Pathétique. C'est sans doute le seul qualificatif qu'il conviendrait de donner à la scène arabe au lendemain de la suspension de la Syrie de toute participation à “l'action arabe commune” (el aâmel al aârabi el mouchtarek). Après avoir voté une résolution contre le régime de Bachar al-Assad, “solidairement” et à une majorité écrasante, des membres de la Ligue arabe trouvent à redire et d'autres émettent des réserves, tous, ou presque, exprimant des craintes quant à une intervention étrangère en Syrie. De son côté, le dictateur de Damas défie la ligue de tenir un sommet extraordinaire et invite les pays de la région à envoyer chez lui leur presse, leurs observateurs et même leurs experts militaires pour se rendre compte sur place de sa bonne foi dans la mise en œuvre de la feuille de route édictée par la ligue. Tout cela après avoir fait quelque 3 500 cadavres et sans se sentir obligé d'arrêter le massacre. Notre ministre des Affaires étrangères et son homologue égyptien, qui a accouru dès hier à Alger, ne sont pas en reste. Tout en réaffirmant que la feuille de route arabe reste de mise et à même d'éviter à la Syrie une intervention étrangère imminente, ils admettent que le régime de Damas est responsable de la situation qui prévaut dans ce pays. Bachar al-Assad craint-il donc moins une intervention étrangère dans son propre pays que ses pairs arabes ? Ou voudrait-on l'en protéger malgré lui ? L'intervention étrangère n'est-elle pas brandie, ici, comme un épouvantail, encore un, pour stopper net un processus qui risque de constituer un précédent dangereux pour tous et pour chacun d'entre eux ? N'est-ce pas, en définitive, sur cette peur partagée que joue Al-Assad ? Le truculent Kadhafi ne disait pas que des inepties et même lorsqu'il en commettait, elles n'étaient pas toujours dénuées de pédagogie : “Votre tour viendra peut-être”, disait-il à ses homologues lors d'un sommet arabe après la mort de Saddam Hussein. Dans le cas de la Syrie, Al-Assad n'a pas besoin de le dire de manière aussi abrupte. Beaucoup croient dur comme fer que l'effet domino, engagé depuis la Tunisie, s'arrêtera en Syrie et que, à défaut, il ne s'arrêtera pas avant l'effondrement de la dernière dictature de la région. Maintenant que “le ver est dans le fruit”, chacun sait à quoi s'en tenir. Et, forcément, il en découle ce pathétisme général, fait de gesticulations, de contradictions, de reniements ou de silence, qui affecte les sphères dirigeantes dans le monde arabe. S. C.