Joe Zawinul est un ancien compagnon de scène de Miles Davis et un des fondateurs de Weather Report, groupe-référence mondiale dans le jazz fusion. Le passage du jazzman et sa formation, The Joe Zawinul Syndicate, à Alger est l'un des plus grands évènements musicaux (sans exagération aucune) qu'a connus l'Algérie, depuis le concert de Jimmy Cliff dans les années 1980. Dans le sillage de sa tournée mondiale 2003, The Zawinul Syndicate a retenu deux dates à Alger : le 2 novembre à la salle Ibn-Zeydoun de Riadh El-Feth et le 3 au Mouggar. Cette halte algérienne, on la doit, entre autres, à Columbine Films, une jeune boîte de production implantée à Alger. The Zawinul Syndicate comprend six membres et un florilège ethnique : Linley Marthe de l'île Maurice à la basse, Manolo Badreva de Porto Rico aux percussions, Amit Chatterjee, guitariste indien, Stéphane Gallaud, batteur belge, Sabine Kabangs, chanteuse originaire du Zaïre et, bien sûr, le virtuose du clavier, Joe Zawinul, originaire d'Autriche. La salle Ibn-Zeydoun avait du mal à contenir la foule nombreuse venue assister au concert-événement, dimanche soir. Le “trip” musical s'est décliné en un savoureux voyage jazz, allant de l'électronique, conduit par Joe Zawinul (aux claviers), aux sons inspirés directement de la nature, aux inflexions propres à l'Afrique, l'Amérique du Sud ou l'Asie. Tour de scène vertigineux : le guitariste indien, Amit Chatterjee, plongera l'assistance dans la transe, dans une envolée électrique et vocale surtout, vraisemblablement inspirée ; ce chant-dialogue accompagne la danse kathak au nord de l'Inde. Look rasta, Linley Marthe à la basse enchaîne sur une vigoureuse improvisation, à la Stanley Jordan, relève un auditeur averti. Dans une ballade aux accents blues, Sabine Kabangs invoquera, de sa voix caverneuse, les Cieux : “God… please look down and see (Dieu… regardez vers-nous).” Pourtant, l'incantation n'épargnera pas le spectacle de la “fausse note” du soir. Cette fois, une panne de courant contraindra à l'interruption du spectacle pendant quelques minutes. Des incidents, Joe Zawinul en a connu des heureux durant son parcours. Ce sont d'“heureuses coïncidences” qui lui ont fait rencontrer le légendaire Miles Davis avec qui il se taille un bout de chemin et aussi l'inénarrable Wayne Shorter avec qui il fonde Weather Report en 1970. Les critiques l'ont souvent situé à l'avant-garde de la world music : “Bien avant que l'expression musique du monde ne soit employée, Joe Zawinul était un artiste multiculturel, accumulant les collaborations avec des musiciens de partout à travers le globe, musiciens qu'il nomme sa famille.” D. B.