Hier matin, et sous une pluie battante, des centaines de citoyens ont laissé éclater leur colère aux quartiers dits Kouchet el-Djir, Ras El-Aïn, bloquant la route menant au port, dressant des barricades et caillassant tous les véhicules qui s'aventuraient sur cette voie. Ce mécontentement fait suite aux inondations provoquées par les fortes précipitations qui se sont produites ces dernières 48 heures, occasionnant des dégâts importants. Des bâtisses effondrées, des glissements de terrain et des eaux de pluie envahissant les habitations et provoquant la panique chez leurs occupants. Une petite fille, emportée par un torrent de pluie et de boue, à Kouchet el-Djir, a été sauvée in extremis par des citoyens. Mais c'est surtout en réaction à l'inaction des responsables locaux que les jeunes sont sortis dans la rue constatant, comme à chaque hiver, qu'Oran se mue en une Venise de bas étage. Il faut dire que ces deux quartiers précisément se dressent sur d'anciens lits d'oued connus historiquement à Oran, et la force de l'eau, retrouvant son ancien lit, emporte tout sur son passage. Les enfants n'ont pu reprendre les cours, de même pour nombre de personnes qui n'ont pu se rendre sur le lieu de leur travail, alors que certains parents ont refusé de laisser derrière eux leur famille à la merci de la montée des eaux. Le P/APC d'Oran qui, au même moment, donnait un point de presse, a été appelé en urgence pour se rendre sur les lieux, alors que les forces de police antiémeutes étaient également dépêchées sur place pour rétablir l'ordre et dégager les accès. Ces derniers ont été la cible des manifestants qui ont jeté des blocs de pierre avant de se faire repousser vers les ruelles adjacentes. Au bout d'une heure, les manifestations se sont étendues également à un autre quartier dit Torro avec le même scénario : des jeunes jetant des projectiles, occupant les rues et les boulevards commerçants. Des réactions similaires se seraient produites dans d'autres quartiers de la ville notamment à El-Hamri, El-Hassi où les eaux de pluie et les eaux d'assainissement se sont mêlées. Ces quartiers sont le bastion traditionnel de la contestation sociale, mais aussi des quartiers où se concentre le plus grand nombre du vieux bâti d'Oran. Depuis hier, pas un endroit d'Oran n'a été épargné, ronds points impraticables transformés en retenue d'eaux stagnantes, les trémies sont devenues des piscines, arbres et poteaux électriques cédant. Des situations tout aussi dramatiques et inquiétantes ont été vécues par les populations vivant dans les bidonvilles comme à douar Cheklaou, douar Dubaï à Sidi-Chahmi, à El-Kerma où, là encore, la population en colère a manifesté réclamant un relogement en urgence. Dans ces anciens bidonvilles, ceinturant tout le grand Oran, les habitants seuls, armés de balais et de bassines, ont lutté toute la nuit contre la montée des eaux et de la boue pour sauver la vie de leur famille. Par ailleurs, nous apprenons que la Protection civile a dû intervenir, nous dit-on, avec des Zodiac pour évacuer des citoyens au niveau de localités comme El-Braya, Aïn El-Beïda alors que pour la seule matinée d'hier pas moins de 40 interventions ont été menées rien qu'à Oran. La radio Bahia aussi s'est vue solliciter par des dizaines de citoyens, venus sur place pour lancer des appels de détresse ou crier leur colère à l'encontre des autorités locales. En début d'après-midi, aucun bilan ne nous avait été communiqué, alors que l'alerte météo qui prévoit des précipitations importantes pour les deux prochains jours, poussent les responsables à enclencher le plan Orsec. D. LOUKIL