RéSUMé : Karim est déboussolé, son père se montre d'une cruauté sans pareille, il le congédie pour dormir dehors, le ventre vide, dans le noir, sous un ciel sans étoiles, glacé par le froid. Il se réveille, devant lui une belle jeune fille de son âge le questionne, pensant que c'était un mendiant. Il s'énerve pour cette offense ; néanmoins lui demande son prénom ; et avant qu'il lui donne le sien en retour, qu'elle s'en va, le laissant conquis par la jolie Amina. J'entends un rire étouffé provenant de la maison de la vieille grand-mère, je me lève et va voir qui épiait ma conversation, et en avançant doucement, je lorgne discrètement et constate que Hadja Sadia était morte de rire au seuil de sa porte, la gardant entrouverte en la bloquant de sa main droite, pendant que l'autre étouffait son rire qui désirait se faire discret. En constatant que je la foudroyais du regard, elle me raconte, en essayant de stopper son rire nerveux : je n'étais pas en train de t'espionner, mon bel ami, au moment où tu allais déclarer ta flamme à la femme de ta vie. Si c'est ce que tu crois, tu as tors ; je voulais promener mon chat et j'ai… - Pourtant, je ne vois pas de chat aux alentours ! Je me permets de remarquer. - Oh, ce vilain matou s'est encore enfui ! La prochaine fois, je ne lui donnerai pas autant à manger, pour qu'il me revienne et me tienne compagnie plus longtemps. Je pars sans porter attention à sa justification que je ne croyais guère, mais elle m'interpelle en me proposant de boire un café en échange : j'oublie son indiscrétion. Mon ventre est prêt à troubler ma paix intérieure si je ne le remplis pas, donc je n'ai d'autre choix que d'accepter son offre sans me faire attendre. Elle me propose d'aller me rafraîchir dans la salle de bains ; j'en profite sans hésiter. L'odeur du bon café maison embaume les recoins de cette somptueuse et luxueuse maison. Sur les murs on pouvait voir des peintures représentant La Casbah d'Alger et plusieurs portraits de Hadja Sadia, des membres de sa famille, des amis, et certaines la représentaient plus jeune. Seulement, je reste sans voix en apercevant ma mère sur l'une d'elles, alors qu'elle n'avait que vingt ans. Je comprenais que cette grand-mère connaissait ma mère depuis plus longtemps que je ne l'aurais cru. Hadja Sadia me surprend à contempler la photo, et elle m'explique : Tu sais ta maman, je l'ai connue alors qu'elle était à la faculté de droit, quand moi je travaillais là-bas en tant que femme de ménage. Houda restait à étudier dans la bibliothèque jusque tard le soir, ce qui fait qu'on se croisait souvent dans le bus. Quand les autres étudiants évitaient le contact avec moi, à cause de mon modeste métier et me regardaient avec dédain, elle non, ta maman me parlait, venait s'assoir près de moi pour me tenir compagnie. Et parfois même, quand on devait se contenter de se tenir debout, du fait que le bus soit comblé de monde, elle réprimandait les hommes qui squattaient tous les sièges et les obligeait à être galants. - Ma mère était forte de caractère, je ne le savais pas. Je le constate avec étonnement. Hadja Sadia éclate de rire et précise : Non mon bel ami ! elle se montrait forte quand il y avait injustice, mais en réalité… elle était très timide et avait du mal à se faire des amis. - Tout comme moi ! murmurais-je. Elle me ressemblait en fait… - Que dis-tu Karim ? - Non rien…j'étais perdu dans mes pensées… - Descends sur terre, mon enfant, et allons prendre le petit déjeuner, tu as sûrement faim. -J'aimerais savoir un peu plus sur ma mère…comment était-elle ? Qu'est-ce qu'elle aimait…je veux tout savoir ! - (sourire) Je te raconterai tout ce que tu désires entendre, mais allons boire le café avant qu'il ne refroidisse. En m'asseyant autour de cette grande table où les gâteaux de toutes saveurs alléchaient mes papilles, je les dévorais des yeux. Hadja Sadia, ayant perçu mon regard criant famine, posa l'assiette aux convoitises sous mon nez et menace : Si tu ne finis pas tous ces gâteaux, je me fâcherais ! - Mais je ne peux pas manger tout ça tout seul ! m'exclamais-je offusqué, pour cacher ce qu'elle discernait clairement dans mes yeux : la faim. - Vas-y mange, et ne t'arrête que si tes yeux sortent de leur orbite, me prévient-elle, et sur un ton plus sérieux, relance-t-elle, Ne me déçois pas ! - Je ferai de mon mieux pour vous impressionner Hadja ! -Je te fais confiance mon jeune ami. Mais, à propos… - Oui ? - Je t'ai vu allongé sur le sol endormi, quand Amina t'a réveillé. Dis-moi…tu n'as pas veillé dehors j'espère ! - Non ! Pas du tout ! Je nie afin de ne pas la préoccuper. -Tu me le dirais si ton père te faisait souffrir ? Que je lui donne une belle correction ! - Oui, Hadja Sadia, je vous le dirais, soyez rassurée, je vais bien ! -Et si la baleine échoue sur ta plage de plaisance, appelle-moi que je la remette dans son eau saumâtre ! Je ris et lui réponds que tout allait à merveille, pour qu'elle ne s'inquiète de mon état alors qu'elle devrait prendre soin de sa santé. -Pourquoi tu ne prends pas de café ? T'attends que je te serve ? Tu es chez toi, mon bel ami, prends ce qui te fait envie ! -Je suis confus…je ne peux pas… - Tu veux me faire travailler à mon âge ? -D'accord, si vous insistez... (À suivre) H. B.