Les travaux du premier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Forum des pays exportateurs de gaz débutent aujourd'hui à Doha. Cette rencontre intervient dans un contexte marqué par des divergences politiques qui pourraient influer sur les négociations. Autant que le pétrole, le gaz devient de plus en plus une matière première stratégique, notamment pour la Russie qui dispose des plus importantes réserves au monde. Le marché gazier fait face actuellement à de nouveaux paramètres, tels que l'arrivée du gaz non conventionnel, les progrès dans la liquéfaction, le développement rapide des sources d'énergie alternative et la concurrence entre les pays exportateurs, surtout la Russie et le Qatar, classé troisième producteur mondial avec un stock de 25 000 milliards de m3. Ce sont là les contraintes auxquelles est confrontée la Russie qui aspire à devenir un acteur majeur sur la scène internationale. Les revenus du gaz devraient permettre à la fois de renforcer l'économie de ce pays et son influence géopolitique sur l'ensemble de l'Europe et l'Asie. La rentabilité de ses gros projets d'investissement, évalués à plusieurs dizaines de milliards de dollars, risque d'être remise en cause si les autres pays producteurs approvisionnaient le marché avec un volume de gaz important. Et dans pareil cas, les prix subiraient une forte baisse. Les relations entre Moscou et Téhéran semblent aussi moins sereines qu'auparavant. L'Iran reproche à la Russie, en effet, le retard dans la livraison des systèmes antimissiles S-300 à l'armée iranienne, le rapprochement de Moscou avec Riyad et les menaces de sanctions russes au Conseil de sécurité de l'ONU. D'autres différends comme le fait que la Russie soit partenaire d'Israël dans la lutte contre le terrorisme pourraient motiver l'Iran à s'opposer à la Russie dans les recommandations qui sanctionneraient la réunion du forum. Or, ce type d'organisation servira beaucoup plus la Russie. Concurrence féroce entre la Russie, l'Iran et le Qatar Le FPEG lui donne ainsi l'opportunité de mieux organiser cette coopération. Cependant, ce travail de collaboration, voire ce partenariat entre pays exportateurs, nécessite un peu plus de temps pour être efficace, vu les intérêts stratégiques divergents de chaque pays membre. Il faut admettre que ce forum ne peut être comparé à l'Opep, car les relations politiques ont un impact direct sur la coopération. À cela, il y a lieu d'ajouter l'intervention de l'Union européenne et des Etats-Unis qui ne rateraient aucune occasion pour stopper la Russie dans son ambition de monopole sur le marché mondial. Une chose est certaine, toutefois, l'étude de la situation du marché international et ses perspectives et la coordination des efforts des producteurs en vue du développement de l'industrie gazière à l'échelle mondiale figurent parmi les principaux objectifs arrêtés pour ce sommet. Celui-ci vise en fait à donner de la visibilité au forum en tant qu'instrument capable de réguler le marché mondial du gaz aux fins de garantir l'approvisionnement en énergie et de contribuer à la protection de l'environnement. Le ministre de l'Energie du Qatar, Mohammed ben Saleh al-Sada, a affirmé que les pays producteurs aspirent à voir les prix du gaz liés à des matières premières de l'énergie, notamment le pétrole. Selon les organisateurs, le forum tente d'établir un mécanisme pour des prix équilibrés du gaz qui seraient indexés sur ceux du pétrole. Pour certains participants, un prix équitable est déterminé par l'offre et la demande, ce n'est pas à ce forum de fixer les tarifs. L'idée d'une telle réunion à laquelle prend part le président de la république, Abdelaziz Bouteflika, participation non annoncée préalablement du reste, a été évoquée lors de la 10e réunion ministérielle du forum, tenue au mois d'avril 2010 à Oran, en Algérie. Elle a été entérinée au terme de la 11e session ministérielle tenue le 2 décembre 2010 à Doha. Enjeu : un prix équitable Cette décision a été motivée par la volonté des Etats membres de consacrer un prix équitable du gaz naturel et à contribuer à assurer la stabilité du marché dans un contexte international marqué par des appréhensions relatives à la volatilité des cours et par la volonté des pays développés de contrôler les sources d'énergie et sécuriser les approvisionnements en gaz naturel. Déjà en 2008, à sa naissance, il y a eu désaccord sur le fondement principal de l'organisation. Le but n'est pas de fixer un quota de production. Certains membres ont soumis auparavant à l'appréciation du forum une proposition dont la substance s'articule autour de la révision du volume de production et de l'offre. Néanmoins, une réduction de l'offre gazière paraît, aux yeux d'observateurs, difficile à concrétiser, du fait que des pays membres, à l'image du Qatar, sont liés par d'importants contrats avec des pays consommateurs. Par ailleurs, une réunion préparatoire tenue dimanche dernier a accepté une demande d'adhésion du sultanat d'Oman. Ce qui porte à 12 le nombre de pays membres du FPEG qui contrôle désormais près de 70% des réserves mondiales de gaz, dont celles de la Russie, l'Iran, le Qatar, l'Algérie et le Venezuela. Tout porte à croire que les discussions au cours de ce premier sommet ne seront pas faciles et les divergences politiques du moment vont déteindre sur les négociations entre les membres quant aux diverses décisions communes à prendre… Repères l Le Forum des pays exportateurs de gaz est une organisation intergouvernementale qui regroupe les principaux pays exportateurs de gaz, à savoir l'Algérie, la Russie, l'Iran, le Qatar, la Guinée équatoriale, le Nigeria, le Trinidad et Tobago, la Libye, l'Egypte, la Bolivie et le Venezuela. D'autres pays en sont observateurs. Il s'agit de la Norvège, des Pays-Bas et du Kazakhstan. l Les pays membres du forum détiennent près de 70% des réserves de la planète et 42% de la production mondiale de gaz. l Le Conseil ministériel du forum a adopté, dimanche, une proposition algérienne concernant la création d'un institut de recherches en gaz naturel dont le siège sera basé à Alger.