L'Organisation algérienne pour la planification familiale (AAPF) et le collectif Stop à la violence ! Les droits aux femmes maintenant, composé de plusieurs associations (Ciddef, AEF, Amusnaw, Anfdr, Fec, etc.) organisent un colloque national aujourd'hui, à l'EGT-Centre d'El-Hamma, sise à l'esplanade de l'hôtel Sofitel, à Alger. Outre les débats et les échanges entre participants et participantes, la rencontre va aboutir à un “plaidoyer pour une loi-cadre sanctionnant les violences à l'égard des femmes”, qui sera ensuite transmis aux décideurs. Qu'est-ce qui motive aujourd'hui la réalisation d'un tel plaidoyer ? D'après la coordinatrice du projet Violence de l'AAPF, Soumia Salhi, le colloque sera une occasion pour plaider l'importance de “la mise à jour des lois nationales” par l'introduction de nouvelles dispositions législatives visant la criminalisation de toute forme de violence ciblant les femmes. “Nous enregistrons de plus en plus des dénonciations de femmes. Il y a donc urgence à trouver des solutions pour la détresse des femmes. Nous avons besoin d'une réponse institutionnelle, de dispositions législatives”, a-t-elle confié à Liberté. Puis d'ajouter plus loin : “Il s'agit de susciter, notamment, l'adhésion à la nécessité d'une loi-cadre”. Mme Salhi a également affirmé que le plaidoyer s'appuiera sur la loi, qui sera “interrogée”, et fera ressortir “les nombreuses lacunes” qu'elle comporte dans le domaine de la prise en charge et de la protection de la victime des violences. La violence à l'égard des femmes constitue l'un des plus grands enjeux de notre époque en matière de violation des droits humains. En Algérie, ce phénomène est devenu plus “visible” grâce à la mobilisation et aux actions des associations, d'universitaires et de chercheurs. De plus, il est reconnu, depuis l'étude nationale réalisée en 2005 par l'Institut national de santé publique (INSP), que la violence domestique, notamment conjugale, a atteint des proportions alarmantes. Ces dernières années, le mouvement contre les violences faites aux femmes, plus soucieux sur les questions d'organisation et de résultats, poursuit sa marche progressive. Par ailleurs, on observe un changement d'attitude au niveau des pouvoirs publics, plus particulièrement du côté du ministère délégué chargé de la Condition féminine qui, depuis 2006, s'est doté d'une “stratégie nationale de lutte contre les violences à l'égard des femmes.” Sans omettre les avancées “timides” concrétisées à travers les amendements du code pénal, du code de la famille et du code de nationalité. Mais, comme le fait remarquer l'AAPF, la nouvelle phase exige de “faire évoluer le regard et la pratique de la société”, mais aussi de voir l'Etat plus engagé dans la protection des femmes victimes de “toutes les formes de violences.” Pourquoi ? Il y a un an, la rapporteuse spéciale des Nations unies pour la condition féminine, Rashida Manjoo, a souligné dans son rapport que la violence à l'égard des femmes touche une femme sur 10 en Algérie, un pays ayant ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Cedaw). Plus récemment, les chiffres livrés en novembre dernier par la DGSN et la Gendarmerie nationale indiquent que plus de 12 000 femmes victimes de violences ont porté plainte durant les neuf premiers mois de l'année 2011, dont 7 042 cas enregistrés auprès de la police et plus de 5000 cas auprès des gendarmes. Selon la DGSN, 5 047 femmes sur les 7 042 cas enregistrés ont subi des “violences corporelles”, 1 570 autres ont été victimes de mauvais traitements de la part de leurs ascendants, 273 victimes d'abus sexuels, 24 femmes victimes d'homicides volontaires et 4 cas d'inceste. Quant à l'identité de l'agresseur, il s'agit dans 1 540 cas des époux et dans 946 cas des proches des victimes. Ces chiffres, loin de refléter la réalité du terrain, montrent toute l'étendue du fléau et la voie à suivre pour le combattre. Hafida Ameyar