième étage d'un des immeubles de la cité qui fait face à l'hôpital de Blida, où l'association offre le gîte et le couvert aux femmes qui viennent d'autres wilayas pour subir une cure de radiothérapie. Pour avoir la capacité d'accueillir une vingtaine de pensionnaires simultanément, des matelas sont posées à même le sol, les uns à côté des autres, en deux rangées. Sur une table basse trône un téléviseur câblé sur le satellite qui capte les chaînes arabes. Au moment de notre passage, six femmes, de retour de leurs séances de radiothérapie. L'une d'elles, originaire de Béjaïa garde tout le temps la nostalgie de ses enfants qu'elle n'a pas vus depuis plus de deux semaines. Son cancer du sein a été découvert fortuitement par son médecin qui la traite pour une hypertension artérielle. “Elle m'a demandé de faire une mammographie. Le radiologue s'est trompé en interprétant les clichés. Il m'a dit que je n'avais rien de grave. Mais mon médecin a insisté et m'a envoyée refaire l'examen, notamment quand elle a constaté que je souffrais d'un écoulement mammaire. Là, le verdict est tombé. J'ai enlevé la tumeur dans une structure privée à Béjaïa. Je me suis déplacée ensuite au CPMC pour obtenir un rendez-vous en chimiothérapie puis en radiothérapie. On m'a fixé une date très éloignée. J'ai déposé aussi une demande à Blida. Le rendez-vous était plus proche. J'ai commencé mes séances au début du mois d'octobre”, raconte la quadragénaire. Ses voisines de chambre égrènent des histoires similaires, un parcours identique. Au-delà du poids de la maladie, elles souffrent de devoir supporter les contraintes physiques et psychologiques de la cure en chimiothérapie et radiothérapie, seules, loin de la famille. “Si l'association Nassima n'avait pas mis à notre service cet espace d'hébergement, où serais-je allée ? Je n'ai aucune attache dans cette ville. Je n'ai pas les moyens de louer une chambre d'hôtel pendant un mois et demi”, rapporte une jeune femme originaire d'une wilaya de l'intérieur du pays. Dans le centre d'accueil, les pensionnaires sont logées et nourries. Elles sont réunies aussi face à une maladie qu'elles combattent quasiment à armes égales. S. H.