RéSUMé : Le jeune orphelin, du nom de Karim, est heurté en voyant son père, de nature flegmatique, gifler son frère aîné. Ce dernier est tout de suite renvoyé au pensionnat. Karim ne peut rester à la maison quand son père travaille, il doit vivre dorénavant chez sa tante Farah, celle qu'il ne connaît guère, si ce n'est sur photo. Au seuil de la porte, celle-ci, émue, se jette dans les bras de son frère. Sous les yeux étonnés de Karim qui ne reconnaît plus son père… Il chavira à terre en sanglots devant mes yeux agressés, mon cœur serré. Je me sentais trahi par un homme qui ne cessait de me mentir afin de se convaincre lui-même. Sans rien dire, je me souvenais des mots de mon grand frère, abandonnés sur une lettre, que mon père déchira la semaine dernière, le jour où mon aîné retourna en pension, après cette fâcheuse dispute. Cette lettre pleine de rancœur et d'espoirs disait : “Plongeant dans ces eaux troubles, en te faisant confiance, je coule. Pleurant une enfance perdue. Rien ne peut me rendre mon dû. Essayant tant bien que mal de te rendre fier, de ce visage rude et dur, j'ai su obéir sans bruit pour le satisfaire. Comment ai-je pu être incrédule ? Croire qu'un homme qui aime peut être faible ! Par ta faute, je m'enferme dans ma bulle. Toi qui m'as appris la haine et n'as jamais su dire "je t'aime"…, tu veux me rendre plus fort pour surmonter la vie ? Mais, si c'est sans amour que je la vis, ne crois-tu pas que je la renie ? Me rendant compte de tes erreurs, maintenant que je te suis "égal" ! Décelant en toi cette peur qui te fige et te rend de glace. Le jour où j'ai vu "brisé" mon idéal, j'ai su qu'il n'était pas aussi impeccable. S'effondre devant mes yeux le parfait qui n'est plus. Brisant l'image de l'homme valeureux, pour me prendre au dépourvu. Révélant un enfant en larmes devant son fils, sans armes. Voyant une tendresse maintes fois cachée, dite "inexistante" du fait qu'elle n'a jamais pu être affichée. Nul honte à aimer ! Ne pas s'attarder ! Ne pas être effrayé ! Se lancer. Même tombé, on peut toujours se relever. Car si on sait sur qui s'appuyer, pourquoi reculer ? Et par une nuit de tragédie, j'ai découvert une faiblisse enfouie. Car il est enfin l'heure que tu reprennes enfin cette place… chère dans mon cœur… Car père, je t'aime quoi que tu fasses ! Khalil, ton autre fils…” Cette page dont je ramassais les morceaux et collais de travers, car ne comprenant pas le sens exact de ces phrases si incorrectes, aujourd'hui me semblent plus que convenables et cruellement vraies. Khalil, mon frère que je dédaignais, car il abusait de son libre arbitre pour révéler ce que je me terrais de divulguer. Mon aîné, qui s'élevait plus haut que ce que ses jambes malingres ne lui permettaient d'atteindre, le garçon des mots qui gênent, le juvénile aux grandes bêtises qui prend plaisir à rappeler des sottises… le vilain petit canard m'a donné une claque qui me réveilla de mon sommeil : “Mon père n'est plus parfait ! Comment un homme si fort, grand, cultivé, pouvait-il s'abaisser à genoux, pleurant comme un morveux ?” Je me gardais bien de parler, je me sentais trahi ! Trahi ! Trahi ! Pourquoi n'ai-je pu percevoir ce que mon frère voyait durant tout ce temps ? Etais-je si stupide ? Borné pour concevoir une telle hypothèse sur un homme aussi altruiste que l'est mon père : la possibilité que ses règles entachent sur la bienséance et que l'unique message de ses dogmes soit plus près à confondre qu'à instruire autrui ? Pourquoi je ne prêtais pas attention à Khalil, ce qu'il me racontait sortait d'une oreille aussitôt entré par l'autre. Pourtant, je savais que quelque chose était injuste, mais plutôt que d'accuser le despote, je préférais cracher sur le rebelle, le démentir, en le traitant méchamment de “jaloux”. Je crois avoir atteint le summum de crédulité, et ce sentiment de trahison poignardait mes doctrines. À cet âge… une simple erreur n'était jamais omise, et restait imprégnée dans ma mémoire et me convainquit que les “adultes” sont des menteurs, tout comme nous “les enfants”, ou bien pire ! Ma tante, les larmes de joie coulant toujours sur ses joues, demande à mon père de la suivre pour qu'elle lui présente ses filles qu'il n'a vu grandir. Surtout la toute petite nouvelle de la famille : Donya, qui aura prochainement deux ans, celle que mon père n'a, de sa vie, jamais vue ; et aussi parler au gentilhomme, mon oncle, qui se dressait derrière la porte, esquissant un sourire, tapotant sur l'épaule de mon père, l'air de dire : “Ne t'inquiète pas, je te pardonne.” Père restait anxieux en ayant croisé le regard de ce colosse d'un mètre quatre-vingt-quinze, mais cette crainte du rejet s'envola quand mon oncle Wahid le guide à travers les petits coins de la maison, accompagné de ma tante, pour lui indiquer les lieux où je demeurerai en sûreté dorénavant. Au seuil de la porte, on m'a encore oublié. Je m'en moquais, et j'essayais de m'en convaincre en essuyant les larmes traîtresses, elles aussi, à ne vouloir résister à l'appel du chagrin. Soudain, j'entends un bruit provenant d'une chambre juste à ma droite. Une voix m'appelle, celle d'un bébé qui pleure. Je ne sais pas ce qui me poussait à entrer dans cette pièce, mais dans ma petite tête j'entendais cet immaculé de Dieu d'à peine trois pommes prononcer mon nom, non distinctement certes, cependant avec ses mots, cette petite merveille me souhaitait la bienvenue. De ce berceau rose fleuri j'entendais balbutier ma cousine : “krr… krr… krrrm… kerk… krrm…”. Nul doute, Donya essayait de prononcer mon prénom (Karim) en mastiquant sa tétine ! Je me pose à la hauteur du berceau, mais je ne pouvais la prendre dans mes bras. Je pris un tabouret qui se trouvait à côté, je me suis mis debout sur ce dernier, et avec béatitude, j'admirais ce petit bout de chou, qui me tendait les bras et qui savait déjà comment je me nommais, sans que je n'aie à me présenter. (À suivre) H. B.